Le Gros-bec errant

photo d'un Gros-bec errant
Photo: Robert McCaw

Lors de sa découverte, il y a environ 140 ans, dans les contreforts alors peu fréquentés des montagnes Rocheuses, le Gros-bec errant Coccothraustes vespertinus apparut comme un bel oiseau mystérieux venu de l'Ouest lointain. Le nom anglais correspondant de cette espèce " Evening Grosbeak ", peut se traduire par " Gros-bec vespéral ", nom que lui donna un des premiers ornithologues, qui fit l'erreur de croire que cet oiseau ne sortait des bois, pour chanter, qu'après le coucher du soleil. Le mot vespertinus signifie, en effet, " qui se produit au début de la soirée ".

Description

Le Gros-bec errant est un oiseau passereau de la sous-famille des Carduelinés, gras et vigoureux, de la grosseur d'un Merle d'Amérique, mais dont le cou et la queue légèrement fourchue sont beaucoup plus courts. Le bec conique est proéminent et épais et vraiment énorme pour un oiseau de cette taille. Le plumage de l'adulte mâle est impres- sionnant avec les plumes jaune doré du corps et une rayure superciliaire dorée. Le dessous du corps est jaune, et les plumes du dessus de la tête et du cou font penser à du velours brun riche et chatoyant. La queue est d'un noir jais, tout comme les ailes, à l'exception d'une bande blanc neige à l'épaule. Les subadultes mâles se distinguent par de petites taches sombres dans la bande blanche de l'épaule.

La femelle adulte est relativement plus terne. Le corps est gris fumé argenté avec du jaune sur les flancs, la nuque et le croupion. La bordure qui sépare l'aile du corps est jaune vif. Le noir de la queue et des ailes a des taches blanches prononcées. La partie inférieure est d'un gris un peu plus pâle, tandis que les tectrices sous-caudales et la gorge sont habituellement chamois et blanc argent. Au moment où les jeunes Gros-becs mâles ou femelles parviennent à voler, leur plumage ressemble assez à celui de leurs parents pour qu'on puisse identifier leur sexe.

En hiver, le bec est de couleur os, mais il subit un changement remarquable dans sa pigmentation au début du printemps. Il est alors du même vert que les frais bourgeons et les feuilles nouvelles, ou que les aiguilles qui apparaîtront bientôt aux extrémités des branches des épinettes, au milieu desquelles l'oiseau construira son nid quelques semaines plus tard. Le Gros-bec errant se dissimule dans la ramure et ne sort pour guetter que sa tête et son bec, dont la couleur se confond avec le vert des jeunes cônes d'épinette ou de sapin baumier. Nous avons là un bel exemple de mimétisme.

Le vol de cet oiseau est ondulant. Malgré la rapidité de leurs battements, les ailes nous laissent voir des taches blanches qui miroitent au soleil. L'oiseau lance souvent des appels en vol.

Sa voix

Le Gros-bec est bruyant et possède un vaste répertoire d'appels et de cris. Son unique chant est une sorte de gazouillement saccadé, qu'on entend rarement d'ailleurs. L'appel le plus typique consiste en un guillerimonosyllabique qui ressemble étrangement à celui du Moineau domestique, mais en plus fort. L'oiseau s'en sert pour revendiquer sa place dans la volée. Qu'il soit isolé ou perché dans un arbre avec des collègues, le Gros-bec emploiera le même cri, apparemment pour proclamer sa présence à ceux qui sont à portée de voix.

Il emploie aussi un vaste assortiment de sons pour manifester ses sentiments de peur, de surprise, de colère, de douleur, d'inquiétude, de curiosité ou de crainte. Pour entendre la plupart de ces sons, il suffit d'écouter attentivement pendant quelques minutes une bande de ces oiseaux assiégeant une mangeoire.

Aire de répartition et migration

Il existe quatre autres espèces de gros-becs en Europe et en Asie, mais le Gros-bec errant ne se rencontre qu'en Amérique du Nord. À l'origine son habitat se limitait aux contreforts des Rocheuses canadiennes, mais aujourd'hui, il s'étend à l'est jusqu'à Terre-Neuve. Son habitat préféré est une dense forêt de conifères, mais il s'est adapté aux forêts d'essences diverses de feuillus.

carte montrant la répartition du Gros-bec errant

Inconnus des Européens jusqu'en 1823, et découverts dans les Rocheuses, ces oiseaux se sont déplacés progressivement vers l'est du pays, surtout en hiver, si bien qu'en 1854, ils étaient parvenus à Toronto. Si les Gros-becs semblaient être observés en nombre sans cesse croissant chaque hiver, au printemps, par contre, on ne les voyait plus. Il ne s'agissait toutefois pas d'une migration régulière.

Durant l'hiver de 1889-1890, de grandes volées de Gros-becs allèrent passer l'hiver en Nouvelle-Angleterre. Mais au cours des hivers qui suivirent, on en vit peu ou pas du tout, puis soudain, vingt ans plus tard, il y eut un autre exode massif vers l'est, durant la saison froide. Depuis lors, des multitudes de cette espèce errante apparaissent à intervalles irréguliers, dans l'est et le sud-est du continent. C'est ainsi que de 1958 à 1961, on a pu observer des Gros-becs durant l'hiver jusqu'en Alabama et en Géorgie, au sud des États-Unis et jusqu'au Labrador et à Terre-Neuve, dans l'est du Canada. Leurs pérégrinations suivent les régions montagneuses depuis l'Ouest canadien jusqu'au nord du Mexique. L'ampleur de ces invasions annuelles varie d'une année à l'autre, et la densité des populations de l'Est semble avoir décliné durant les années 1980.

Les biologistes ont pu suivre la trace de quelques-uns de ces oiseaux errants en plaçant une bague d'aluminium numérotée à une de leurs pattes. Des Gros-becs errants bagués au Wisconsin et en Caroline du Nord ont été repris au Nouveau-Brunswick et au Québec. L'inverse s'est également produit. Les fiches sur le baguage nous révèlent que les migrations du Gros-bec ont tendance à se faire de l'ouest à l'est, ou au sud, à l'automne et au début de l'hiver, et en sens inverse au début du printemps. Mais ces déplacements migratoires sont si irréguliers qu'ils semblent presque tenir du caprice. En fait, ils seraient plutôt reliés à l'accessibilité des ressources alimentaires. Ainsi, ce sont des vols en quête de nourriture plutôt que des véritables migrations. La fréquence croissante des mangeoires d'hiver a peut-être compliqué davantage les déplacements déjà fantasques de ce vagabond.

Au cours de récentes études sur les grands rassemblements de printemps au Québec et au Nouveau-Brunswick, on a découvert une relation intime prédateur-proie entre le Gros-bec errant et ce fléau des forêts de résineux, la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Les oiseaux se rassemblaient dans les régions forestières les plus atteintes. Ils ne retournaient pas dans les régions où les pulvérisations aériennes avaient exterminé la tordeuse, mais ils revenaient si la tordeuse avait survécu. L'analyse a révélé des gésiers de Gros-becs adultes remplis de larves et de chrysalides de tordeuses. On est porté à croire que les parents en ont donné en nourriture une certaine quantité à leurs petits. Le déclin des invasions hivernales de Gros-becs dans les années 1980 peut être relié à la fin du grand cycle d'infestation survenant au même moment dans les provinces de l'Est.

Nidification

Malgré la grande curiosité suscitée par le Gros-bec errant, il y a très peu de rapports complets sur ses habitudes de nidification. On a repéré des nids à des hauteurs moyennes de 6-12 m dans des épinettes ou des arbres feuillus. Fait de brindilles enchevêtrées sans trop de consistance et tapissé d'herbe, de radicelles et de mousse, le nid contient 3 ou 4 oeufs de couleur verdâtre, parsemés de taches brunes ou olive.

La principale aire de nidification du Gros-bec errant semble toujours être l'Ouest canadien. Toutefois, cette espèce s'est tellement répandue qu'il est presque devenu coutumier de voir des adultes nourrir leurs petits dans presque toutes les parties de la section méridionale de la forêt boréale.

Régime alimentaire

Le Gros-bec errant mange surtout des graines de cônes d'épinette, de sapin baumier et de pin, mais il apprécie aussi les graines et les fruits de nombreux arbres feuillus et arbrisseaux, parmi lesquels il préfère les samares (ou graines ailées) de l'érable négundo. Il s'accommode cependant de toutes sortes de graines, y compris des graines de mauvaises herbes. Quantité de ces oiseaux se nourrissent dans les houx verticillés (aulnes blanches) et les buissons d'aubépine, dans les frênes et les arbres qui gardent jusqu'en hiver des pommes gelées. Le Gros-bec néglige généralement presque entièrement la chair des fruits. Après avoir extrait la graine de la pulpe, il fend l'enveloppe coriace avec son bec robuste. Il n'avale ordinairement que la partie interne (cotylédone) de la graine.

Lorsque le Gros-bec visite les mangeoires, il fait la joie des amateurs d'oiseaux qui peuvent l'observer à loisir. Sa nourriture préférée est la graine de tournesol, et un observateur encore ébahi se rappelle même avoir vu un seul Gros-bec avaler 96 graines en cinq minutes. Comme ces oiseaux visitent souvent les mangeoires en grand nombre, votre portefeuille peut s'en trouver considérablement allégé. On peut jeter les graines sur le sol gelé ou sur la neige, mais il est préférable de construire une plate-forme d'alimentation surélevée. En clouant à une large planche, une languette de bois ou de carton épais, on peut protéger les graines contre les coups de vent.

C'est un vrai plaisir d'observer un Gros-bec manger. Il choisit une graine bien dodue, la roule plusieurs fois dans son bec, la tourne tant qu'elle n'est pas placée contre le bord tranchant de son bec, avec la pointe dirigée vers l'intérieur. Il referme alors le bec et déchire l'enveloppe sèche. En deux ou trois autres mouvements habiles, il rejette sur la tablette l'enveloppe insipide et en avale l'intérieur.

Les Gros-becs se comportent de façon agressive aux mangeoires, ce qui peut parfois avoir pour effet de tenir les oiseaux des autres espèces à distance. Le séjour des volées d'oiseaux n'est habituellement que très éphémère. Ce sont les femelles qui souvent quittent les mangeoires les dernières après que les mâles se sont rassasié. Un moyen de contourner cette situation consiste à répandre les graines un peu partout de façon à permettre l'accès simultané à la nourriture à de nombreux individus. Afin de réaliser certaines économies, les lecteurs sont priés de distribuer seulement une petite ration à la fois et de remplir les mangeoires après le départ des Gros-becs. Comme les sources d'alimentation de ces oiseaux sont nombreuses dans la nature, il ne vous est pas nécessaire de tenter de satisfaire tous les besoins énergétiques de ces oiseaux voraces.

Le Gros-bec errant dévore une quantité étonnante de sel brut; il raffole également de gravier fin et de terre imprégnée de sel. Cette attirance pour le gravier salé constitue même parfois un danger pour la circulation automobile, et des oiseaux de l'espèce sont parfois tués en grand nombre.

Valeur économique

S'il est vrai que ces oiseaux se nourrissent des bourgeons et des jeunes feuilles d'une variété d'arbres feuillus, il n'est pas prouvé que cela soit dommageable. Les fruits qu'ils détruisent pour en extraire les graines sont presque tous des fruits sauvages d'une valeur économique insignifiante. Aucun fermier ne peut leur en vouloir de se nourrir des graines de mauvaises herbes. Un Gros-bec qui dépend entièrement pour son énergie quotidienne des larves de tordeuses en mange mille par jour. Ces oiseaux se concentrent dans les zones infestées pour couver et élever leurs petits avant de se déplacer ailleurs au terme du cycle d'infestation. À cause de leur appétit pour ce ravageur des cultures, les Gros-becs errants se rangent parmi les oiseaux les plus utiles du pays.

Ouvrages à consulter

  • Delaunois, A. 1990. Les oiseaux de chez nous. 2 éd. rév. et corr. Les éditions Héritage inc. Saint-Lambert (Québec). Pp. 216 et 217.
  • Godfrey, W. E. 1989. Les oiseaux du Canada. Éd. rév. Éditions Broquet, en collab. avec le Musée national des sciences naturelles. La Prairie (Québec).

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1977, 1994
N° de catalogue CW69-4/28-1994F
ISBN 0-662-99456-6
Texte: G. Hapgood Parks
Révisé par E. Dunn, en 1994
Photo: Robert McCaw

 

 

 

 

 

 

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