L'avenir du chauffage au bois
La maison rurale est rapidement passée par plusieurs modes de chauffage depuis trente ans. Presque tous se chauffaient au bois. On considérait normal de se préparer dix à quinze cordes de bois pour un hiver. Puis l'huile a suivi.
C'était pratique et même économique... pour ceux qui pouvaient se le payer. Et enfin, on a eu le chauffage électrique, à des coûts presque dérisoires. Mais vint la "crise énergétique" et tous ces nouveaux modes de chauffage se mirent à doubler et à tripler de prix. Regardez une facture d'huile ou d'électricité d'il y a seulement dix ans pour vous en rendre compte!
Les gens se sont rapidement aperçu qu'on n'avait pas vraiment de contrôle ni sur le prix ni sur l'approvisionnement de ces deux sources d'énergie.
Alors d'autres industries ont décidé de se servir de ce sentiment populaire pour s'enrichir: on pouvait maintenant vendre à qui que ce soit un poêle à bois étanche très efficace, ce qui nourrirait l'illusion de contrôler une source de chauffage complémentaire à des taux économiques.
Il est clair que dans les dernières années, les manufacturiers ont mis l'emphase sur l'apparence de leur produit et sur leur efficacité. Ces deux points sont vendables!
Mais où en est-on vraiment avec le chauffage au bois? Nous faisons ici un bilan plutôt sombre, mais nous croyons que nous pouvons y changer quelque chose. C'est ce que nous voudrions démontrer dans ce chapitre.
Si nous voulons évaluer la situation actuelle, il faut regarder toutes les composantes du problème et quelques solutions possibles:
- le combustible, coût et approvisionnement
- le poêle, qualité, efficacité, sécurité, pollution et durée d'un feu
- la cheminée, qualité et sécurité
1) Le combustibles:
a) Coût: Le bois, comme nous l'avons démontré au chapitre 5, peut être économique en milieu rural. Il l'est rarement pour ceux qui l'achètent coupé et fendu, surtout près des villes. Trop de gens achètent du bois pour leur foyer ou pour le sentiment de sécurité contre les pannes d'électricité ou contre le manque d'huile.
Parce qu'ils n'en brûlent vraiment pas beaucoup dans un hiver, les milliers de personnes dans ces deux cas n'ont vraiment pas d'égard pour le prix. Ils sont prêts à payer plus de $100 la corde. Les vendeurs de bois le savent et tant que les prix de l'huile et de l'électricité vont monter, le prix du bois dans les grands centres va continuer à grimper.
b) Approvisionnement: L'illusion créée autour du bois, sa disponibilité en grande quantité et à bon marché. Le bois est une ressource renouvelable seulement si on se donne la peine de la renouveler. Le reboisement naturel ne se fait pas aussi rapidement que nos énormes machines sont capables de déboiser.
Solutions:
Face aux deux questions de prix et d'approvisionnement en combustible, il peut y avoir quelques solutions. Pour le prix, on a vu naître des coopératives de bois de chauffage et l'organisation de groupes d'achat de bois de 4', au camion. Pour l'instant le prix du bois est en fonction du prix créé par l'industrie des pâtes et papiers.
Il se vend maintenant à la tonne mais les équivalences de prix sont près de $50 la corde pour des bois de qualité moyenne.
Quant à l'approvisionnement, les usagers du chauffage au bois doivent s'organiser pour repeupler les forêts de bois de chauffage. La plupart des bois durs poussent lentement mais avec la recherche, nous pouvons développer certaines variétés d'arbres qui seront propices au chauffage au bois, tout en poussant assez rapidement.
Des alternatives existent aussi pour le bois de chauffage. Chaque année des tonnes de déchets de produits forestiers sont laissées sur le champ ou s'en vont au dépotoir.
Heureusement, certaines industries s'en servent pour leur propre chauffage. Par ailleurs, des entrepreneurs se sont lancés dans le commerce de la récupération de ces déchets pour le chauffage domestique et nous pourrons probablement obtenir du bois comprimé utilisable à des prix concurrentiels dans un avenir rapproché.
Un autre produit qui servait autrefois et qui pourrait reprendre son utilité comme dans certains pays européens, c'est la tourbe. C'est un combustible difficile à brûler proprement, mais il serait possible d'en améliorer la technologie avec un peu de recherche.
Il faut se rappeler cependant que cette alternative est non renouvelable et pourrait facilement être épuisée par une exploitation trop poussée.
2) Les poêles:
a) Qualité:
Le poêle moyen de bonne réputation a en général une "bonne" efficacité, du moins s'il a été bien construit. Il reste cependant que le risque de rencontrer des poêles de pauvre construction est élevé puisque pour le moment, il y a très peu de contrôle dans cette industrie.
Le Canadian Wood Energy Institute qui est d'abord une association de manufacturiers et de marchands, fait une promotion non-critique des produits de tous ses membres. Il ne faut pas regarder de ce côté-là pour un contrôle sérieux, du moins pas pour l'instant. Les laboratoires de certification (ULC et ACNOR) font des vérifications de sécurité qui protègent le consommateur jusqu'à un certain point.
Ces agences n'ont cependant pas les moyens de faire des tests de durabilité et les défectuosités qui se développent sur une période d'un an peuvent échapper à leur contrôle. Sur ce dernier point, l'Association canadienne des consommateurs, tout en effectuant des tests de laboratoire, devrait aussi faire des relevés de problèmes, comme ça se fait sur la fréquence de réparation des autos.
b) Efficacité:
Même si nous ne voulons pas d'abord mettre l'emphase sur l'efficacité des poêles à bois, nous devons tout de même insister sur le fait que tout appareil de chauffage qui gaspille du bois devrait graduellement être enlevé du marché. Les associations de consommateurs et les regroupements de chauffage au bois devraient voir à informer le public pour que lentement, on ne voit plus de "Franklin" ou de "Parlor Stoves" dans les maisons chauffées au bois.
c) Sécurité et pollution:
Si nous avons pu affirmer que le poêle moyen a une "bonne" efficacité nous ne pouvons pas en dire autant de sa sécurité et de son contrôle de pollution.
Presque tous les poêles étanches sur le marché produisent des quantités énormes de polluants dont la créosote qui elle, présente en plus un danger continuel pour les feux de cheminée.
Les poêles actuels, chauffés lentement déposent de la créosote dans les cheminées et laissent monter dans l'atmosphère des quantités de produits organiques cancérigènes (polycyclic organic matter), du monoxyde de carbone ainsi que des oxydes d'azote. Presque aucune recherche a été effectuée pour développer un poêle non polluant.
d) Fréquence de chargement (durée d'un feu):
Le poêle de 60 litres qui convient comme supplément à la maison moyenne, ne peut faire qu'un feu d'environ quatre heures, s'il est chauffé à ouverture raisonnable.
Si par ailleurs, nous allons à un trop gros poêle (ex. 100 litres et plus) nous contribuons au problème de mauvaise combustion. Il nous reste donc à faire le choix entre un petit poêle, un plus plus "propre" et sécuritaire et un plus gros poêle dont la durée du feu nous satisfait mais qui produit davantage de créosote. C'est un pauvre choix pour le consommateur.
Solutions: Certaines recherches ont été faites dans le but de répondre à ces questions d'efficacité, de sécurité, de pollution et de durée d'un feu. Nous n'en sommes qu'à de premières réponses encore très coûteuses.
i) "Le Jetstream":
Une compagnie canadienne a mis sur le marché une qu'on dit être à efficacité maximale, à combustion propre, rattachée à un stock thermique: c'est la "Jetstream" (diag. 12-1).
Cette chaudière très coûteuse ($2000 à $4000) utilise deux souffleries internes, une pour souffler l'air sur le feu, l'autre pour fournir le tirage nécessaire puisque les gaz sont refroidis à température de pièce.
Cette fournaise requiert quelques chargements rapprochés pour ensuite être laissée à elle-même pendant de longues heures où elle extrait, selon la demande de la maison, la chaleur de l'eau réchauffée.
ii) Les stocks thermiques:
Un stock thermique est une masse, (eau, roche etc.) dans un contenant isolé, qui sert à emmagasiner de la chaleur.
Les stocks thermiques liés au chauffage au bois servent à résoudre différents problèmes:
(I) la durée de chauffage d'un poêle à bois peut être augmentée de beaucoup en le faisant chauffer très fort et en emmagasinant les excédents de chaleur dans le stock pour ensuite les récupérer au besoin.
(II) La propreté de combustion de certains poêles peut être grandement améliorée en les faisant chauffer à blanc. Pour ne pas avoir d'énormes variations de température dans la maison, les excédents de chaleur sont emmagasinés et ensuite récupérés.
3) Les cheminées:
Un dernier item à considérer sur le marché d'aujourd'hui, c'est la cheminée. Les cheminées de maçonnerie tout aussi bien que les cheminées préfabriquées se détériorent rapidement quand elles sont exposées à des feux de cheminée. Les cheminées que nous utilisons sont d'abord conçues pour un chauffage à l'huile.
Même si certains groupes vantent les progrès de la cheminée préfabriquée, il faut cependant écouter les pompiers en milieu rural quand ils font des commentaires sur ces produits.
Une cheminée de métal est faite pour opérer sous 1000°F et quand elle est maintenue à des températures supérieures pour des périodes prolongées, elle devient dangereuse. Ceci arrive durant des feux intenses et durant tout feu de cheminée. De plus, après quelques feux de cheminée, elles peuvent se détériorer gravement.
Solutions: Deux approches doivent être prises en même temps: réduire les dépôts de créosote et fabriquer une cheminée qui peut résister aux températures des feux de cheminée.
Pour réduire les dépôts, la cheminée de maçonnerie pourrait être isolée (ce qui n'est pas prévu par le Code) et l'isolant de la cheminée préfabriquée pourrait être amélioré, plus particulièrement aux joints. Des efforts sont faits par ailleurs pour trouver un revêtement intérieur de cheminée qui serait autonettoyant, comme pour certains fourneaux.
Pour fabriquer une cheminée qui résiste aux températures des feux de créosote, nous devons nous éloigner de la cheminée de tuiles d'argile pour penser à d'autres solutions.
Un tuyau d'acier d'une seule pièce, comme ceux utilisés dans les pieux de fondation, isolé, dans une cheminée de maçonnerie, semble donner des résultats satisfaisants.
Les manufacturiers de cheminées
métalliques pourraient probablement utiliser, des matériaux résistants aux
températures liées au chauffage au bois et aux feux
de créosote.
En concluant, nous croyons que la recherche faite par le Laboratoire canadien de recherche sur la combustion et par des individus comme Jay Shelton au Nouveau Mexique, The Institute of Man and Resources ainsi que de nombreux inventeurs, doit être encouragée et subventionnée.
Nous soulignons aussi l'importance de groupes de consommateurs, comme les Amateurs de chauffage au bois, qui peuvent inciter les compagnies, les gouvernements et leur propres membres à participer aux recherches de solutions pour que le chauffage au bois ait un avenir.