Le porc-épic

photo d'un porc-épic
Photo: Ed Cesar

Le porc-épic est un des mammifères canadiens les plus connus, dans la vie comme dans la légende. Sa célébrité vient surtout de son armure de piquants qui tient la plupart de ses ennemis à distance respectueuse.

Aire de distribution et habitat

Le porc-épic Erethizon dorsatum fréquente en Amérique du Nord (voir la carte) toute une gamme de types de végétation, du milieu semi-désertique à la toundra. (On trouve également les porcs-épics en Afrique et en Asie, bien que les porcs-épics de l'Ancien Monde n'appartiennent pas à la même famille que ceux du Nouveau Monde).

Même si l'espèce indigène de l'Amérique du Nord préfère toujours vivre dans les arbres, elle ne fréquente pas uniquement les forêts bien développées; on peut en effet la rencontrer dans les peuplements d'aulnes le long des rivières, et dans les broussailles de pins rabougris le long des crêtes. C'est sur les saillies rocheuses et les tas de pierres, pouvant très bien servir de gîte, et dans les boqueteaux de peupliers faux-trembles, de pruches et d'autres arbres, que l'on en trouve le plus.

Aspect général

Lorsqu'il se tient en boule tout en haut d'un arbre, on pourrait prendre le porc-épic pour un nid d'écureuil ou de corneille, mais il se reconnaît aisément près du sol. Il a une petite tête, un museau aplati et de petits yeux. Les oreilles sont minuscules et rondes, presque entièrement cachées par les poils qui couvrent aussi les piquants. Les épaules sont voûtées et font paraître le dos arrondi. Les pattes courtes sont arquées, et l'animal se tient comme un ours, toute la plante du pied posée fermement sur le sol. Les griffes sont longues et recourbées. Le premier doigt des pattes arrière est remplacé par une pelote digitale large et mobile qui donne à l'animal meilleure prise sur les branches lorsqu'il grimpe. La queue, musclée, est épaisse, courte et à bout arrondi.

Le pelage du porc-épic se compose d'un duvet brun, doux et laineux, ainsi que de poils de garde longs et rugueux. À leur base, les poils de garde sont bruns pour ensuite devenir plus sombres vers la pointe; celle-ci peut être blanche chez les populations de l'Est, et jaune chez les populations de l'Ouest. Ces poils cachent les piquants jusqu'à ce que le porc-épic s'excite. Les piquants sont plus longs sur les épaules et le dos; une fois hérissés, ils poussent les poils de garde en saillie et forment ainsi une crête. Les piquants du devant de la tête ont environ 1,2 cm de longueur tandis que ceux du dos peuvent atteindre 12,5 cm. Il n'y a pas de piquants sur le museau, les pattes ou le dessous du corps. Chaque piquant creux est incrusté dans la peau et fixé à un petit muscle qui le fait se dresser dans la fourrure lorsque l'animal, alarmé, se hérisse. À environ un demi-centimètre de son extrémité, le piquant s'amincit graduellement pour former une fine pointe couverte de plusieurs douzaines de petits aiguillons noirs. Ces derniers, à peine rugueux au toucher, gonflent à l'humidité, par exemple quand ils sont enfoncés dans la chair d'un assaillant, et ils y font pénétrer davantage le piquant. La pointe est noire, à traits jaunes ou blancs.

On pense que le porc-épic a plus de 30 000 piquants; la perte de plusieurs centaines d'entre eux, qui peut survenir en un seul combat, ne le désarme donc pas pour autant. Au fur et à mesure de ces pertes, de nouveaux piquants prennent la relève; ils sont blancs et acérés, mais fermement ancrés dans la peau jusqu'à complète maturité.

Chez les rongeurs, le porc-épic se classe deuxième pour sa taille, tout de suite après le castor. Les mâles adultes atteignent un poids moyen de 5,5 kg après 6 ans et l'on a déjà vu des femelles de 4,5 kg. La longueur totale va en moyenne de 68 à 100 cm et la hauteur à l'épaule est de quelque 30 cm.

Vie et moeurs

Les porcs-épics commencent à se reproduire à l'âge de un ou deux ans. Dans la partie sud de leur aire de distribution, c'est en septembre qu'ils s'accouplent; sous les latitudes plus élevées, c'est à la fin d'octobre ou en novembre. La femelle n'est en chaleur que pendant 8 à 12 heures en tout, et c'est souvent elle qui fait les avances. La cour consiste simplement en étreintes et frottements de nez avant l'accouplement. Leur accouplement faisait naguère l'objet de nombreuses spéculations et théories ingénieuses, mais les faits sont simples. La femelle aplatit ses piquants, puis se tord la queue pour qu'elle ne fasse pas obstacle au mâle et que celui-ci puisse s'accoupler de la façon normale. L'accouplement se termine brusquement, sur quoi l'un des partenaires grimpe à un arbre et pousse des cris perçants si l'autre fait mine de recommencer.

La période de gestation est d'environ 30 semaines; la naissance a lieu entre mars et mai, selon que le porc-épic se trouve dans une région à latitude plus ou moins élevée. Les préparatifs de la femelle pour la naissance se résument à peu de chose; elle ne cherche rien en particulier pour s'en faire une tanière ou une litière. L'unique petit (il n'y a presque jamais de jumeaux) peut naître sur un tas de pierres, sous une souche ou sous un amas de branchages.

Le bébé porc-épic est bien développé à la naissance; il a les yeux ouverts, les incisives et les molaires arrondies, déjà exposées. Long d'environ 30 cm, il pèse à peu près 0,4 kg et il est couvert d'un pelage noir et dense. Les piquants, pointus mais sans aiguillons, sont doux et cachés dans le pelage. Quelques heures après la naissance, ils durcissent et peuvent se dresser. Après environ deux jours, le nouveau né peut grimper, mais tend à rester surtout au sol. À l'âge d'une semaine, le bébé commence à se retrouver seul, pour des moments dont la durée ira croissant, pendant que sa mère se nourrit de pousses vertes. Le sevrage prend de 7 à 10 jours, parfois plus longtemps en captivité. L'automne venu, la plupart des jeunes porcs-épics ont quitté leur mère.

Habitudes et comportement

Le comportement défensif du porc-épic est bien connu, encore qu'il soit parfois mal interprété. S'il est au sol lorsqu'il éprouve un danger, le porc-épic gagnera l'abri le plus proche, sous un rocher ou une souche, ou bien dans un arbre; il abandonnera même sa marche lente pour un galop maladroit. Si on l'empêche de battre ainsi en retraite, il se pelotonnera en se rentrant la tête, qu'il a vulnérable, entre les épaules. Tous piquants dressés, le porc-épic pivotera sur ses pattes de devant et présentera le dos à l'ennemi. Tandis qu'il se retourne en piétinant de ses pattes de derrière, il le menacera en fouaillant l'air de sa queue. La vitesse acquise de la queue peut détacher des piquants déjà ébranlés, qui fendront l'air en laissant l'impression qu'on les a lancés.

Il arrive que, pris à un piège, un porc-épic se darde de ses propres piquants en se débattant; il les enlève alors avec beaucoup de dextérité à l'aide de ses dents et de ses pattes de devant. Il en fait autant des piquants qu'il peut tenir d'un autre porc-épic.

Perché, le porc-épic considère le danger d'un air indifférent; toutefois, si l'ennemi commence à grimper sur l'arbre, le porc-épic descend à reculons en fouettant l'air de sa queue. Lors des confrontations, il claque des dents; à cela près, le porc-épic n'est guère communicatif. Il arrive que la femelle frotte son petit du nez en émettant de faibles grognements et gémissements. Ce n'est que pendant la saison des amours que les porcs-épics deviennent bruyants et se créent un répertoire de gémissements, hurlements, grognements et glapissements.

Pendant une grande partie de l'année, les porcs-épics n'ont aucune vie sociale et mènent une existence solitaire. Ils se rassemblent cependant, l'hiver, pour s'abriter ou se nourrir plutôt que pour des raisons d'ordre social. Plusieurs peuvent se réunir autour d'un aliment favori, et on en a déjà retrouvé l'hiver jusqu'à une centaine au milieu de vastes amas de pierres. Ils sont alors habituellement tolérants et s'ignorent complètement, bien qu'il puisse y avoir quelques claquements de dents à propos de la nourriture. Les jeunes porcs-épics sont souvent folâtres et font semblant de se battre avec leur queue. On a même parfois vu jouer des adultes, bien qu'ils soient normalement assez calmes.

Le porc-épic n'hiberne pas. Toutefois, il ne s'éloigne habituellement pas, se nourrissant dans un rayon d'environ 100 m de sa tanière. Lorsqu'il neige ou qu'il pleut, il reste au gîte ou, s'il est alors en train de se nourrir à l'extérieur, il reste perché dans un arbre, même si la température s'abaisse à plusieurs degrés au dessous du point de congélation, jusqu'à ce que la précipitation cesse. Par temps sec en hiver, il se nourrit à tout moment du jour ou de la nuit, mais le reste de l'année, c'est la nuit qu'il s'affaire et ce, par n'importe quel temps. L'été, le porc-épic s'éloigne davantage de son abri; il cherche souvent sa nourriture jusqu'à 1,5 km de là. Outre ces déplacements quotidiens, il peut y avoir des mouvements saisonniers entre les quartiers d'hiver et les aires d'alimentation estivale. Dans les régions montagneuses, les porcs-épics descendent souvent, en hiver, en suivant des voies précises indiquées par des arbres écorcés. Au printemps, ils retournent sur la montagne, vers leurs lieux d'alimentation estivale.

Régime alimentaire

Même si le porc-épic se nourrit principalement de l'écorce interne des arbres, il mange aussi diverses autres plantes. L'hiver, bien que les aiguilles et l'écorce de la plupart des arbres lui conviennent, il a des mets favoris : le pin ponderosa dans l'Ouest, le pin blanc dans la région des Grands Lacs et la pruche dans les États du Nord-est. Au printemps, alors que la sève monte, il recherche l'écorce des érables, de même que les chatons et les feuilles d'aulne, de peuplier et de saule. À mesure que la végétation commence à reverdir, le porc-épic mangera des feuilles de plantes et d'arbustes : cela va du gadellier au rosier, à l'aubépine, aux violettes, aux pissenlits, au trèfle et aux graminées. Il recherche en particulier les feuilles succulentes du nénuphar et de la sagittaire, en quête desquelles il pataugera dans les ruisseaux et se mettra même à nager, ses piquants remplis d'air l'aidant à flotter. En automne, il mange faînes et glands, et il n'hésitera pas à dévaster des champs de maïs et des vergers.

Une des mieux connues et des moins appréciées des habitudes alimentaires du porc-épic consiste à mâcher le bois et le cuir qu'il trouve dans les camps en forêt et aux alentours. Il ronge les objets salés tout comme ceux qui ne le sont pas, indiquant peut-être ainsi non seulement un appétit dévorant pour le sel, mais aussi un besoin d'aiguiser ses dents à croissance continue. En l'absence d'objets de fabrication humaine, il grignotera les ossements d'animaux morts et les bois des cervidés, tombés à l'automne et trouvés sur le sol.

Le porc-épic se nourrit lentement et posément; il compte davantage sur son nez que sur ses yeux pour faire son choix de plantes. Cette habitude a parfois mené les gens à croire que les porcs-épics sont stupides, bien qu'ils soient tout aussi intelligents que beaucoup d'autres mammifères.

Facteurs de limitation de la population

Du fait qu'il se déplace lentement, il arrive souvent que le porc-épic périsse sur la route ou lors de feux de forêt. Il n'est pas rare qu'il se blesse en grimpant ou qu'il soit victime de maladies, en particulier de la tularémie. Le porc-épic a des parasites externes en abondance, comme des tiques et des poux, et des parasites internes tels que vers ronds, vers plats et nématodes; cela ne semble cependant pas l'incommoder.

On a trouvé des piquants de porc-épic dans la peau de plusieurs prédateurs comme le coyote, le couguar, le lynx roux, le renard roux, le loup-cervier, aussi appelé lynx du Canada, l'ours, le loup, le pékan et le Grand-duc d'Amérique. Il est des prédateurs plus expérimentés qui apprennent à éviter les piquants et à tuer le porc-épic en s'attaquant à sa tête avec leurs crocs. Le prédateur le plus connu de ce dernier est le pékan, qui a d'ailleurs été introduit avec succès dans certaines régions de la Nouvelle-Angleterre pour diminuer la population de porcs-épics.

Rapports avec les humains

Les Amérindiens teignent les piquants et s'en servent comme décorations. Une fois transférés dans des réserves, ils ont cessé de rechercher la chair de porc-épic, particulièrement en hiver, et se sont mis à chasser son pire ennemi, le pékan, pour sa fourrure. Les colons européens ont provoqué le déclin du pékan, à force de le piéger et d'être à l'origine de la déforestation de la partie méridionale de son aire de répartition. L'augmentation du nombre de porcs-épics qui a suivi, combinée à l'essor de l'industrie forestière et au fait que ce rongeur endommage certains arbres et les détruit, a eu pour effet d'en faire un animal nuisible aux yeux du grand public.

On considère également le porc-épic comme un animal nuisible à cause de son habitude, dont nous avons déjà parlé, de s'attaquer avec ses dents aux bâtiments dans les camps en forêt. Dans les secteurs où cette situation est vue comme un problème, la bête est donc abattue au fusil, piégée ou empoisonnée avec l'aide d'appâts salés.

Identification sur le terrain

Du fait de la myopie du porc-épic et de la lenteur de sa démarche, il n'est pas très difficile de s'en approcher une fois qu'on l'a repéré. Il n'est pas toujours facile à voir lorsqu'il est dans sa tanière ou dans un arbre, mais ses habitudes alimentaires, sa mastication bruyante, des brindilles coupées et des morceaux d'écorce arrachés peuvent trahir sa présence. Autour des arbres dont il mange l'écorce et, surtout, à l'extérieur des abris d'hiver, on trouve des excréments. L'hiver, ces derniers sont rugueux et de forme irrégulière; l'été, ils ont tendance à être mous et arrondis, passant du brun verdâtre au brun foncé avec le temps.

L'automne et, dans une moindre mesure, à d'autres moments de l'année, on peut appeler le porc-épic en poussant à plusieurs reprises un petit gémissement bas de chiot, sur toute la gamme.

L'hiver, les pistes se reconnaissent à la forte empreinte de toute la plante du pied posée lourdement sur le sol, aux marques des longues griffes et parfois à celles de la queue qui a traîné&. Par ailleurs, dans une neige épaisse et molle, la piste du porc-épic ressemble à un caniveau.

Ouvrages à consulter

  • Banfield, A.W.F. 1977. Les mammifères du Canada. 2e éd. Presses de l'Université Laval et University of Toronto Press. Pp. 216– 219.
  • Delaunois, A. 1991. Les mammifères de chez nous. Éditions Héritage inc. Saint-Lambert (Qc). Pp. 117– 120.
  • Wooding, F.H. 1984. Les mammifères sauvages du Canada. Éd. Marcel Broquet. La Prairie (Qc). Pp. 189– 192.


Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1977, 1988, 1993
N° de catalogue CW69-4/60-1993F
ISBN: 0-662-98635-0
Texte : Anne Gunn
Révisé par C. G. Van Zyll de Jong, 1993
Photo: Ed Cesar

 

 

 

 

 

 

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