Le couguar

photo d'un couguar

Au Canada, les mots couguar, lion de montagne, puma et panthère servent à désigner une seule et même espèce à laquelle les scientifiques donnent le nom de Felis concolor. Le couguar est l'une des trois espèces de félins sauvages (félin est le nom générique qui désigne les membres de la famille des félidés) indigènes du Canada; le couguar est plus gros que les deux autres espèces, soit le lynx roux et le loup-cervier, et sa queue est beaucoup plus longue.

Le couguar a été nommé de bien des façons, dans plusieurs langues. Les Malécites du Nouveau-Brunswick l'appelaient " pi-twal ", c'est-à-dire celui qui a une longue queue. Les colons anglais arrivés sur la côte atlantique lui ont donné le nom de " panther " d'après le nom de la panthère de l'Ancien Monde qu'ils avaient vue dans des ménageries, des jardins zoologiques ou sur des oeuvres d'art. Les explorateurs français du sud du Québec et du Nouveau-Brunswick l'ont appelé " carcajou ", nom qui, plus à l'ouest, a été donné par la suite au glouton, ce qui a causé quelques confusions dans les écrits traitant de ces deux animaux. Les mots anglais " cougar " et français " couguar " maintenant largement utilisés au Canada sont des adaptations du mot brésilien " cuguacuarana ". Le nom " lion de montagne " est très répandu surtout dans l'ouest des États-Unis et " puma " est le nom que donnent au couguar les indigènes du Pérou.

L'aire de répartition et les sous-espèces

Depuis la venue des colons européens, l'aire de répartition du couguar a diminué mais elle est encore la plus vaste parmi celles des mammifères terrestres de l'hémisphère occidental. Elle s'étend vers le nord jusqu'à la limite du Yukon, à 60° de latitude N, et vers le sud jusqu'en Patagonie.

Au Canada, l'aire de répartition du couguar correspondait autrefois à celle de sa principale proie, le cerf; elle couvrait la côte Ouest au sud de 60° de latitude N, les prairies, les forêts du sud de l'Ontario jusqu'à la vallée inférieure de la rivière des Outaouais, la vallée du Saint-Laurent au Québec, et le Nouveau-Brunswick. De nos jours, ce grand prédateur n'est commun que dans l'Ouest.

Au Canada, on trouve quatre sous-espèces de couguar. La sous-espèce indigène de l'est du Canada F.c. cougar (Kerr) figure sur la liste des espèces en danger de disparition dressée par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada; ce même statut lui a été attribué sur le plan international par la Convention sur le commerce international des espèces de flore et de faune sauvages menacées d'extinction. Certaines sources la considèrent déjà disparue. (Le couguar de l'Est que l'on trouve dans le sud de la Floride constitue une autre sous-espèce.) Les trois autres sous-espèces canadiennes du couguar ne se rencontrent que dans l'Ouest. F.c. missoulensis (Goldman) vit dans le sud-ouest de l'Alberta et dans le centre de la Colombie-Britannique, F.c. oregonensis (Rafinesque) vit dans la chaîne Côtière de la Colombie-Britannique et F.c. vancouverensis (Nelson et Goldman) n'est indigène que sur l'Île de Vancouver.

Bien que des populations bien établies ne se trouvent que dans les régions boisées de la Colombie-Britannique et de l'ouest de l'Alberta, des couguars ont été signalés à l'occasion, depuis les dix dernières années, dans toutes les provinces sauf sur l'Île-du-Prince-Édouard. Au moins quelques-unes des observations faites dans les provinces de l'Est (soit l'aire de répartition de la sous-espèce Kerr, en danger de disparition), étaient en réalité des couguars de l'Ouest échappés de captivité; les autres observations sont encore mises en doute. Au Canada, le dernier couguar de l'Est a été abattu près de la frontière du Québec et du Maine en 1938 et ses restes sont conservés à l'Université du Nouveau-Brunswick. Bien que, depuis ce temps, il n'y ait eu aucune preuve incontestée de l'existence de la sous-espèce Kerr, les couguars sont si difficiles à observer que les scientifiques sont divisés quant à la disparition de la sous-espèce Kerr.

Les caractéristiques physiques

Parmi les félins du Nouveau Monde, le couguar ne le cède en grosseur qu'au jaguar. Comme tous les félins, il a un corps souple, musclé et trapu, une poitrine forte et la tête ronde et courte. Il a de longues vibrisses et de grands yeux. L'une de ses caractéristiques est sa longue queue, qui assure son équilibre.

La taille et le poids du couguar varient considérablement d'un secteur à l'autre de son aire de répartition. Chez toutes les races, les mâles adultes ont un poids 1,4 fois plus élevé que celui des femelles. Dans le sud-ouest de l'Alberta, le poids moyen des mâles adultes est de 71kg et celui des femelles adultes, de 41kg. En Amérique du Nord, la longueur totale du corps d'un mâle adulte est légèrement supérieure à 2m; celle de la femelle adulte est légèrement inférieure à 2m.

Le pelage du couguar d'Amérique du Nord varie du fauve rougeâtre ou gris fauve au brun chocolat foncé. L'arrière des oreilles et le bout de la queue sont noirs et la face porte des taches noires. À la naissance, les petits ont un pelage tacheté, mais les taches disparaissent avant la fin de la première année.

Le couguar est capable de saisir et de déchiqueter de grandes proies. Ses membres antérieurs et son cou sont exceptionnellement forts. Ses puissantes mâchoires aux longues canines ouvrent très grand et lui permettent de serrer et de retenir des proies d'un poids supérieur au sien. Le couguar a en outre des dents spécialement adaptées pour couper la viande, les tendons et les muscles.

Comme tous les félins, le couguar a cinq doigts aux pattes avant et quatre aux pattes arrière. Chacun porte une griffe qui se rétracte pendant la marche, mais dont l'animal se sert avec une grande efficacité lorsqu'il saisit une proie. Les membres antérieurs et leurs griffes sont plus grands que les membres postérieurs, ce qui constitue également une adaptation à la capture de grandes proies.

Les populations et les domaines vitaux

Les populations de couguars se composent d'adultes résidants, de jeunes dépendants et d'individus de passage. La plupart du temps, ces derniers sont de jeunes couguars indépendants qui n'ont pas encore établi leur propre territoire ou leur domaine vital, ou qui n'ont pas commencé à se reproduire. Dans l'ouest de l'Amérique du Nord, la densité des populations de couguars est de 0,3 à 9,2 individus par 100km² et est limitée par l'abondance des proies, la disponibilité des territoires de chasse adéquats et la structure sociale du groupe. Comme les couguars se situent au sommet de la chaîne alimentaire, des populations saines sont un bon indice de l'état de santé et de l'équilibre des écosystèmes.

Les mâles ont habituellement de grands domaines vitaux qui ne chevauchent pas ceux d'autres mâles mais qui empiètent sur ceux de plusieurs femelles. Celles-ci ont des domaines vitaux qui peuvent se recouvrir en partie les uns les autres. Parmi les femelles, celles qui ont de grosses portées et une progéniture plus âgée ont en général les domaines les plus vastes, car plus les familles sont nombreuses, plus les besoins en nourriture sont grands. Dans les régions où les proies émigrent, les couguars peuvent utiliser plus d'un domaine.

Même lorsque leurs domaines se chevauchent, les couguars évitent de se rencontrer. Les adultes des deux sexes se déplacent seuls, sauf pendant la période d'accouplement ou lorsqu'une femelle adulte est accompagnée de ses petits.

Le cycle biologique

Les couguars sont polygames. Un mâle ayant un vaste domaine vital peut s'accoupler avec un grand nombre de femelles, ce qui augmente ses chances de produire une descendance. Un mâle résidant tente habituellement d'établir des droits d'accouplement exclusifs avec les femelles de son aire.

Le mâle rend visite à toutes les femelles qu'il peut trouver et recherche continuellement celles qui sont en chaleur et disposées à l'accepter; des repères olfactifs et des lacérations sur les arbres délimitent son territoire. Ses recherches peuvent l'amener à parcourir de grandes distances; on cite même le cas d'un mâle ayant franchi 50km en un jour et une nuit. Des combats peuvent survenir au début, mais dès que les individus occupent un territoire, peu de confrontations se produisent. Ce système social paisible est un facteur important pour la stabilité des populations de couguars.

Chasseur normalement silencieux, le couguar, comme tous les félins, devient plus communicatif lorsqu'il est en rut. On a déjà vu et entendu des femelles en chaleur émettre des miaulements. Les couguars n'ont pas de saison d'accouplement particulière et les petits peuvent naître à toute époque de l'année.

Les femelles sont aptes à la reproduction vers l'âge de deux ou trois ans et la gestation dure environ 90 jours. Elles s'installent dans un lieu abrité, tel une caverne ou un chablis, pour mettre bas. La portée peut compter de un à six petits, mais il est rare de trouver plus de trois petits bien développés avec la mère. Les yeux des petits sont fermés à la naissance et ne s'ouvrent que vers la fin de la deuxième semaine. Le sevrage a lieu vers la quatrième ou la cinquième semaine. Le soin des petits incombe uniquement à la femelle, qui leur apporte de la nourriture et leur enseigne la chasse. Elle empêche le mâle de s'approcher des petits, au besoin par la force, car il arrive que ce dernier les dévore. Les petits demeurent avec leur mère jusque vers l'âge d'un an et demi, âge auquel les jeunes mâles sont plus gros que leur mère. Malgré les leçons apprises de leur mère sur les moyens de survivre, le passage à la vie indépendante est une rude épreuve pour les jeunes. Les femelles résidantes ont habituellement une portée tous les 18 à 24 mois. Dans les piémonts du sud-ouest de l'Alberta, on a constaté, sur une période de sept ans, qu'une moyenne de près de deux jeunes par femelle et par année atteignaient l'âge de l'indépendance.

Dans les secteurs où il est permis de chasser le couguar à l'aide de chiens, la chasse est la cause de mortalité la plus courante. (Les couguars sont habituellement insaisissables, mais les chiens peuvent les obliger à se réfugier dans un arbre.) La mort naturelle peut survenir de diverses façons. Comme les couguars s'attaquent fréquemment à des proies plus grosses qu'eux, ils risquent continuellement de recevoir des blessures graves qui peuvent parfois les tuer. On a vu des couguars subir une fracture de la colonne, de graves blessures à la poitrine et des perforations de l'abdomen en tentant de tuer une proie. Lorsqu'une femelle meurt en abandonnant une portée, les petits meurent habituellement aussi, à moins qu'ils n'aient atteint l'âge de 9 à 12 mois et qu'il puissent se nourrir et se défendre eux-mêmes. Les jeunes adultes indépendants sont plus susceptibles de mourir de faim que les adultes. Les mâles tuent parfois des petits, de jeunes adultes et d'autres mâles dans des combats territoriaux.

L'habitat et le régime alimentaire

Les couguars occupent des habitats au couvert végétal très diversifié. En Amérique du Nord, ils occupent le même habitat que le cerf de Virginie et le cerf mulet. Dans l'ouest du Canada, on trouve des couguars dans les partie boisées des piémonts, des montagnes et des plateaux de l'intérieur. L'abri que peut trouver le couguar sous forme de végétation et de terrain accidenté est plus important qu'un type de végétation en particulier.

Les couguars chassent le cerf mulet, le cerf de Virginie, le wapiti et les jeunes orignaux, lorsqu'ils peuvent en trouver; prédateurs opportunistes, ils se nourrissent également d'oiseaux et de plusieurs autres espèces de mammifères. Dans certaines régions, les couguars chassent le mouflon. Lorsque différentes espèces de proies sont disponibles, le régime du couguar mâle peut être sensiblement différent de celui de la femelle. L'hiver, dans la région de la rivière Sheep dans le sud-ouest de l'Alberta, les jeunes orignaux représentent environ 85% des proies des couguars mâles, tandis que le régime des femelles se compose à 79% de cerfs et de wapitis. Lorsque les couguars chassent de petits mammifères, ce sont le plus souvent des porcs-épics, des castors, des coyotes, des lièvres d'Amérique et des spermophiles. Le couguar tue lui-même ses proies et mange rarement de la charogne.

Comme tous les félins, le couguar chasse plus à la vue et à l'ouïe qu'à l'odorat. Il s'avance silencieusement vers sa proie jusqu'à un endroit d'où il peut l'atteindre en deux ou trois grands bonds, puis fond comme l'éclair sur sa victime qu'il terrasse.

La plupart du temps, les couguars tuent leurs proies en leur infligeant une profonde morsure à la gorge, ce qui comprime leur trachée et provoque leur suffocation; ils peuvent aussi leur briser les vertèbres cervicales d'un seul coup de mâchoires. Les grosses proies comme les jeune orignaux et les wapitis sont habituellement tuées par suffocation. Les petites proies tels les faons du cerf mulet ont le plus souvent le cou brisé. Après une capture, le couguar couvre sa victime de débris afin d'éviter qu'entre ses repas, les charognards découvrent la carcasse.

Les rapports avec les humains

Dans les hauteurs des Andes, les Incas chassaient autrefois le couguar en faisant encercler une vaste zone par l'armée, puis en rétrécissant progressivement le cercle de façon à rabattre tous les animaux au centre; ils tuaient finalement les prédateurs, notamment les couguars, qu'ils considéraient comme une dangereuse menace pour leurs troupeaux de guanacos et de vicuas, et laissaient fuir les autres animaux.

Les premiers Européens arrivés au Canada ont aussi considéré le couguar comme un ennemi. L'animal avait acquis sa mauvaise réputation en s'attaquant au bétail et, parfois, aux humains. Une guerre sans merci lui a été livrée par tous les moyens disponibles, depuis les meutes de chiens et les pièges jusqu'au poison en passant par des primes pouvant atteindre 50$. Le couguar a disparu presque complètement de l'est du pays. Heureusement, il restait suffisamment de zones sauvages pour permettre au couguar de l'Ouest de survivre. Les primes n'existent plus et, de nos jours, grâce à un aménagement avisé, les couguars réapparaissent dans leurs anciennes aires de répartition.

Les couguars sont presque insaisissables et évitent habituellement les contacts directs avec les humains. Champions du camouflage, ils restent parfois cachés même lorsqu'on les approche de très près. En suivant la piste d'un couguar un jour d'hiver, un chercheur se trouvait à peine à un mètre de sa cachette sous une grosse épinette, quand l'animal en est surgi d'un bond pour s'enfuir. On peut rarement l'observer, et les empreintes dans la neige sont habituellement le seul signe de son passage.

Ouvrages à consulter

  • Banfield, A.W.F. 1977. Les mammifères du Canada. 2e éd. Musées nationaux du Canada, Presses de l'université Laval, Québec.
  • Beaudoin, L.; Quintin, M. 1983. Guide des mammifères terrestres du Québec, de l'Ontario et des Maritimes. Éd. du Nomade, Waterloo (Québec).

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1973, 1978, 1987, 1990
N° de catalogue CW69-4/26-1990F
ISBNA : 0-662-96387-3
Texte : B.S. Wright
Révisé par Associated Resource Consultants Ltd., en 1990
Photo : T. W. Hall

 

 

 

 

 

 

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