La météo du temps jadis

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Météo

Beaucoup d'entre nous pensent que le temps est en train de changer, mais bien peu sauraient dire si nous nous acheminons vers une ère de froid ou de chaleur, de sècheresse ou d'humidité.

Personne, pourtant, n'a songé à définir ce qui est « normal » et ce qui ne l'est pas. Nous avons en effet une idée toute subjective du beau temps, alors qu'il constitue peut-être, pour la Nature, une anomalie.

En fait, le temps que nous subissons est normal, et même la vague de sècheresse de 1976, dont on a beaucoup exagéré l'importance pour des raisons tout à fait étrangères à la météorologie, ne justifie pas la croyance en un bouleversement climatique en cours.

Soyons réalistes : les fluctuations que nous pouvons constater à l'échelle d'une vie humaine n'ont pas de véritable signification, car le cadre temporel de notre existence est bien trop limité pour que l'on puisse mettre en évidence une évolution profonde du climat.

Celle-ci, en effet, ne peut apparaître qu'à l'échelle de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires. Que sont nos misérables années à l'échelle d'une planète dont l'âge se chiffre en milliards d'années ?

Quant aux relevés météorologiques, ils ne s'étendent encore que sur trois siècles, durée extrêmement brève par rapport aux grands cycles climatiques que les géophysiciens ont pu mettre en évidence.

En outre, les toutes premières mesures sont parfois douteuses en raison du mauvais étalonnage des instruments. Heureusement pour les scientifiques chargés de reconstituer le climat passé de notre planète, il existe des documents plus sûrs.

Puisque l'on ne peut pas se fier à la mémoire individuelle pour apprécier le climat, il a fallu accumuler un grand nombre d'éléments, répartis sur une période de temps aussi longue que possible : l'ensemble fournit une bonne moyenne, de laquelle se dégagent des tendances.

Ces données d'observation sont des chroniques historiques, lettres, gazettes, archives paroissiales, récits de voyages, comptes rendus de sociétés savantes...

Pour plonger encore plus loin dans le passé, on a recours aux services d'une science nouvelle : la paléoclimatologie.

 Elle étudie en particulier l'épaisseur des cernes d'arbres, variable suivant les conditions climatiques du moment (dendroclimatologie) ; le recensement des divers types de grains de pollen dans des sédiments d'âge différent pour reconstituer la flore, donc le climat (palynologie) ; la mesure du rapport d'isotopes dans les glaces profondes du Groenland ou de l'Antarctique, etc.

La glaciologie apporte aussi son concours, l'avance et le recul des glaciers constituant un excellent indicateur de la température moyenne à l'échelle de quelques décennies. On a constaté ainsi que les glaciers des montagnes Rocheuses, en Amérique du Nord, et ceux des Alpes ou de Scandinavie, en Europe, avancent et reculent à peu près aux mêmes époques.

C'est ainsi que les géophysiciens ont commencé à se faire une idée de la météo du temps jadis, et tentent maintenant de comprendre ce que sera le temps dans les décennies à venir.

Les ères glaciaires

A partir de toutes ces indications, il est acquis que le climat passé fut marqué par une longue série de glaciations, qui sont des phénomènes non pas épisodiques, accidentels, comme on aurait pu le croire, mais réguliers.

Ces glaciations surviennent tous les 40 000 ans environ, la période « froide » étant relativement brève (à peine plus de 10 000 ans) et suivie d'un assez long intermède interglaciaire, plutôt doux. Nous sommes actuellement dans un tel intermède.

De toute façon, l'écart dans les températures moyennes, au cours d'un cycle glaciaire, est assez faible : 6 à 7 °C «seulement». Mais qu'on ne s'y trompe pas : ces quelques degrés ont leur importance.

Il faut savoir en effet qu'un refroidissement de 2 °C suffirait à compromettre la culture du blé en France. En revanche, un réchauffement du même ordre autoriserait la culture de la vigne, à grande échelle, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

En fait, seules les régions tempérées sont vraiment affectées, car la température y est assez proche du point de congélation de l'eau.

Une faible variation pourra donc entraîner la formation de glaces ou, au contraire, la libération de grandes quantités d'eau, provoquant du même coup d'importantes répercussions sur le régime des précipitations et le niveau des océans. Le relief côtier, ainsi, s'en trouvera modifié, des bandes du littoral de plusieurs dizaines de kilomètres de large pouvant alors être alternativement découvertes ou submergées.

Des sondages à une centaine de mètres de profondeur, au large des îles de Ré et d'Oléron, ont notamment permis de découvrir une variété de coquillages que l'on rencontre habituellement entre 10 et 70 m de profondeur. Ils se trouvaient donc plus proches du rivage il y a 20 000 ans, âge de ces sédiments.

À cette époque, le niveau de la mer était en fait nettement plus bas qu'aujourd'hui. De même, une large bande de sable, datée de 16 000 ans, s'étend sur plusieurs kilomètres au large de la côte du Roussillon, confirmant que le niveau marin a bel et bien monté depuis lors.

Quant à la Manche, elle n'était alors que la basse vallée de la Seine, cette dernière se prolongeant sur plus de 100 km au-delà du Havre et recevant de nombreux autres affluents ; les sondages sous-marins le montrent très nettement.

De même, la mer du Nord constituait la partie inférieure du bassin rhénan, et la Tamise n'était qu'un affluent du Rhin ! L'Adriatique, elle, était moitié moins longue.

En Méditerranée, Corse et Sardaigne étaient rattachées. Et beaucoup plus loin de nous, au niveau du détroit de Bering, la Sibérie rejoignait l'Alaska...

La remontée du niveau des océans, depuis la dernière glaciation, s'est effectuée au rythme de 1 m par siècle environ.

C'est le Suisse Bernhardi qui, en 1832, fut le premier à émettre l'idée d'un âge glaciaire. Aujourd'hui, on a pu localiser avec précision les cinq derniers, qui couvrent les 3 000 siècles écoulés :

— Gunz (ou Nebraskian) à - 275 000 ans ;
— Mindel (ou Kansan) à - 180 000 ans ;
— Riss (ou Illinoïan) à - 110 000 ans ;
— Wilrm 1 (ou Wisconsin) à — 70 000 ans ;
— Wiirm 2 à -46 000 ans.

La dernière grande glaciation, celle de Wûrm, est double, et débuta assez lentement voici environ 85 000 ans. Progressivement, tout au long des 250 siècles suivants, le climat se rafraîchit, puis devint un peu plus doux dans un intermède qui s'étendit de -60 000 à -55 000.

C'est la dernière phase froide qu'ont connue nos ancêtres du type Cro-Magnon puisque le stade interglaciaire dans lequel nous sommes actuellement a commencé vers -12 000, après avoir atteint son point culminant 6 000 ou 8 000 ans auparavant.

Les grandes étendues de glace qui s'étendaient alors sur la Scandinavie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne se sont entièrement résorbées voici environ 8 000 ans. Ce grand manteau glaciaire recouvrait également tout le Canada actuel, jusqu'à New York, sur plus de 2 km d'épaisseur !

Au total, la surface gelée occupait un sixième de la superficie de la planète, cinq fois plus qu'aujourd'hui. En Amérique du Nord, la fusion fut plus tardive, puisqu'elle ne s'est achevée qu'il y a 5 000 ou 6 000 ans.

Le petit âge glaciaire

Depuis 8 000 ans, nous sommes donc entrés dans une phase interglaciaire. En conséquence, la température moyenne est de 6 à 7°C plus élevée qu'au maximum du cycle, il y a 20 000 ans, et le niveau des mers supérieur de 90 m. Nous vivons donc, de ce point de vue, une époque privilégiée.

Toutefois, au sein même des périodes interglaciaires, se produisent de petites fluctuations. La dernière en date a provoqué ce qu'il est convenu d'appeler le «petit âge glaciaire». Il a sévi en Europe entre 1550 et 1850, les températures moyennes ayant alors subi une baisse de 2 °C environ.

On retrouve la trace de ce refroidissement dans d'anciennes chroniques, qui nous apprennent par exemple qu'au début du XVIIIe siècle la Seine se traversait à pied sans danger, et qu'à Paris le vin se débitait à la hache !

C'est entre 1690 et 1720, vers la fin du règne du Roi-Soleil, que cette vague de froid atteignit son point culminant. Durant l'été 1695, par exemple, l'Islande était entourée de glaces flottantes.

À la même époque, la situation économique était désastreuse en Suède et en Ecosse. En France, plusieurs hameaux du Dauphiné furent alors ensevelis sous les glaciers alpins.

Pourtant, au XVIe siècle, pendant la Renaissance, la traversée des Alpes vers l'Italie était facile. C'est également l'époque des grandes traversées maritimes et des premiers tours du monde.

Le redoux a commencé de se manifester au milieu du siècle dernier, pour culminer entre 1920 et 1950. Pendant près d'un siècle, la mer de Glace, dans les Alpes, a reculé ainsi à raison de 12 m par an, tandis que les zones de pêche de l'Atlantique Nord s'étendaient de plus en plus vers le nord.

L'avenir

Depuis 1950, la tendance s'est inversée, et les moyens modernes de la météorologie permettent de suivre cette évolution avec précision.

Les satellites artificiels, notamment, ont confirmé un refroidissement de la surface des océans, et la température moyenne de l'Europe a baissé de 6/10 de degré au cours du dernier quart de siècle. Cette décroissance est certes extrêmement faible (1/10 de degré tous les quatre ans) et totalement inappréciable par nos sens, car bien supérieure aux fluctuations annuelles. Mais elle est révélatrice.

Cette tendance, et l'examen des cycles passés, montre que nous nous acheminons à coup sûr vers un nouveau refroidissement, mais qu'il sera sans doute de courte durée. Il s'agirait là, en quelque sorte, d'une fluctuation parasite, et cette petite période de rafraîchissement amorcée voici trente ans devrait cesser entre 1985 et 1990.

Elle serait suivie d'un radoucissement qui nous mènerait jusqu'en 2015 ou 2020, mais la température moyenne devrait alors être moins élevée que dans la décennie 1930-1940.

Puis s'amorcerait un nouveau rafraîchis sèment, et ainsi de suite jusqu'à la prochaine grande glaciation, du type Wûrm, qui ne s'amorcera sans doute pas avant 5 000 ans.

Nous aurons le temps de nous y préparer... Et les quelques décennies de refroidissement qui se manifestent de temps à autre ne doivent pas nous émouvoir : ce sont des pulsations parasites qui se greffent sur un cycle beaucoup plus long.

Pourquoi les variations climatiques ?

Mais au fait, quelles sont les causes de ces fluctuations, grandes ou petites ? Pourquoi le climat change-t-il ainsi ?
Les scientifiques y voient essentiellement deux types de causes :

— des causes astronomiques, liées soit aux variations de l'orbite terrestre, soit aux variations du flux solaire, ou encore à l'absorption du rayonnement solaire par des nuages de poussières interstellaires se promenant dans la galaxie (hypothèse suggérée par l'astronome H. Shapley dès 1920) ;

— des causes terrestres : injection de grandes quantités de poussières dans l'atmosphère lors d'importantes éruptions volcaniques, ou dérive des continents, entraînant une modification de la circulation atmosphérique générale en raison de la répartition différente des surfaces maritimes et continentales.

Parmi les causes astronomiques, on a songé également à une relation avec le cycle d'activité du Soleil, qui semble suivre des périodes de 10, 80 et 400 ans, mais pourrait aussi fluctuer à l'échelle de quelques millénaires.

Aucune corrélation indiscutable n'a cependant pu être établie, et les astronomes ne savent même pas encore si ce cycle d'activité est une constante de l'astre ou au contraire un « accident », que nous aurions la «chance» de vivre.

Remarquons toutefois que la période d'absence totale de taches à la surface de l'astre (minimum de « Maunder »), de 1645 à 1715, a coïncidé avec le «petit âge glaciaire».

En revanche, les années de soleil « actif » s'accompagnent d'un rayonnement de « meilleure » qualité si l'on en croit cette statistique suivant laquelle les meilleurs millésimes du vin de Bourgogne (mais ce doit être valable aussi pour d'autres vins) correspondent aux années d'intense activité solaire...

Il est indéniable, en tout cas, que le Soleil joue un rôle de premier plan dans la climatologie de notre planète. En chauffant l'atmosphère et le sol, il fournit l'énergie qui, ensuite, se dégagera dans les divers phénomènes météorologiques.

Ce chauffage n'étant pas régulièrement réparti du fait des différentes natures de terrain (déserts, forêts, montagnes, océans, etc.), des masses d'air de pression variable vont se former, puis se mettre en mouvement en créant des vents et des hydrométéores de toutes sortes : c'est ce que nous appelons «le temps ».

A l'origine, donc, un seul responsable : le Soleil, notre étoile. Cette gigantesque chaudière thermonucléaire rayonne, du fait que sa surface est portée à 6 000 °C, essentiellement dans les gammes de rayonnement dit «visible» et «infrarouge».

La constance de son rayonnement est évidemment d'une grande importance, et l'on a ainsi calculé qu'il suffirait d'une variation de 1 pour 100 de ce rayonnement pour provoquer une augmentation ou une diminution de 3 °C de la température moyenne à la surface de la Terre.

Certains peuvent aussi se demander si ce précieux luminaire ne va pas nous faire défaut un jour. Rassurons-nous. Le cycle de vie des étoiles est maintenant bien connu, car nous en avons sous les yeux une multitude, parvenues à différents stades d'évolution.

Ainsi savons-nous que le Soleil se situe à peu près au milieu de sa vie, ce qui signifie qu'il va continuer de rayonner assez régulièrement pendant encore cinq milliards d'années. Après quoi il passera par le stade de géante rouge et verra son atmosphère s'étendre sur plus de 100 millions de kilomètres, englobant les planètes proches.

La température sur Terre sera alors d'un millier de degrés et les conditions de vie, comme la météorologie, s'en trouveront évidemment considérablement modifiées. Heureusement, ce n'est pas pour demain...

En ce qui concerne l'activité volcanique, un refroidissement général a été noté lors de la grande éruption du Krakatoa en 1883. Plus probables, d'après les toutes dernières études, semblent être les actions dues aux variations de l'orbite terrestre.

Celle-ci, bien que quasiment circulaire, subit un cycle d'ovalisation qui s'étend approximativement sur 96 000 ans ; en outre, l'inclinaison de l'axe de rotation de la planète, qui est actuellement de 23°, oscille lentement, modifiant du même coup les saisons, suivant un rythme de 42 000 ans.

Enfin, l'époque où la Terre est au plus près du Soleil se décale peu à peu au fil du temps ; elle se situe aujourd'hui début janvier, mais fluctue suivant un cycle de 22 000 ans environ.

Tous ces effets conjugués introduisent sans nul doute des fluctuations climatiques, que l'on commence à retrouver grâce aux études de paléométéorologie ; mais elles sont bien souvent oblitérées par d'autres effets, encore mal cernés.

On peut enfin se demander quelle est l'influence de notre satellite la Lune, que l'on accuse aussi, bien souvent, de modifier le temps. Les dictons de la leçon 7 nous offrent quelques exemples de cette action supposée.

En fait, il n'a jamais pu être établi, scientifiquement, de relation certaine et directe entre la Lune et la météorologie. En revanche, nous connaissons tous l'action physique de notre satellite sur les océans, qui se traduit par le phénomène des marées. Or celles-ci influent parfois, localement, sur le temps des régions côtières.

À ce titre, et à ce titre seulement, il est possible de dire que la Lune exerce une influence sur le temps ; tous les autres effets présumés sont discutables.

Il est en tout cas étonnant de penser que quelques petits degrés de plus ou de moins peuvent ainsi modifier le faciès de notre Terre et les conditions de vie à sa surface. Nos civilisations, si puissantes soient-elles, sont en fait bien fragiles devant les caprices du climat.


 

 

 

 

 

 

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