Le lièvre d'Amérique

photo d'un lièvre d'Amérique en hiver
Photo: Ed Cesar

Traits distinctifs et adaptations

Le lièvre d'Amérique Lepus americanus est l'un de nos animaux forestiers les plus communs. C'est un animal timide et réservé, difficile à repérer en été mais qui, dès la première neige, se trahit par des traces caractéristiques et des pistes ou passages très fréquentés.

Les pieds postérieurs du lièvre, bien développés et couverts d'une épaisse fourrure, lui permettent de se déplacer facilement sur la neige. De plus, les quatre longues orteils de chaque pied s'écartent considérablement dans la neige molle, ce qui augmente encore la taille de la "raquette". Une autre adaptation remarquable est la variation saisonnière de la couleur du pelage, qui passe du gris brun en été à un blanc presque immaculé vers le milieu de l'hiver. Ce changement, survenant deux fois par année et se manifestant par la chute et le remplacement graduels du poil, est mis en mouvement par les variations de la longueur des jours, qui influent sur le cycle de reproduction et par conséquent sur la mue. Dans les régions côtières humides de Washington, Orégon et du sud-ouest de la Colombie-Britannique où les chutes de neige sont rares, le pelage des lièvres d'Amérique reste brun toute l'année. Les grandes oreilles, typiques chez la plupart des lapins et des lièvres, aident à régulariser la température corporelle et à déceler l'approche de l'ennemi.

Répartition et habitat

Le lièvre d'Amérique, qu'on trouve seulement en Amérique du Nord, se répartit dans presque toute la forêt boréale. Les prolongements méridionaux de cette forêt, le long des Appalaches, dans l'Est, et des Rocheuses, dans l'Ouest, étendent au moins jusqu'en Caroline du Nord et au Nouveau-Mexique l'aire de l'animal qui atteint l'océan Arctique, dans les vallons de saules du delta du MacKenzie.

À l'intérieur de la forêt boréale, l'habitat du lièvre d'Amérique varie beaucoup et est grandement influencé par le type forestier et les feux plus ou moins récents. Dans l'est du Canada et dans les régions montagneuses, la forêt est surtout constituée de conifères (épinettes et sapins) tandis que, sur de grandes étendues de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, ce sont surtout des feuillus (peupliers). Dans un cas comme dans l'autre, les populations de lièvres se développent en abondance lorsque des feux périodiques entraînent la croissance d'épais peuplements de jeunes conifères ou de feuillus broussailleux, riches en nourriture et en abris. Par contre, si les forêts ne sont pas touchées par les incendies et arrivent à maturité, le nombre de lièvres est habituellement peu élevé; dans ces conditions, de petites populations se rencontrent souvent sur le bord des marécages et dans des clairières naturelles où poussent des groupes de saules, d'aulnes, de noisetiers et d'autres petites plantes ligneuses.

Le lièvre d'Amérique consomme au cours de l'été diverses plantes herbacées, dont des vesces, des fraisiers, des framboisiers et des épilobes à feuilles étroites. Son régime d'hiver est composé de brindilles, de bourgeons et d'écorce; l'érable, le bouleau, le rosier, le noisetier et le saule sont des essences feuillues qui lui sont très agréables, tandis que le pin gris, le pin blanc, le mélèze et le cèdre sont ses conifères préférés.

Reproduction

À sa naissance, le lièvre d'Amérique a les yeux ouverts, il est couvert de fourrure et se montre capable de sautiller presque immédiatement. Une telle précocité est un trait caractéristique des lièvres en général et contraste d'une façon marquée avec le comportement des jeunes lapins, qui viennent au monde nus et aveugles. Les levraults sont nourris une seule fois par jour, habituellement dans la soirée, et deviennent autonomes à l'âge de trois semaines. Ils pèsent environ 57 g à la naissance, prennent 0.45 kg au cours du premier mois et atteignent à cinq mois le poids moyen d'un adulte, soit 1.4 à 1.8 kg. Les femelles adultes ont tendance à peser légèrement plus que les mâles (57 à 114 g).

Le taux de reproduction des lièvres d'Amérique varie selon les régions, le plus élevé se rencontrant dans le centre de l'aire de répartition (les Prairies) et le plus faible au nord (Alaska) et au sud (les états des Grands lacs, le sud de l'Ontario et les Maritimes). Ils ont normalement quatre portées par année. Cependant, comme les lièvres de l'Alaska ont un maximum de trois portées par an, leurs petits sont en nombre inférieur; de même, dans le sud-est de l'aire de répartition, la mise bas de portées plus petites contribue à réduire le taux de reproduction.

Des études sur la reproduction du lièvre d'Amérique en Alberta, au cours d'une période de douze ans, ont révélé que la taille des portées variait de un à neuf petits, les premières de l'année ne comptant en moyenne que 2.8 levraults comparativement à 4.8 pour les autres. Il y a eu des différences marquées dans les taux de reproduction annuels, le nombre moyen de petits par femelle variant de 8 à 18. Ces différences annuelles étaient surtout le reflet de variations dans la taille des portées et le nombre de portées par année. Chaque année, le début de la période de reproduction était étroitement synchronisé dans toute la population, mais variait beaucoup d'une année à l'autre (du 25 mars au 14 avril). Les femelles avaient une période de gestation de 35 jours et pouvaient s'accoupler de nouveau quelques heures après la mise bas. Les portées avaient donc tendance à naître à environ cinq semaines d'intervale. Lorsque quatre portées étaient conçues au cours de l'année, la dernière voyait le jour vers le milieu ou la fin d'août. Il y a cependant des comptes rendus d'une authenticité établie concernant des naissances qui se sont produites en septembre et même plus tard.

Les jeunes lièvres d'Amérique ne s'accouplent habituellement pas au cours de leur premier été, mais il arrive qu'une femelle de la première portée parvienne à maturité sexuelle au milieu de juillet et mette bas en août.

Mortalité

Le lièvre d'Amérique est sujet à une grande variété de maladies infectueuses, d'ordre viral, bactérien et parasitaire. Il est aussi victime de nombreux prédateurs mammifères et aviens : parmi les plus communs se trouvent le lynx, le renard roux, le coyote, le vison, le grand duc et l'autour. Le taux de survie chez les petits au cours de leur première année varie annuellement de 3 à 40 %. Chez les adultes, ce taux annuel est également très variable, allant de 12 à 50 %.

Bien que les maladies et les prédations soient souvent les causes immédiates de la mort des lièvres, leurs répercussions sur les populations semblent être en grande partie fonction du mauvais temps et des difficultés d'alimentation. Par exemple, les jeunes lièvres ont un taux de mortalité élevé lorsque le temps est frais et humide au cours des premières semaines de leur vie; de même, il y a accroissement de la mortalité durant des périodes prolongées de températures inférieures à -20°C ou lors de pénuries alimentaires coincidant avec des sommets dans la courbe démographique.

Fluctuations de la population

Les spectaculaires fluctuations cycliques des populations de lièvres d'Amérique sont bien connues au Canada. D'une régularité remarquable, ces variations s'inscrivent sur une période de 200 ans dans les registres de la Compagnie de la baie d'Hudson et ont reçu, à juste titre, le nom de "cycles de dix ans". En réalité, l'intervale entre deux sommets successifs varie de 8 à 11 ans, pour une moyenne de 9.6 ans. Lorsque la population atteint un sommet, le nombre de lièvres est extrêmement élevé. Une telle abondance s'est produite en 1970, dans le centre de l'Alberta, où les densités ont atteint au cours de l'automne 3 000 à 6 500 animaux par 2.6 km2. Le cycle touche en même temps plusieurs vastes régions et influe sur la vie des gélinottes, de même que sur celle de certains mammifères et oiseaux prédateurs qui dépendent beaucoup du lièvre d'Amérique et de la gélinotte pour se nourrir.

D'après de récentes études, il semble certain que les sommets démographiques ont des conséquences graves sur les réserves alimentaires hivernales des lièvres et que les morts attribuables à la prédation deviennent importantes seulement après que les populations ont atteint un niveau de beaucoup inférieur aux densités de pointe. Les deux ou trois premières années du cycle descendant se caractérisent par un taux de survie faible chez les adultes et très faible chez les jeunes, une taille réduite des portées et une saison de reproduction abrégée.

Déplacements et activités

L'aire d'habitation d'un lièvre d'Amérique, c'est-à-dire la zone à l'intérieur de laquelle il vit habituellement, ne dépasse d'ordinaire pas 8 ha. L'activité des lièvres se trouve souvent réduite d'une façon marquée par la pluie, la neige et le vent. Au cours de la journée, les animaux se reposent dans leur gîte mais, du coucher du soleil à l'aube, ils mènent une vie très active. Ils se creusent rarement, sinon jamais, de terriers mais utilisent volontiers ceux que d'autres animaux se sont aménagés.

Plusieurs lièvres empruntent souvent la même piste comme d'un passage entre les zones d'alimentation et de repos. Les écureuils, porcs-épics, mouffettes et marmottes, de même que divers mammifères prédateurs, se servent aussi de ces pistes. En été et en hiver, les principaux passages suivent le même itinéraire; si des tiges ou des feuilles commencent à entraver le passage, les lièvres les enlèvent promptement.

Lors de sommets périodiques de la population, les lièvres ont tendance à se disperser tout au long de l'hiver à partir des centres de densité; ils peuvent alors se déplacer sur plus de 8km. Les émigrants sont en majeure partie des juvéniles et des jeunes de l'été précédent.

Valeur économique

Les habitudes alimentaires des lièvres d'Amérique viennent parfois en conflit avec les intérêts horticoles et sylvicoles de l'être humain. Pendant les années de forte densité de population, les lièvres envahissent les fermes, endommageant les jardins potagers, annelant les arbres fruitiers et ornementaux. Dans les plantations forestières, la destruction de jeunes pousses de conifères peut avoir des répercussions graves.

Dans certaines régions, le lièvre d'Amérique fait l'objet d'une chasse sportive mais ailleurs au Canada, dans l'Ouest par exemple, on ne le considère pas comme du gibier. A Terre-Neuve (où les lièvres ont été introduits vers les 1870), on en prend au collet des milliers, qu'on mange ou qu'on vend au marché; par contre, dans les Prairies, il serait probablement difficile d'en donner un. Ce refus de manger du lièvre trouve probablement son origine dans la croyance très répandue voulant que cet animal soit porteur d'une maladie mystérieuse qui cause son déclin cyclique. Cependant, les autochtones ne sont pas aussi crédules et, pour beaucoup, le lièvre continue d'être une importante source alimentaire.

La fourrure du lièvre n'est pas durable et n'a donc pratiquement pas de valeur commerciale. Sa principale contribution au commerce des fourrures est de servir d'aliment à d'importants animaux à poil comme le lynx, le renard roux, la martre et le coyote.

Le lièvre d'Amérique est sans aucun doute l'un des herbivores dominant et l'une des espèces clés de la forêt boréale et, en tant que tel, il compte pour beaucoup dans la diversité intéressante et écologiquement importante de cet écosystème.

Ouvrages à consulter

  • Croteau, A. 1973. Québec chasse et pêche. Les publications plein air, Inc. Montréal. Vol. 3(2). p. 22.
  • Duchesnay, E.J. 1961. Faune illustré du Québec. Editions St-Louis, St-Louis de Courville, Québec.
  • Dumais, R. 1968. Les mammifères de mon pays. Les éditions de l'homme, Ltée. Montréal.
  • Mélançon, C. 1972. Nos animaux chez eux. Éditions du jour. Montréal.
  • Poupart, H. 1972. Québec chasse et pêche. Les publications plein air, Inc. Montréal. Vol. 2(3). p. 25.

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
Ministère des Approvisionnements et Services Canada 1974
Réimprimé avec corrections 1995
N° de catalogue CW69-4/44F
Texte: L. B. Keith
Photo: Ed Cesar

 

 

 

 

 

 

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