Le pas de vis
La vis est une machine élémentaire qui sert à de nombreux usages. L'étau d'établi, qu'utilise le charpentier, est Tune des applications pratiques de la vis qui démontre jusqu'à quel point elle assure un puissant avantage mécanique. Le serre-joints, qu'on emploie afin de tenir solidement assujetties les parties d'un meuble que Ton veut coller, de même que les vérins qui servent à soulever une auto, et jusqu'au moulin à viande utilisé par la ménagère, sont des exemples qui permettent de constater l'emploi universel de ce principe de mécanique.
La vis est une modification du plan incliné, II suffit, pour en obtenir la preuve, de découper un triangle droit dans une feuille de papier — ce qui donne un plan incliné — puis d'enrouler cette bande triangulaire autour d'un crayon, comme le fait voir notre fig. 42.
On se rend compte immédiatement qu'en somme une vis est un plan incliné enroulé autour d'un cylindre. A mesure qu'on fait accomplir au crayon une rotation sur lui-même, le triangle de papier s'enroule de manière que son hypoténuse forme un pas de vis semblable à celui que porte la tige métallique d'à-côté. On appelle pas (pitch) la distance qui sépare des points identiques d'un même filet, mesurée dans le sens de la longueur du cylindre qui le porte.
Le vérin
De manière à comprendre le principe sur lequel repose la vis, il suffit de bien examiner la fig. 43.
On y voit un vérin (jack) du genre couramment employé pour soulever les édifices ou les machines lourdes. Le vérin est muni d'un levier d'une longueur r. Si vous faites accomplir un tour complet à ce levier, son extrémité externe aura décrit une circonférence. Cette circonférence ou cercle équivaut à 2 π r. (On se rappellera que π égale 3.1416 ou, en gros 22/7). Ce cercle est la distance, ou bras de levier, sur lequel l'effort est appliqué.
Pendant le même temps, la vis a accompli une révolution complète et, en ce faisant, elle s'est--élevée d'une hauteur correspondant à son pas p. En d'autres termes, un plein filet est sorti de la base du vérin, et la charge a été soulevée d'une distance p.
N'oublions pas, ici, qu'un avantage mécanique théorique est égal à la distance pendant laquelle un effort est appliqué, divisée par la distance que parcourt la résistance ou charge à déplacer. En supposant que le levier ait une longueur de 2 pieds (24 pouces) et que la vis ait un pas de ¼ de pouce, on peut trouver quel est l'avantage mécanique théorique en ayant recours à la formule:
dans laquelle:
r = la longueur du levier, soit 24 pouces,
p = le pas, ou distance entre deux points correspondants sur des filets qui se suivent, soit ¼ de pouce.
En substituant les valeurs réelles aux lettres de la formule, on trouve
Une traction correspondant à 50 livres sur le levier du vérin exercera une poussée d'élévation ou avantage mécanique théorique équivalant à 50 X 602, soit d'environ 30,000 livres. Quinze tonnes par 50 livres! C'est un avantage vraiment appréciable.
Cependant, les vérins sont loin de fournir un rendement aussi exact que l'indique la formule. On y observe une déperdition considérable de l'effort appliqué résultant de la friction. Par suite de la manière dont les filets sont coupés, l'effort servant à neutraliser la friction est plus grand que l'effort qui se transforme en travail utile. Si les filets n'étaient pas coupée de cette manière, le poids de la charge aurait pour conséquence de faire redescendre la vis à son point de départ dès qu'on relâcherait l'effort appliqué contre le levier.
Les micromètres
Lorsqu'on se sert d'un vérin comme celui dont il vient d'être question, l'effort appliqué sur une distance de 2 π r, ou 150 pouces, permet de faire monter la vis de ¼ de pouce. Un tel
instrument exige beaucoup de mouvement circulaire pour obtenir très peu de mouvement rectiligne, c'est-à-dire d'élévation verticale au sommet du vérin. Le même principe est "avantageusement" exploité dans la construction des micromètres — instruments fort commodes pour obtenir au millième de pouce près des mesures infinitésimales.
La fig. 44 nous montre le croquis semi-schématique d'un micromètre. Le tambour (timble) tourne librement sur le baril (sleeve) qui est rigidement fixé au corps même de l'instrument à Tune des extrémités de son cadre (frame). La tige (spindle) est reliée au tambour et elle est pourvue de filets qui permettent de la faire mouvoir vers la gauche ou vers la droite en faisant pivoter le tambour entre les doigts. Ces filets sont coupés à raison de 40 au pouce, de sorte qu'un tour du tambour fait avancer la tige de 1/40 de pouce. Cette fraction est la division de base que comporte le micromètre. Quatre tours donnent par conséquent 4/40 ou 1/10 de pouce, de sorte que la distance de 0 à 1 ou de 1 à 2 que l'on aperçoit sur le baril représente 1/10 ou 0.1 de pouce.
Mais pour obtenir des mesures encore plus précises, on a divisé le pourtour du tambour même en 25 parties égales qu'indiquent les graduations dont notre fig. 45 donne le détail. Lorsque la totalité de ces 25 graduations a passé par la ligne de repère, la vis a accompli un tour complet qui représente un déplacement de 1/40 de pouce le long de cette même ligne. Et maintenant, si Ton fait tourner le tambour de manière à ce qu'il n'avance que d'une graduation, la tige n'aura bougé que de 1/25 de 1/40 de pouce, soit de 1/1000 ou 0.001 de pouce.
Tel qu'il apparaît sur notre fig. 45, le micromètre donne une mesure de 0.503 de pouce, ce qui indique que le diamètre de la mèche est 0.003 de plus qu'il devrait l'être, car ½ pouce donne exactement 0.500.
Du fait que les micromètres peuvent donner des mesures aussi précises, ce sont des instruments indispensables, dans tous les ateliers; d'usinage.
SOMMAIRE
Résumons les principes de base que nous venons de voir relativement aux pas de vis, en tant qu'ils sont considérés comme machines élémentaires :
• —Le pas de vis est une modification du plan incliné, agencé de manière à assurer un très grand avantage mécanique.
• —L'avantage mécanique théorique qu'assure une vis se trouve par la formule
Comme dans toutes les autres machines élémentaires, l'avantage mécanique réel obtenu égale la résistance divisée par l'effort
• —Dans plusieurs applications du pas de vis, on tire parti de la friction considérable qu'entraîne l'usage de ce principe mécanique.
• — Par l'emploi de la vis, on réduit à un mouvement rectiligne à peine sensible une somme considérable de mouvements circulaires.
APPLICATIONS
Le pas de vis sert à une multitude d'applications pratiques. Le puissant avantage mécanique qu'il assure favorise en particulier son emploi partout où l'on veut obtenir un serrage prononcé. Ainsi, lorsqu'il s'agit de bander ou raidir des câbles d'acier (guy wires) on a recours à un dispositif appelé vis-en-lanterne (turnbuckle) qui constitue une application très ingénieuse du principe de la vis, (fig. 46).
En faisant tourner l'anneau dans un sens, une fraction s'exerce sur les deux câbles aboutissant à ce dispositif. Si l'on tourne dans le sens opposé, les câbles se relâchent. On observera que l'une des tiges filetées porte des filets normaux, tandis que l'autre est filetée à gauche. C'est pour celle raison qu'en tournant l'anneau dans un sens les tiges qu'il actionne se meuvent en directions opposées. Si les deux liges étaient filetées normalement, elles se déplaceraient toutes deux dans le même sens et il serait alors impossible de raidir le câble par ce moyen. La plupart des vis-en-lanterne sont filetées de manière à assurer une forte résistance de friction pour empêcher que, sous le traction de la charge, les tiges se dévissent. Certains de ces dispositifs sont même pourvus d'un écrou-frein (lock nut)
sur chaque tige de façon à empêcher tout relâchement des câbles une fois qu'ils ont été raidis.
Dans le même ordre d'idées, et toujours en parlant de câbles d'acier, vous savez sans doute par expérience comme il est difficile d'en replier les extrémités que Ton veut épisser et garnir de douilles protectrices.
L'étau que l'on aperçoit dans notre figure 47 assure à cette fin un puissant avantage mécanique. C'est une adaptation de l'étau d'établi qui permet de boucler les extrémités de câbles d'acier et d'en réduire forcément l'œil à celui de la douille.
Un autre usage pratique du pas de vis est celui que fait voir notre fig. 48. Il s'agit ici du sabot de freinage d'un treuil qui permet de bloquer celui-ci à n'importe quelle position commode. A l'aide d'un volant mandriné à une vis, qui passe par le support "B" auquel aboutit Tune des extrémités du sabot, l'autre extrémité "A" est rapprochée de "B" et un puissant avantage mécanique permet de serrer fortement le sabot contre le tambour du treuil qui se trouve de ce fait immobilisé.
Il existe des combinaisons de vis et de leviers qui permettent d'obtenir des avantages mécaniques d'une puissance incroyable. Le dispositif de gouvernail que fait voir notre fig. 49 tombe dans cette catégorie. Le volant est fixé à une longue vis filetée moitié à gauche, moitié à droite. L'écrou "A" est relié par un levier à la crosse qui actionne la tige du gouvernail.
Il en est de même de l'écrou "B". En faisant tourner le volant dans le sens des aiguilles d'une montre qu'indique la flèche, le levier "A" et le levier "B" se rapprocheront l'un de l'autre et feront pivoter la tige du gouvernail dans le sens opposé à celui des aiguilles d'une montre.
La fig. 50 fait voir une autre application des leviers au maniement des objets pesants. Deux hommes peuvent facilement descendre une lourde chaloupe en très peu de temps grâce à la manivelle qui, reliée par un pas de vis à un secteur d'engrenages, permet de pousser très rapidement la chaloupe en position de manière qu'elle puisse être mise à la mer sans rencontrer d'obstacles. La vis actionnée par la manivelle est filetée de telle manière que la potence ou porte-manteau (davit) puisse être arrêtée à n'importe quelle position sans qu'il y ait danger de recul.
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