La pierre dans l'architecture
LES OUVERTURES DANS LES MURS
La plus simple et la plus ancienne des ouvertures est la baie rectangulaire, telle que nos portes ou fenêtres ordinaires.
Le linteau ou couvrement de l'ouverture est souvent en pierre et repose parfois sur des corbeaux, ou pierres du mur en saillie.
On supplée au linteau par l'emploi d'une plate-bande appareillée ou d'un arc de décharge.
Les côtés de l'ouverture s'appellent jambages ou pieds-droits.
LES LINTEAUX EN PIERRE
Dans un mur de maçonnerie ou de brique, toute ouverture qui n'est pas recouverte d'un arc doit être surmontée d'un linteau pour supporter la maçonnerie ou construction supérieure.
Le linteau n'est qu'une poutre en pierre. Pour en calculer la résistance, on procède comme avec une poutre de bois ; toutefois, le module de rupture est de 100 pour le granit, 90 pour le marbre, 83 pour la pierre à chaux ou calcaire, et 70 pour la pierre de sable (sandstone).
Le matériel du mur et sa mise en œuvre déterminent la hauteur du triangle de maçonnerie reposant directement sur le linteau.
On peut établir cette hauteur au tiers de la portée du linteau, si le mur est en brique. S'il est en maçonnerie, la hauteur du triangle égalera la largeur de l'ouverture.
La formule suivante permet de trouver le moment de rupture d'un linteau. Si sa charge consiste en maçonnerie et si les jambages ne sont pas sujets au tassement, la résistance de sécurité sera environ le sixième de la charge de rupture.
Le module de rupture s'obtient par la formule suivante:
z = 2 x (e x h² X c) / P
dans laquelle e est l'épaisseur en pouces, h² la hauteur en pouces, C, le coefficient de résistance de la pierre, et P la portée en pieds.
S'il s'agit, par exemple, d'un linteau en granit, de 6 pieds de portée, 20" de hauteur et 8" d'épaisseur, nous aurons:
(2 x 8 x 20² x 100) / 6 = 106 666 livres
La charge de sécurité sera de:
106 666 / 6 ou 17,778 livres.
Lorsque le mur au-dessus du linteau est entrecoupé d'ouvertures, on trouve la charge supportée d'après la méthode précédente, puis en calculant la surface totale du mur ainsi que sa charge portant directement sur le linteau.
LES LINTEAUX EN BOIS
On peut construire les linteaux d'une ou plusieurs épaisseurs de bois. On en établit la section comme s'il s'agissait d'une poutre uniformément chargée. On utilise aussi deux poutrelles d'acier de 6" à 8", ou encore du béton armé.
Pour trouver le palétrage ou capacité d'un linteau en bois, on recourt à la formule utilisée pour les linteaux en pierre, sauf que le coefficient C est de 70 s'il s'agit d'épinette ou de pin de la Colombie canadienne.
APPUIS OU SEUILS EN PIERRE
L'appui ou seuil en pierre doit avoir au moins 5 1/2" de hauteur, 6" de profondeur et excéder de 2 1/2" à 3". Il sera toujours pourvu d'un larmier en dessous, à l'extérieur. D'autre part, ses extrémités ne s'étendront pas plus qu'à 4" de chaque côté de l'ouverture.
En posant un seuil ou un appui, on laissera toujours en dessous un espace libre de 1/2" afin de compenser le tassement, avant de tirer le joint. (Fig. 129).
Fig. 129.— Disposition normale d'un appui ou seuil en pierre.
LES ARCS
On appelle arc toute construction de forme courbe, en maçonnerie, destinée à couvrir la partie vide d'un mur ou baie. La fonction de l'arc est de soutenir et reporter sur des points d'appui résistants, l'effort de la masse de la construction.
Diverses formes d'arcs.— II existe plusieurs formes d'arc dont les principales sont:
1° le plein-cintre, en forme de demi-cercle (fig. 130) ;
Fig. 130.— Aspect géométrique de l'arc plein-cintre.
2° l'arc en segment, formé par une portion de cercle reposant sur des pieds-droits (fig. 131) ;
Fig. 131.— Arc en segment.
3° Tare surbaissé ou anse de panier, que l'on trace en partant de plusieurs centres (fig. 132) ;
Fig. 132.— Arc surbaissé.
4° l'arc surhaussé, dont le centre est placé au-dessus des impostes, (fig.133) ;
Fig. 133.— Arc surhaussé.
l'arc brisé ou en ogive qui
comprend: l'ogive équilatérale, dont la naissance de chaque arc est le centre de
l'autre
(fig. 134) ;
Fig. 134.— Arc brisé ou ogive.
le tiers-point, dont la ligne de base est divisée en 3 parties, dont les deux divisions du centre servent à tracer les arcs opposés (fig. 135) ;
Fig. 135.— Le tiers-point.
(De même, la base du quint-point est divisée en cinq parties (fig. 136) ;
Fig. 136.— Le quint-point.
6° l'ogive aiguë, dont les centres sont en dehors des courbes de l'ouverture de l'arc (fig. 137);
Fig. 137.— Ogive aiguë.
7° l'ogive surbaissée, dont le centre des arcs est placé en dessous de la ligne des pieds-droits; on l'appelle aussi arc Tudor (fig. 138) ;
Fig. 138.— Ogive surbaissée ou arc Tudor.
8° l'arc outrepassé, ou en fer à cheval, utilisé en art oriental (fig. 139) ;
Fig. 139.— Arc outrepassé.
9° l'arc en tas de charge, soit en plein-cintre ou surbaissé, dont l'appareillage des claveaux correspond à l'appareillage du mur qu'il supporte (fig. 140).
Fig. 140.— Arc en tas de charge.
LA PLATE-BANDE
La plate-bande se rattache aux arcs et remplace le linteau monolithe. A vrai dire, c'est un arc en segment dont les claveaux se prolongent à la ligne horizontale du segment. (Fig. 141).
Fig. 141.— Plate-bande.
L'arc de décharge est un arc en segment au-dessus d'un linteau et supportant le mur supérieur, l'espace entre l'intrados et le linteau étant comblé de en plissage. (Fig. 142).
Fig. 142.— Arc de décharge.
LES ARCS en ARCHITECTURE
Fig. 143.— On trouve ici, de gauche à droite, en commençant par le haut les arcs suivants: le plein-cintre — l'arc en segment — l'arc surbaissé — l'arc surhaussé — l'ogive équilatérale — l'ogive en lancette — l'ogive outrepassée — l'arc outrepassé — l'arc en tas de charge.
LES ARCADES — L'ARCHIVOLTE
Lorsqu'il s'agit de portes ou de grandes ouvertures, l'arc en plein-cintre ou l'arcade prend le nom d'archivolte.
Dans l'architecte romaine ou
byzantine, l'on rencontre parfois des arcades dépourvues de moulures, mais la
combinaison des matériaux les accentue. Leur imposte est alors formée de
quelques rangs de briques dessinant une ligne horizontale, et l'archivolte est
en pierre encadrée de briques.
L'architecture romaine n'utilise que le
plein-cintre, et parfois une série de 2 ou 3 arcs en retrait et superposés.
(Fig. 144).
Fig. 144.— Archivolte en retrait
L'arc extérieur, qui est le plus épais, porte toute la charge du mur supérieur, et l'arc intérieur ne supporte aucun poids. Les archivoltes en retrait constituent plutôt un abri en éloignant la porte ou la fenêtre.
L'ARC EN ENCORBELLEMENT
L'arc en encorbellement est un arc dont les claveaux sont évidés sur leurs faces (Fig.145).
Fig 45. Arc en encorbellement et coupe d'un encorbellement.
ÉLÉMENTS DES ARCS
Les arcs sont formés de claveaux, clef, impostes (fig. 146).
Fin. 146.— Nomenclature des diverses parties d'un arc.
La construction de l'arc a toujours été la caractéristique principale des diverses architectures à travers les siècles, comme dans le style roman, byzantin ou latin.
Les claveaux ou voussoirs sont les pierres prismatiques qui constituent l'appareil de l'arc.
La clef est le claveau central. Notons que le nombre de claveaux est toujours impair, à cause précisément de la clef, qui occupe le centre de l'arc.
L'appareillage de l'arc peut être fait de deux façons, selon que les claveaux sont compris entre deux arcs parallèles ou encore extradosés. La face apparente demi-cylindrique, vue par dessous, s'appelle intrados, et l'autre, extrados.
L'imposte est une pierre en saillie, avec ou sans moulures, qui termine les pieds-droits.
Cette disposition des arcs était en usage chez les Romains dès l'époque romane ; il a pour inconvénient d'engendrer des angles aigus dans la partie courante du mur.
II est préférable de raccorder l'appareillage des claveaux aux lignes d'assise du mur, c'est-à-dire de construire un arc en tas de charge.
Pour y arriver, il faut que les joints verticaux se croisent suffisamment, et que les points de contact des claveaux soient assez étendus (fig. 147).
Fig. 147.— Appareillage des claveaux dans un arc en tas de charge.
Lors de la Renaissance, l'appareil en crossette connut une certaine vogue. Les pierres y sont évidées de manière à former des claveaux avec les rangs horizontaux, ce qui forme une construction plutôt vicieuse (fig. 148).
Fig. 148.— Appareil en crossette de certaines structures anciennes.
OUVERTURE EN ARCADE DANS UN MUR DE SALLE CIRCULAIRE
On projette souvent de pratiquer des ouvertures dans les murs d'une salle circulaire ou d'une tour.
Si leur courbure est prononcée, la solidité de l'arc en sera gravement compromise. La clef de l'arcade étant rejetée en arrière de l'aplomb de la droite qui joint intérieurement ces retombées, l'arcade prend alors un aspect de renversement fâcheux.
Extérieurement, cet effet de renversement étant en surplomb, il est moins désagréable ; mais il est non moins dangereux, car tout l'arc tend alors à chasser dans le vide. (Fig. 149).
Fig. 149.— Ouverture en arcade dans un mur circulaire.
LES PLAFONDS ET LES VOÛTES
Un plafond est une surface qui limite la partie supérieure d'un espace couvert; vu par dessous, on peut le considérer comme un plancher ou une voûte.
Les Égyptiens ont construit des plafonds formés d'une dalle unique de grandes dimensions reposant sur des murs, colonnes et entablements.
Les Grecs supportèrent les plafonds de leurs portiques à faible portée à l'aide de poutres en marbre soutenant des poutrelles formant caissons, ces derniers étant fermés par des dalles de marbre.
Les Romains imitèrent ce système mais l'appliquèrent à de plus grandes portées. Les caissons furent constitués par des plates-bandes appareillées et noyées dans un remplissage de mortier.
Plus tard, les artistes de la Renaissance soutinrent ces plates-bandes par des armatures en fer.
La voûte est une construction de maçonnerie établie au-dessus d'un vide et composée de pierre de taille, moellons, briques ou autres agglomérats disposés de manière à se soutenir mutuellement par leur propre poids au-dessus du vide à couvrir.
L'intrados est la surface qui
limite la voûte à sa partie inférieure; l'extrados limite la voûte à sa surface
extérieure.
Les murs ou massifs sur lesquels repose la voûte prennent le nom
de piles ou pieds-droits.
On appelle naissance de la voûte la surface de séparation entre la voûte et les pieds-droits.
Comme dans les arcs, la voûte en pierre de taille se compose de voussoirs ou claveaux et d'une clef, dont les voussoirs adjacents s'appellent contre-clefs. Les voussoirs à la naissance de la voûte s'appellent sommiers ; l'assise supérieure des pieds-droits prend le nom d'imposte.
Les matériaux d'une voûte ne
tiennent en équilibre que par leur arc-boutement ; ils exercent donc sur les
pieds-droits de la voûte une pression horizontale tendant à leur renversement et
qu'on appelle poussée de la voûte.
Les reins de la voûte sont adjacents aux
naissances.
L'appareil indique la division de la voûte en voussoirs distincts. Il varie selon la nature de la voûte et des matériaux employés.
L'assise est une série horizontale de voussoirs, séparés les uns des autres par des joints.
Les lits sont les joints continus qui séparent les voussoirs entre assises consécutives ; les joints montants unissent 2 voussoirs d'une même assise.
Dans la construction d'une voûte, on trace l'appareil de manière que les joints des lits et les joints montants soient normaux à l'intrados, et perpendiculaires entre eux; les angles aigus doivent être écartés.
DIFFÉRENTES SORTES DE VOÛTES
Les voûtes peuvent être classées, d'après leur forme, en deux catégories principales: les voûtes simples et les voûtes composées.
VOÛTES SIMPLES
Les voûtes simples comprennent les berceaux dont l'intrados est formé par une surface demi-cylindrique.
Suivant le forme de l'arc, l'intrados sera:
plein-cintre, s'il forme un demi-cylindre, (fig. 150) ;
Fig. 150.— Intrados formant plein-cintre.
cintre surbaissé, si l'intrados forme un arc de cercle (fig. 151) ;
Fig. 151.— Cintre surbaissé.
anse de panier, s'il est tracé avec plusieurs centres (fig. 152) ;
Fig. 152.— Anse de panier.
surhaussé, s'il est plus haut que la mi-largeur de l'ouverture; l'ogive en est un des types les plus communs, (fig. 153).
Fig. 153.— Voûte en ogive.
La voûte en plate-bande a pour intrados un plan horizontal (fig. 154).
Fig. 154.— Voûte en plate-bande.
L'ARC DOUBLEAU
L'arc doubleau est l'arc directeur supportant un berceau, et qui réunit un pilier ou pilastre d'un mur au pilier vis-à-vis correspondant (fig. 155).
Fig. 155.— Arc doubleau.
VOÛTES SPHÉRIQUES
Les voûtes sphériques sont constituées de portions de sphères ou de toute autre surface en révolution, en cintre, surbaissées ou surhaussées.
La voûte sphérique sur un même plan circulaire est la plus simple: c'est une demi-sphère.
Les assises constituent des anneaux horizontaux dont les lignes de joints continus sont des cercles parallèles aux cercles des naissances.
Les lits sont des surfaces
coniques dont les joints montants sont verticaux, convergeant vers le centre du
sommet.
Chaque assise constitue donc un anneau qui se tient par lui-même sur
l'assise inférieure.
On peut donc arrêter la voûte à l'assise désirée et la laisser à ciel ouvert; elle sert ainsi de point de départ à la construction des coupoles (fig. 156).
Fig. 156.— Détails de construction d'une coupole.
Un berceau vertical voûté par un quart de sphère prend le nom de niche en cul-de-four. (Fig. 157).
Fig 157 — Berceau vertical voûté, dit cul-de-four
La voûte annulaire ou berceau tournant a son intrados engendré par une courbe située sur un plan vertical, pivotant autour d'un axe; la courbe génératrice peut être en plein cintre, surhaussée ou encore surbaissée (fig. 158).
Fig. 158.— Voûte annulaire ou berceau tournant.
La voûte annulaire ou berceau tournant donne naissance aux voûtes hélicoïdales; ce sont des descentes annulaires que l'on emploie pour couvrir les escaliers en spirale. (Fig. 159).
Fig. 159.— Voûte hélicoïdale utilisée dans la construction des escaliers tournants.
LES VOÛTES COMPOSÉES
Les voûtes composées sont celles dont l'intrados résulte de la pénétration de plusieurs voûtes simples et de leur combinaison. Les principales sont les suivantes:
LUNETTES
Lorsqu'une voûte de grand diamètre en rencontre une plus petite, tracée en plein-cintre, celle-ci pénètre dans la grande et la ligne de pénétration est courbe. Cette voûte composite est une lunette. Les poussées sont localisées sur les mêmes pieds-droits (fig. 160).
Fig. 160.—- Voûte composée appelée "lunette".
VOÛTES D'ARÊTE
La rencontre de deux berceaux de même diamètre engendre une voûte d'arête.
Si une voûte en berceaux pénètre dans une voûte plus grande qui est surbaissée de telle sorte que les clefs soient au même niveau, il en résulte une voûte d'arête barlongue (fig. 161).
Fig. 161.— Voûte d'arête barlongue.
VOÛTE EN ARC DE CLOÎTRE
L'arc de cloître est l'intersection de deux demi-cylindres dont les génératrices sont respectivement parallèles aux quatre murs qui leur servent de retombée.
La voûte parfaite en arc de cloître est établie sur plan carré (fig. 162).
Fig. 162 — Voûte en arc de cloître sur plan carré.
Si la salle est rectangulaire, la voûte en arc de cloître est composée de deux berceaux de section différente, l'un demi-cylindrique, l'autre demi-elliptique. Cette construction n'est pas difficile à réaliser, mais son aspect laisse à désirer.
Un plan polygonal se couvre tout naturellement d'une voûte en arc de cloître.
VOÛTE EN PENDENTIF
La voûte en pendentif pure est une voûte sphérique dont le diamètre est la diagonale d'une salle carrée à couvrir (fig. 163).
Fig. 163.— Voûte en pendentif — coupe en diagonale.
VOÛTE EN PENDENTIF SUR PLAN COUPÉ
La voûte en pendentif peut aussi couvrir une salle carrée dont les angles sont coupés.
Le pendentif est le triangle engendré par al pénétration de deux berceaux contigus dans une voûte hémisphérique.
VOÛTE SUR PENDENTIF
La voûte sphérique sur plan carré peut elle-même être interrompue et supporter une voûte hémisphérique qui prend le nom de coupole sur pendentif (fig. 164).
Fig. 164.—Voûte sphérique sur pendentif.
DÔME SUR PENDENTIF
La voûte sphérique peut être interrompue et supporter un tambour cylindrique surmonté d'une coupole en dôme (fig. 165).
Fig. 165. Dôme sur pendentif.
La croisée d'ogives est l'ensemble des arcs directeurs, des arcs diagonaux et des remplissages dans une voûte.
CROISÉE D'OGIVES AVEC NERVURES
La croisée d'ogives peut se prêter à une décoration de plusieurs nervures supportant le remplissage (fig. 166).
Fig. 166.— Croisée d'ogives avec nervures.
VOÛTE POLYGONALE
La voûte polygonale est une coupole sphérique ou ogivale avec nervures; la demie-voûte polygonale couvre la niche ogivale en quart de sphère, forme le cul-de-four avec nervures, ou pour ainsi dire un abside (fig. 167).
Fig. 167.- Coupole ogivale avec nervures, formant une voûte polygonale.
APPAREILLAGE DES VOÛTES
Dans la construction des voûtes, l'appareil des pierres est disposé de manière à ce que les joints des lits et les joints montants soient normaux à l'intrados et perpendiculaires entre eux.
POUSSÉE DES ARCS ET VOÛTES
En architecture, dans la construction des murs et voûtes, on ne s'intéresse aux lois du mouvement des corps que pour combattre ce mouvement.
C'est par la suppression ou plutôt par la prévention du mouvement, qu'on arrive à la stabilité essentielle dans toute construction. Or, il nous est impossible de supprimer les actions qui dépendent de facteurs étrangers à la construction.
Dans le repos immuable de l'édifice construit, il y a des actions temporaires ou permanentes qui tendent à le ruiner.
Ce sont des pressions, poussées, flexions, etc., qui, toutes, peuvent se concevoir comme des mouvements divers dus à la pesanteur, sans parler ici des actions chimiques ou autres agents physiques qui tendent à l'altération ou à la décomposition des matériaux.
Pour qu'il y ait stabilité, il faut neutraliser ces actions, partant leur opposer des résistances suffisantes qui leur feront obstacle. Pour qu'il y ait équilibre (au moins instable), il faut que la résistance soit égale à l'action.
On n'arrive à l'équilibre stable que si les résistances sont supérieures aux actions: c'est la loi fondamentale de l'architecture.
A toute action doit donc correspondre une résistance appropriée, sans quoi il n'y aurait pas de stabilité. À l'action verticale de la pression, on oppose des piliers de section suffisante pour résister à l'écrasement.
On intercepte l'action oblique des poussées au moyen de résistances qui, par leurs masses et leur direction, neutralisent les actions.
Si ces poussées n'existent qu'en lieux déterminés, les résistances ne sont utiles qu'aux points intéressés. Donc, aux poussées localisées doivent correspondre des résistances localisées.
L'ORGANE DE BUTÉE
Le contrefort est un massif mince et élancé qu'on applique sur un mur pour y recevoir la poussée localisée d'un arc doubleau ou d'une voûte (fig. 168).
Fig. 168.— Contrefort gothique.
L'ORGANE DE TRANSMISSION DES POUSSÉES
L'arc-boutant est un organe de transmission des poussées. Pour agir utilement, l'arc doit buter à la hauteur des reins de la voûte qu'il étaie, et ainsi appliqué, rester isolé dans l'espace. L'arc-boutant n'annule pas les poussées, mais il les transmet aux culées ou contreforts.
L'effort des voûtes gothiques se localise dans leurs nervures ; il suffit alors de leur opposer des réactions locales appliquées sur le plan où les efforts s'exercent (,fig. 169).
Fig. 169.— a) Arc-boutant remplacé par des tirants ; b) arc-boutant gothique.
POUSSÉE DES ARCS
Pour déterminer la poussée des arcs dont la hauteur des pieds-droits n'est pas plus d'une fois et demie la largeur de l'ouverture, on peut recourir à la méthode graphique suivante, qui est assez ancienne.
On divise d'abord l'arc plein-cintre, ou en ogive, en 3 parties égales: ab, bc, cd. Du point d comme centre, on décrit ensuite un arc de cercle, en prenant de pour rayon. En prolongeant la ligne cd, son point de rencontre en P détermine le parement extérieur du pilier dont ep fournit l'épaisseur. (Fig. 170).
Fig. 170.— Méthode graphique utilisée afin de déterminer la poussée des arcs.
Les voussoirs d'un arc subissent dans une certaine mesure le poids ou les réactions des voussoirs adjacents.
Si l'on cherche sur chaque lit de ces voussoirs le point de passage de la résultante de la pression qui s'exerce, et si l'on joint tous ces points, on déterminé la courbe des pressions de tout l'arc.
La géométrie analytique nous démontre qu'afin que l'équilibre des voussoirs d'un arc soit parfait, il faut que leur courbe de pressions ne sorte en aucun point des lignes de l'intrados et de l'extrados de cet arc.
Si l'arc est plein-cintre, cette courbe de pression est horizontale à son départ de la clef. Prolongée en contrebas de l'arc, lorsque cet arc repose sur des piles, la courbe de pression en détermine la poussée.
Donc, plus le développement de l'arc se rapproche de l'horizontale, plus sa poussée s'éloigne de la verticale, et plus il s'éloigne de l'horizontale, plus la poussée se rapproche de la verticale.
POUSSÉE DES VOÛTES
Dans une voûte de style ogival, la courbe de pression des voussoirs est en fd. Le mur supportant chaque berceau a ed pour hauteur. La poussée sera cp, et l'épaisseur cp. Toute la charge oblique de la voûte se reporte alors au point p. (Fig. 171).
Fig. 171.— Principe graphique servant au calcul de la poussée des voûtes.
Les calculs pour définir ces actions peuvent varier à l'infini en raison des hauteurs et largeurs des vides, des épaisseurs des pleins, des qualités et résistances des matériaux, de la hauteur des assises, etc.
Le problème pour les hautes nefs comporte les actions des voûtes se reportant sur les arcs de la croisée d'ogive qui se résume dans le plan vertical qui sépare deux travées, c'est-à-dire dans l'axe d'un pilier en une résultante oblique de deux composantes:
l'une verticale qui constitue la charge des voûtes, murs supérieurs et combles supportés par le pilier ; l'autre horizontale qui détermine la poussée.
Il nous faut donc calculer le poids total de la voûte, de ses arcs doubleaux et arêtiers, ainsi que le poids du mur, déduction faite des vides, puis déterminer la valeur de la composante horizontale, ou poussée.
Ensuite, déterminer d'après la charge totale qu'il supporte la grosseur de la pile ou pilier, en se basant sur le coefficient de sécurité relatif à la pierre employée. On y arrive assez facilement par les calculs et la statique graphique.
La première partie du problème résolue, il nous reste à équilibrer par un étai la poussée P ayant son point d'appui en un certain endroit; à défaut de quoi l'édifice serait renversé. En quoi consistera cet étai ?
Le point à étayer est à l'aplomb des piliers qui séparent la nef des bas-côtés. La base de l'étai se portera au-delà des bas-côtés et son obliquité devra en tous cas rester au-dessus de la voûte de ces bas-côtés.
Le plan devra comporter, au-delà des bas-côtés, un pilier ou contrefort très résistant qui contrebutera la poussée transmise par l'étai.
Si cet étai est une pièce de bois, d'acier, ou un monolithe en pierre dure posée en délit (dont le poids est négligeable par rapport aux forces en question), il sera rectiligne et on en fixera le diamètre comme dans le cas d'un simple poteau.
Si cet étai est en pierre, il serait toutefois hasardeux de le constituer d'un prisme monolithe qui ne pourrait être qu'en délit. Il faudra ériger un arc-boutant dont le poids ne sera plus négligeable dans le calcul. L'appareillage et la stabilité de la construction exigeront un tracé courbe.
On peut établir exactement la courbure que suivra la ligne médiane ou la fibre neutre de cet arc, de façon qu'il soit en parfait équilibre, en procédant section par section, la résultante passant au centre de gravité de chaque section et la pierre offrant partout le même coefficient de sécurité.
Nous arrivons ainsi à tracer un arc-boutant rationnel élégant et économique. Mais vu la fragilité extérieure de l'arc-boutant, il est plus sûr et durable de neutraliser les poussées avec des tirants en fer placés aux naissances de la voûte et se posant à son écartement, comme on a fait dans les églises italiennes.
Aujourd'hui, on utilise l'acier ou le béton armé. Une simple poutre d'acier passée dans l'axe des piliers au-dessus des voûtes des bas-côtés nous permet maintenant de les construire sans arc-boutant, avec un simple contrefort appuyant la partie haute du mur de la nef.