Excavations et Fondations
Emplacement et démarcation de la bâtisse
L'emplacement de la bâtisse et sa démarcation sont ordinairement indiqués par l'architecte ou le surveillant des travaux.
Après avoir dépouillé la surface du sol sur une profondeur d'environ 6" et une largeur de 4 à 5 pieds tout autour de l'emplacement, on fixe des points de repère à différents endroits, afin que les lignes ne soient pas dérangées durant les travaux d'excavation.
Comme démarcation (staking out of the building), il est d'usage de faire poser des bornes par le menuisier, d'établir des points de repère pour l'excavation des tranchées des murs et piliers, puis de marquer les lignes exactes de c*es fondations.
La manière la plus simple d'établir les démarcations est de déterminer d'abord la ligne de façade, puis les lignes latérales et enfin celles du mur arrière.
Pour assurer l'équerrage des lignes latérales avec celles de la façade, on utilise une espèce de grande équerre formée de planches délignées que l'on fixe sur un piquet vertical à un des angles de la future bâtisse.
L'ÉQUERRAGE, L'APLOMB, LE NIVEAU
L'équerre sert à tracer des angles droits ou à tirer des perpendiculaires. Ce qui est d'équerre est forcément à angle droit.
Dans la construction des murs de maçonnerie, de béton ou de brique, l'érection des charpentes, planchers et cloisons que nous avons décrits dans le manuel « Charpente et Menuiserie», l'équerre est essentielle pour les établir d'aplomb et de niveau.
Une fois que l'emplacement et l'orientation de la bâtisse ont été déterminés, il s'agit d'en faire la démarcation. A cette fin, on pose des bornes ou fiches qui serviront de point de repère pour creuser les tranchées et bâtir les murs de fondation, de même que pour bien équerrer les lignes latérales avec la façade.
Voici, généralement, comment on procède:
On enfonce en terre, à trois pieds de chaque borne, des piquets qui sont reliés à leur sommet par des planches soigneusement délignées (fig. 9).
Fig. 9 —Équerrage d'un terrain: comment sont disposées les fiches et les cordeaux à l'un des angles de la bâtisse.
Ces planches doivent être d'abord mises de niveau et l'équerrage doit être parfait, ce qui n'est pas aussi simple à réaliser que la chose paraît à première vue.
La meilleure façon de réussir l'équerrage consiste, d'abord, à mettre en placé la fiche A que fait voir notre figure 10 en ligne avec les autres édifices de la rue et à la distance prescrite.
Fig. 10.— Procédés d'équerrage et position des divers instruments servant à la démarcation et à l'orientation d'une bâtisse avant d'en excaver les fondations.
Si l'édifice ne doit pas être aligné avec les autres, la fiche A devra être posée à l'endroit du lot le plus élevé par rapport aux autres coins de la bâtisse.
Ensuite, on mesure la longueur de façade qu'aura la bâtisse parallèlement aux autres, l'extrémité étant déterminée par la fiche B.
On pose alors les planches délignées 1, 2, 3 et 4 sur les piquets placés autour des fiches A et B, puis on attache le cordeau B sur les planches 1 et 3 en ligne avec les fiches A et B.
La largeur de la bâtisse est ensuite déterminée à partir de la fiche A, perpendiculairement au cordeau B ; la fiche C marque l'extrémité de la bâtisse en profondeur.
Afin de déterminer rapidement la perpendiculaire, on peut avoir recours à une équerre de charpentier. On place alors les planches délignées 5 et 6 sur des piquets appropriés et, partant de la planche 2, on étend le cordeau C jusqu'à la planche 6 en ligne avec les fiches A et C.
A partir de la fiche G, on mesure la longueur de la bâtisse parallèlement au cordeau B et l'on pose la fiche D autour de laquelle sont placées sur des piquets les planches n° 7 et 8 comme dans les cas précédents.
Puis on mesure la largeur de la bâtisse à partir du cordeau B et l'on pose le cordeau D en ligne avec les fiches G et D pour le fixer à la planche n° 7.
Du cordeau G, sur la planche n° 2, on mesure la longueur de la bâtisse, puis on fait une-marque sur la planche n°4 ;
du cordeau C, sur la planche n° 6, on mesure la longueur de la bâtisse et l'on fait une marque sur la planche n° 8 ;
ensuite, on aligne le cordeau A directement avec les marques faites respectivement sur les planches n°4 et n° 8.
II s'agit maintenant de vérifier si l'équerrage est bon. Pour cela, on peut mesurer les diagonales.
Si les dimensions de tous les côtés de la bâtisse ont été correctement prises, on trouvera la même longueur en mesurant au galon la distance qui sépare la fiche A de la fiche D, et la distance qui sépare la fiche B de la fiche C.
Si ces distances sont exactement les mêmes c'est un signe que la bâtisse est d'équerre — sinon, il faudra déplacer les cordeaux jusqu'à ce que les deux diagonales donnent la même longueur.
On peut aussi effectuer la vérification de l'équerrage comme suit: on mesure 12 pieds sur le cordeau B à compter de son intersection avec le cordeau C ; puis on mesure 16 pieds sur le cordeau G à partir du même point.
Si la bâtisse est bien équerrée, la base du triangle formé par les deux marques sera de 20 pieds; sinon la position des deux cordeaux devra être rectifiée jusqu'à ce que cette distance donne 20 pieds.
On doit poser les lignes ou cordeaux de façon qu'ils ne soient pas dérangés au cours des travaux et demeurent absolument horizontaux.
LES EXCAVATIONS
Après dépouillement de la surface du sol et l'établissement de points de repère, tel que décrit précédemment, l'on procède aux excavations proprement dites.
On doit pratiquer les excavations de la grandeur et à la profondeur indiquées sur les plans et coupes, pour les tranchées des murs de fondation, des murs de refend ainsi que les piliers.
Lorsque l'édifice comporte une cave ou un soubassement, on doit évidemment creuser tout l'emplacement.
Toutes les excavations doivent dégager d'au moins un pied le parement des murs de fondation. Il faut évacuer des lieux la terre provenant des excavations, afin de ne pas gêner le travail de construction et laisser le terrain libre pour recevoir les matériaux et l'outillage.
Terrassement
S'il y a lieu de niveler le terrain avoisinant la bâtisse, on doit transporter et étendre la terre provenant des excavations de manière à pratiquer un terrassement convenable tout en conservant un surplus pour les remblais à effectuer lorsque le solage sera terminé.
Lorsque, les travaux d'excavation étant faits à la profondeur indiquée sur les plans, l'entrepreneur constate qu'ils n'atteignent pas un sol assez résistant pour supporter les fondations, il doit en avertir l'architecte qui avisera s'il y a lieu de creuser davantage ou de construire des empattements plus larges.
Dans les terrains compressibles, c'est-à-dire les sols peu résistants, on peut, une fois les tranchées faites, pratiquer de nouveaux sondages au moyen de la tarière de 6", aux emplacements des angles de la bâtisse, intersections des murs, et des piliers, jusqu'à une profondeur de 5 à 10 pieds additionnels de manière à bien reconnaître la nature des lits inférieurs du sol.
Ces trous de sondage seront aussitôt comblés de sable bien pilonné, afin que la résistance du sol n'en soit pas altérée.
ÉVACUATION DE L'EAU DANS LES TRANCHÉES
Au cours des excavations, s'il survient de l'eau de pluie ou autre dans les tranchées, on doit aussitôt la pomper, tant que les tranchées des égouts ne seront pas terminées, afin de drainer l'eau à l'extérieur.
Lorsqu'il y a peu d'eau et que celle-ci n'est pas boueuse, on utilise d'ordinaire une pompe semi-rotative à double action que l'on manœuvre à la main et dont le débit avec un tuyau de 1½" est de 10 à 12 gallons à la minute.
Si l'eau abonde et est souillée de boue ou de sable, on utilisera avec avantage une pompe à diaphragme actionnée par un homme et connue sous le nom de pompe de tranchées.
Celle-ci, avec un boyau d'aspiration de 2½", a un débit de 30 gallons à la minute ; avec un boyau de 3" pouces, elle pompe 50 gallons à la minute. Une pompe à boyau de 4" sera mue par deux hommes et fournira un débit de 100 gallons à la minute.
Les conditions le permettant et si la quantité d'eau en vaut la peine, on utilisera avec profit une pompe actionnée par un petit moteur à essence, ou à l'électricité, s'il en existe une entrée à proximité du chantier.
LIGNE DE FONDEMENTS
Le constructeur ne doit pas creuser le sol plus bas qu'au niveau de base des fondations indiqué sur les plans. S'il le fait, il devra exécuter à ses frais le surplus de maçonnerie ou de béton qu'il faudra employer dans les fondements.
ÉTRÉSILLONNEMENTS
Lorsqu'on creuse assez profondément, il faut retenir les parois de la tranchée et prévenir les éboulis au moyen d'étrésillons. qui sont des pièces de bois placées en travers des tranchées pour retenir les terres en place. (Fig. 11).
Fig. 11.— Étrésillons servant à retenir en place les parois d'une tranchée profonde.
On installe des planches vis-à-vis l'une de l'autre, à tous les 2 ou 3 pieds de hauteur le long des parois latérales et on les maintient au moyen de pièces horizontales ou étrésillons que l'on fixe avec des coins de bois.
S'il faut placer deux rangs ou plus d'étrésillons, on les renforcit de pièces diagonales joignant les extrémités opposées des étrésillons et agissant comme étançons.
L'étançons est une pièce de gros bois que l'on appuie obliquement contré la paroi d'un mur ou d'une charpente pour l'étayer temporairement. (Fig. 12).
Fig. 12.— Étançons servant à soutenir un mur ou une charpente.
L'étai est une grosse pièce de bois servant ordinairement à appuyer ou soutenir temporairement une bâtisse ou une charpente quelconque, (Fig. 13).
Fig. 13.— Étais supportant temporairement une bâtisse.
Si l'étai se compose de pièces, blocs de bois, ou bouts de madriers, il doit reposer absolument de niveau et d'aplomb afin d'éviter tout déplacement.
S'il se compose d'un seul poteau (ou « chandelle), » et surtout si celui-ci est plutôt long, il doit être absolument vertical, afin d'offrir le maximum de sécurité.
Le chevalement est un étai formé par la réunion de grosses pièces de bois pour soutenir un bâtiment ou une plate-forme temporaire. (Fig. 14).
Fig. 14.— Chevalement constitué par plusieurs grosses pièces de bois pour soutenir un bâtiment.
BASES de COLONNES ou de PILIERS
On entend par base toute partie saillante située en dessous d'un poteau, d'un étai, d'un pilier ou d'un mur, ayant pour but d'en répartir le poids ou la pression sur une plus grande surface portante.
CENTRE de GRAVITÉ ; CENTRE de PRESSION et de RÉSISTANCE
Le centre de gravité d'un corps est le point par où on peut le soutenir de façon à l'empêcher de tomber. Il est normalement situé sur l'axe vertical au centre d'une pièce cubique, rectangulaire ou cylindrique.
Le centre de gravité de la charge d'un poteau, pilier ou mur, par rapport à sa base, est appelé centre de pression.
Cette pression doit égaler la résistance ou réaction du matériel sur lequel elle s'exerce, en un point qu'on appelle centre de résistance.
Pour qu'un poteau, une colonne, un pilier ou un mur soit en équilibre stable, le centre de résistance doit être directement en dessous du centre de pression.
Lorsque le centre de pression est appliqué au centre de gravité de la surface de l'assise ou joint, l'unité de pression est uniforme. L'intensité de la pression sera alors égale à la charge divisée par la surface de la base en pouces.
Ainsi, sur une base de 16 pouces carrés supportant une charge de 16,000 livres, la pression sera de 1,000 livres ou une demi-tonne au pouce carré.
Il arrive fréquemment que le centre de pression ne coïncide pas avec le centre de gravité de la surface de la base; dans ce cas l'unité de pression aux différents points ne sera pas uniforme et il n'y a plus équilibre. (Fig. 15).
Fig. 15.— Lorsque le centre de pression ne coïncide pas avec le centre de gravité, il n'y a pas d'équilibre.
On voit ici a) une pierre, b) un socle en pierre et c) une platine, respectivement en équilibre parce que placés au centre de pression (à gauche) et inclinés sous l'effet d'un déplacement du centre de pression.
Si la base est en pierre, elle prend le nom de socle, en bois, le nom de semelle, en fer, on l'appelle platine ou sabot.
Les conditions d'équilibre des bases valent aussi pour les pièces placées sur un ,pilier, poteau ou colonne ou coincées entre une poutre et un mur ; on les nomme tailloir, si elles sont en pierre ; sabot, lorsqu'en bois, et platine, lorsqu'en fer. (Fig. 16).
Fig. 16.— a) platines de diverses formes; b) sabots; c) socles et semelles.
Un mur de fondation ne reposant pas sur le roc et qui serait construit sur le plancher en béton de la cave ou du soubassement ne peut être en équilibre stable; tôt ou tard sa pression cassera puis renversera le plancher. (Fig. 17).
Fig. 17.— Dalle en béton rompue et inclinée par la pression d'un mur qui ne repose pas sur le roc.
FONDEMENTS SUR BOIS
Quoique les pilotis de bois enfoncés dans un sol compressible aient une durée presque illimitée (surtout lorsqu'ils sont pourvus à leur sommet d'un fondement en béton de 3 ou 4 pieds et d'une certaine assise), les empattements en bois, les radiers ou «grillages» en bois, fort en usage de 1880 à 1900 sous les murs de fondations, (et selon le dicton de l'époque, à l'abri de l'air et pouvant se conserver indéfiniment), se sont avérés tout à fait désastreux sous notre climat.
Ces empattements, au bout de 25 à 30 années, étaient absolument pourris, d'où tassement des murs de fondation et lézardes dans les murs de façades, faisant gauchir les châssis, symptômes caractéristiques des constructions de l'époque.
Immergé sous l'eau et complètement à l'abri de l'air, le bois, surtout la pruche et l'orme, peut se conserver indéfiniment. De là, l'usage de ces bois comme pilotis ou cages (cribs) dans les quais chargés de pierre.
LES EMPATTEMENTS
Tout mur de fondation non érigé directement sur le roc solide doit reposer sur une base plus étendue qu'on appelle aussi empattement (footing).
Cet empattement plus ou moins large selon la nature du sol, doit s'étendre également de chaque côté de l'axe du mur. Comme nous l'avons vu précédemment, il a pour fonction de répartir le poids et la charge du mur sur une plus grande surface portante, afin d'en assurer une plus grande stabilité.
L'empattement doit avoir une largeur proportionnelle à la résistance du sol d'une part, et au poids du mur ajouté à la charge qu'il supporte, d'autre part.
La largeur de l'empattement doit dépasser au moins d'un pied l'épaisseur de la fondation, soit 6" de chaque côté ; elle doit être suffisante pour que la pression au pied carré sous l'empattement n'excède pas la résistance au pied carré du sol qui le soutient.
Il faut enfouir l'empattement à la profondeur requise pour qu'il soit inaccessible à la gelée.
Le béton est le matériau le plus recommandable pour empattements.
Dans un sol assez résistant, les tranchées d'empattements seront inférieures au niveau général des excavations, afin que le béton, une fois étendu, porte autant sur les côtés que sur le fond de ces tranchées.
Si le sol est sablonneux ou peu résistant, on coule le béton dans des formes à la largeur exacte des empattements; on n'enlève ces formes qu'une fois le béton durci.
La teneur du béton d'empattements est la suivante: 1 partie de ciment Portland, 2½ de sable et 5 de pierre concassée de 2".
L'épaisseur de la couche de béton doit être d'au moins le quart de sa largeur, mais jamais inférieure à 12". On dépose le béton par lits de 6" d'épaisseur.
Si l'empattement doit être beaucoup plus large que l'épaisseur du mur, on le construit par retrait ou en gradins, au moyen de formes à béton.
On peut aussi disposer un second empattement de pierre sur celui de béton, surtout si les fondations sont érigées en maçonnerie.
Un empattement projeté trop loin en dehors du mur de fondation étant susceptible de casser, il faut le renforcer d'une armature en acier. (Fig. 18).
Fig. 18.— Trois styles d'empattements:
a) empattement trop étroit, susceptible de perdre l'aplomb par suite de la résistance inégale du sol; b) empattement à gradins, de bonnes proportions; c) empattement projeté trop loin en dehors du mur et susceptible de se rompre s'il n'est pas renforcé au moyen d'une armature de fer.
ARCHES RENVERSÉES
On utilise souvent comme empattements des arches renversées (inverted arches) construites entre et sous les piliers d'un édifice; leur fonction est de répartir la charge des piliers sur toute la longueur des empattements. (Fig. 19).
Fig. 19.— Sur les sols mous, on utilise parfois les arches renversées qui servent à répartir la charge des piliers sur toute la longueur des empattements.
Les principaux inconvénients de ce genre d'empattements sont :
1 ° la difficulté d'empêcher l'effort de l'arc de repousser les derniers piliers vers l'extérieur ; 2° l'impossibilité de répartir efficacement la charge supportée.
Il est donc préférable de fonder les piliers sur leur empattement respectif, les murs intermédiaires reposant sur ces piliers au moyen d'arcs ou de poutres en béton armé.
L'arche renversée est particulièrement recommandable lorsque le sol est relativement mou et qu'il est impossible de construire des empattements étendus ou élevés.
On ni vêle d'abord soigneusement le lit de la fondation. On coule ensuite un empattement de béton de 12" à 18" en dessous de l'arche ; on dispose le dessus de cet empattement de manière à recevoir directement l'arche renversée, qui sera construite en briques très dures jointes avec du mortier de ciment, et viendra buter de chaque côté contre un sommier en béton.
Il est préférable de construire l'arche avant le sommier car celui-ci constitue l'appui commun de deux arches.
Les arches renversées doivent avoir au moins un pied d'épaisseur. La dernière arche sera munie à ses extrémités d'un tirant avec platines ancrées dans les sommiers pour que ceux-ci en absorbent la poussée.
La flèche (ou hauteur) D de l'arc doit être du quart au sixième de sa portée. On peut établir en pouces carrés la section de l'arche à construire, au moyen de la formule suivante:
(charge de l'arche X portée) / (8 X D X 10)
La formule suivante permet de calculer en pouces carrés la section du tirant:
(charge totale de l'arche X sa portée) / (8 X D X 850 (fer) ou 1050 (acier))
N.B.— La portée est calculée en pieds.
La flèche (ou hauteur) D étant donnée en pouces.