Termes techniques

Quelques concepts de base

 La meilleure façon d'apprendre à faire des nœuds, pour bien comprendre les gestes, est de regarder quelqu'un les réaliser. Cela est bien sûr impossible dans le cadre de ce petit livre, donc il faut nous contenter de dessins et de textes explicatifs. Comme l'a dit quelqu'un de très sage dont j'ai oublié le nom : «Une image vaut un millier de mots. » J'aurais pu dessiner chaque étape dans la construction de tel ou tel nœud, mais pour nous épargner un procédé si ennuyeux, je vous propose, dans les pages suivantes, les concepts de base qui vous serviront à bien comprendre les textes en accompagnement des dessins.

Tout d'abord, un nœud est l'assemblage d'une ou de plusieurs cordes dans une figure donnée et raisonnée, et surtout dans un but précis : les nœuds doivent servir à quelque chose, soit dans un but pratique, soit dans un but décoratif, ou encore les deux à la fois. Une corde a forcément deux bouts : pour les besoins de ce livre, nous allons appeler, selon la coutume des marins, le «courant» pour l'extrémité de la corde disponible pour faire le nœud (fig. lc), le «dormant» pour la partie inutilisée (fig. la) et le «ballant» la partie entre les deux (fig. lb). Notons que, sur les dessins, le bout du courant est toujours fermé d'un trait, et que le bout du dormant est toujours ouvert pour donner l'impression que la corde se poursuit.

Si l'on prend le courant et que l'on replie une courte longueur de corde sur le dormant, nous allons parler d'une «ganse» (fig. 2). Les ganses sont particulièrement utiles pour faciliter le dénouement et peuvent avoir une vocation décorative (cf. le nœud de lacet).

«Doubler» (fig. 3) signifie replier la corde sur une longueur suffisamment grande pour que les extrémités deviennent toutes les deux dormantes et que la ganse devienne la partie manipulée pour faire le nœud - pour ainsi dire, le courant (cf. le nœud de chaise sur le double).

En passant le courant sur le dormant, on obtient une ganse fermée, qu'on appelle un «tour» (fig. 4a), le point d'intersection entre le courant et le dormant étant un «croisement» (fig. 4b).

Enfin, une dernière figure est le «tour mort» (fig. 5), qui est un tour de 360° fait avec le courant pour qu'il revienne parallèlement au dormant. Le tour mort intervient dans beaucoup de nœuds pour augmenter la friction entre la corde et l'objet sur lequel elle est attachée (cf. le nœud de bosse) ou pour augmenter la surface de charge de la corde sur un objet légèrement tranchant (cf. le nœud de chaise avec un tour mort).

L'importance des croisements

 La règle générale, mais non absolue, qui guide le bon noueur dans ses pérégrinations nodologiques est que le courant doit passer alternativement pardessus et par-dessous le dormant, s'il veut créer un noeud qui tienne. Une série de trois croisements, dessus-dessous-dessus ou dessous-dessus-dessous, s'appelle une «passe» (fig. la-a, b-b), et il faut un minimum d'une passe pour faire un nœud qui tienne sans support supplémentaire (cf. le nœud simple et le nœud de cabestan).

Respecter l'ordre des croisements est très important, car cela peut faire la différence entre un nœud qui tient et pas de nœud du tout! Par exemple, celui de la figure 2 est fait de trois croisements, dont un dessus (fig. 2a), un dessous (fig. 2b), puis à nouveau un dessus (fig. 2c). Ce dernier croisement «verrouille» le tout et permet de créer, une fois serré, un nœud qu'on appelle le «nœud simple». Inversement, l'ordre des croisements dans la figure 3 est : dessus (fig. 3a), dessous (fig. 3b) et dessous (fig. 3c). Cette figure, appelée «bretzel», ne comporte aucun croisement qui verrouille et ne peut pas être considérée comme un nœud : secouez la corde, et la figure disparaîtra.

De la même manière, remplacer un croisement «dessus» par un croisement «dessous» peut altérer les bonnes qualités d'un nœud puis, dans certaines conditions, entraîner des conséquences désastreuses. Prenons comme exemple de «bon nœud» le nœud droit (fig.4), qui est assez fiable pour relier deux cordes ensemble (sauf pour l'escalade : cf. le nœud droit) et qui est facile à défaire. Notons qu'il est parfaitement symétrique car le courant et le dormant de la corde de gauche passent par-dessus la ganse de la corde de droite (fig. 4a, b), et inversement le courant et le dormant de la corde de droite passent par-dessous la ganse de la corde de gauche (fig. 4c, d). Si au contraire on passait le courant de chaque corde sur le côté de la ganse opposé à son propre dormant, on obtiendrait le nœud de vache (fig. 5), qui a tendance à glisser avant de se stabiliser finalement en nœud et, sous une forte traction, devient très difficile à défaire sans couteau !

Quel type de nœud?

 Traditionnellement, les marins français distinguaient deux groupes de nœuds : les nœuds proprement dits, faits d'une ou de plusieurs cordes, et les épissures, qui sont confectionnées en modifiant la construction même de la corde. Cependant, cette distinction est une convention plutôt qu'une vérité absolue, et ne résiste pas à une analyse trop appuyée. Les navigateurs anglophones faisaient la même distinction et ajoutaient trois catégories de plus, qui sont les knots, les bends et les hitches, traduits tous les trois en français par le mot «nœud»! Une classification plus utile pourrait consister dans les termes suivants : «nœud d'attache», «nœud d'ajut», «nœud de bosse» (pour former une bosse, à ne pas confondre avec le nœud de bosse ! cf. p. 102) et «nœud de boucle». Parlons-en... Le nœud d'attache sert à fixer une corde sur un support sans manipulation particulière de ce dernier. Ôtez le support, il se défait aussitôt. Un bon exemple de nœud d'attache est celui de cabestan (fig. 1).

Un nœud d'ajut est utilisé pour réunir ou abouter deux cordes afin d'en faire une seule : les extrémités des deux cordes s'entrelacent pour confectionner le nœud. Le nœud d'écoute est l'archétype des nœuds d'ajut (fig. 2).

Le nœud de bosse n'a nul besoin d'autre support que la corde avec laquelle il est confectionné. Son but est d'augmenter le diamètre d'une corde à un endroit donné pour, entre autres, empêcher la corde de passer à travers un trou de diamètre plus petit (ex. : un bouton de veste ou une corde dans une poulie), ce que les marins appellent un «nœud d'arrêt». Comme exemple de nœud de bosse, nous pouvons citer celui en huit (fig. 3).

Enfin, un nœud de boucle forme, soit sur l'extrémité, soit au milieu d'une corde, un anneau de diamètre fixe, comme le nœud de chaise (fig. 4), ou de taille ajustable, comme le nœud coulant (fig. 5).

Serrage

 Enfin, l'action de nouer comporte deux étapes distinctes : la mise en place de la structure du nœud et le serrage (fig. 6). Des deux, c'est toujours ce dernier qui pose le plus de problèmes et qui permet aux spectateurs de distinguer un noueur expérimenté d'un débutant, car ce dernier veut toujours aller trop vite. À ce propos, le seul mot d'ordre utile à tout nodologue en herbe est le suivant : «patience»!

 

 

 

 

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