Les outils de menuiserie

Charpente et Menuiserie (1950)

II importe que le charpentier-menuisier connaisse non seulement les caractéristiques et les emplois différents des bois qu'il reçoit débités ou appareillés, mais aussi qu'il soit familier avec les différents outils qui servent à travailler les bois et à les façonner.

Ce que nous avons vu au sujet du tronçonnage et du débitage du bois ainsi que sur la manière dont les différentes scies se comportent et dont les lames sont taillées pour répondre aux différentes textures de bois, tout cela s'applique également dans la menuiserie, dont nous allons maintenant étudier les principaux outils.

Fig. 48.— L'établi, muni d'un étau, est le premier outil du menuisier.

Fig. 49.— Deux types de pied-de-roi, le compagnon inséparable du charpentier-menuisier.

L'égohine.

C'est une scie maniée d'une seule main et destinée aux menus débits de charpente et de menuiseries. Elle consiste en une lame d'acier flexible, dont la longueur varie selon son utilité, et l'épaisseur selon qu'elle a été repassée à la lime plusieurs fois. Toutes les dents de l'égohine ne travaillent pas également. On voit facilement que les dents placées aux extrémités de la lame travaillent peu, tandis que celles du milieu sont en contact constant avec le bois. (Fig. 50).

Fig. 50.— L'égohine

Pour les pièces de bois de peu d'épaisseur, la course étant plus petite, toutes les dents sortent du bois et la sciure peut se dégager facilement. Les pièces épaisses nécessitent cependant des dents plus grosses et partant plus espacées, avec un dévoyement proportionnel; les dents des lames de l'égohine seront donc différentes selon qu'elles devront scier des bois mous ou des bois durs, ainsi que pour scier de travers ou scier de long comme on l'a décrit plus haut. (Voir fig. 31 et 32).

La scie d'onglet se compose d'une lame rectangulaire renforcée à sa partie supérieure et munie d'une poignée comme l'égohine; elle peut scier de travers ou en biais et est surtout employée pour faire les onglets. (Fig. 51).

Fig. 51.— Scie d'onglet.

L'onglet est l'extrémité d'une planche ou d'une moulure qui forme un angle à 45° au lieu de se terminer par un angle droit. (Fig. 52).

Fig. 52.— Onglets et assemblages à onglets.

La boîte à onglet est une boîte en forme de canal sur les parois de laquelle sont des entailles sciées à 45 °, qui guident la scie quand on prépare des pièces pour les assemblages à onglet. Certaines boîtes à onglet, très perfectionnées, permettent de couper les moulures ou autres pièces à des angles très variés. (Fig. 53).

Fig. 53.— Boîte à onglets.

Les scies à découper, que l'on nomme aussi passe-partout, se composent d'une lame mince et effilée, montée sur une poignée amovible pour pouvoir changer la course de la scie au besoin. Elles sont employées pour les découpages. On s'en sert en outre pour percer les trous de serrures, pratiquer des orifices pour le passage des tuyaux à travers un plancher, etc. (Fig. 54-55).

Fig. 54.— Scie à découper: a) passe-partout.

Fig. 55.— Scie à découper:
b) jig-saw manuelle;
c) jig-saw mécanique.

PRÉPARATION DES BOIS

Lorsque le bois est débité, scié et coupé de longueur dans un ouvrage de menuiserie il doit être raboté ou plané et préparé avant d'être complètement façonné. Cela lui permet de recevoir la peinture ou d'être fini au papier sablé ou papier de verre. Les outils ou instruments pour dégrossir et dresser le bois sont appelés rabots.

Les rabots sont faits de différents genres; ils se composent d'un fût allongé, en bois ou en fer, et dont la base parfaitement dressée offre une ouverture ou «lumière» pour le passage du fer. La lumière va en s'écartant de la base à la partie supérieure de l'outil.

De chaque côté il y a deux ressauts sur lesquels s'appuie le coin qui retient, dans la lumière, la lame sur le contrefer qui les assujettit. L'espace libre au-dessus du coin sert au passage des copeaux; le contrefer est façonné à son extrémité selon la texture du bois auquel il s'attaque.

Le fer qui forme la lame du rabot est agencé de manière à supprimer le frottement de l'outil sur une des faces qui est inclinée sur la pièce à raboter.

Un fer à tranchant très aigu travaille parallèlement aux fibres du bois et les tranche facilement, mais les copeaux qui en résultent exercent une certaine pression sur l'outil; c'est pour atténuer cet inconvénient que l'on a ajouté le contrefer un peu en retrait sur l'extrémité du fer.

La galère est un rabot dégrossisseur employé sur les bois bruts. (Fig. 56).

Fig. 56.— Galère.

La varlope. (Fig. 57).

Fig. 57.— Varlope.

C'est un grand rabot dont le fût en bois ou en métal est relativement long.
Elle sert à raboter les grandes surfaces.

Fig. 58.— Rabots ordinaires.

Le bouvet est un rabot susceptible de produire des moulures. C'est un instrument muni d'outils ou fers qui dégagent le bois ou creusent des rainures. (Fig. 61).

Fig. 61.— Bouvet pouvant produire diverses variétés de moulures.

 

Il y a des bouvets à languettes, bouvets à rainures, bouvets à moulures et le guillaume qui sert à raboter les feuillures c'est-à-dire l'entaille dans laquelle les portes et les fenêtres sont encadrées pour fermer juste. (Fig. 59).

Fig. 59.— Guillaume.

 

Fig. 60.— Rabot ajustable pour le planage des surfaces courbes, convexes ou concaves.

 

Le bouvet illustre ci-dessus est surtout destiné aux artisans qui désirent faire eux-mêmes leurs moulures. Comme on le voit, cet outil peut planer une grande variété de moulures. Il suffit d'obtenir les fers voulus ou de les faire fabriquer sur commande.

L'outil est muni de guides qui permettent d'effectuer un travail absolument aussi bien fait qu'au corroyeur, ou d'apparier une partie de moulure lorsqu'il serait trop onéreux ou qu'il faudrait trop de temps pour aller au moulin. 

LES RABOTS, LEUR USAGE ET LEUR ENTRETIEN

Voici les différentes parties du rabot dont la fonction est décrite ci-contre:

A—Base et lumière par où la lame est introduite.
B—Lame ou fer sur lequel est posé le contrefer.
C—Coin servant à tenir le fer et le contrefer bien en place dans la lumière du rabot.

D—Ajustements :

a) Levier servant à accentuer la coupe de la lame d'un côté ou de l'autre;
b) Vis de réglage contrôlant le petit levier qui permet de prendre un copeau plus ou moins épais;
c) vis permettant de donner à la lumière une ouverture plus ou moins grande.

Pour assembler le rabot qui a été démonté, voici comment on procède: l'outil étant placé dans sa position normale la lame munie de son contrefer. Il faut veiller à ce que le biseau de la lame aille au fond de la lumière comme l'indique l'illustration ci-contre.

Ensuite, on met le coin en place et on abaisse le petit levier qui doit l'assujettir au fer et au contrefer qui sont déjà dans l'outil. Si, alors, le fer ne tient pas solidement en place, il suffit de serrer légèrement la vis qui émerge du coin; par contre, si le petit levier refuse de s'abaisser, il faut désserrer cette vis.

   

Pour obtenir un copeau plus ou moins épais, selon qu'on travaille sur un bois plus ou moins tendre, il suffit de procéder comme l'indique l'illustration ci-dessus. Le fer avance vers l'extérieur de la lumière lorsqu'on desserre la vis de réglage; il s'en retire lorsqu'on serre cette vis.

Enfin, si l'on veut mettre le fer bien d'équerre, il faut procéder comme l'indique l'illustration ci-dessus. Le levier qui se trouve juste au-dessus du fer permet d'effectuer les ajustements latéraux grâce aux mouvements qui sont indiqués par les lignes pointillées.

AFFUTAGE

Pour qu'un outil tranchant donne le maximum de satisfaction, il convient qu'il soit bien affûté. Ce que nous allons dire s'applique aussi bien aux fers de rabots, varlopes et galères qu'aux ciseaux à bois.

La meule doit tourner dans le sens indiqué par la flèche, soit en venant du côté de l'outil. Il faut employer le porte-outil si l'on veut s'assurer un biseau absolument égal et droit. Afin d'empêcher que la lame soit détrempée par la chaleur on doit la plonger à intervalles fréquents dans un baquet d'eau. Une meule tournant dans l'eau ou dans l'huile est préférable à une meule d'émeri sèche.

Pour obtenir le biseau de 25 à 30 degrés qui assure une coupe parfaite, il suffit que sa surface ait un peu plus de deux fois l'épaisseur de la lame.

   

L'illustration ci-dessus fait voir comment on doit affûter le fer du rabot pour obtenir un biseau uniforme. On le promène de droite à gauche, lentement, afin de couvrir toute la surface du biseau. Ceci a pour avantage supplémentaire d'user la meule uniformément.

Lame émoussée :

a) par le contact d'un morceau de métal;
b) par un aiguisage maladroit;
c) par l'emploi extravagant d'une pierre à aiguiser afin d'enlever le morfil.

COMMENT SE SERVIR de la PIERRE À L'HUILE ou À L'EAU

Placez le biseau du fer en biais sur la pierre, en ayant soin de relever un peu l'arrière du biseau. Pour que l'angle de coupe reste égal, il faut voir à tenir le fer comme l'indique notre illustration et le promener parallèlement à la longueur de la pierre.

Enlevez le morfil en promenant cinq ou six fois le fer à plat sur la pierre, comme ci-dessus.

   

Finissez en repassant le fer sur une surface de cuir. Ne donnez pas de biseau au côté droit du fer. Les coups de rabot paraissent moins sur une surface polie quand les coins du fer sont légèrement arrondis.

COMMENT SE SERVIR DES RABOTS

II est plus facile de planer une surface longue si l'on emploie une galère ou une longue varlope. La raison de ceci est facile à comprendre quand on se réfère à l'illustration ci-dessus. Avec un outil plus long, les surfaces creuses ne sont atteintes qu'une fois que les sommets ont été arasés.

Pour obtenir une surface douce et unie, il importe de pousser le rabot dans le sens du grain du bois. Si le grain du bois est irrégulier, réglez le fer de votre rabot pour qu'il ne prenne à la fois qu'une couche de bois très mince et uniforme.

Si vous voulez que les extrémités de la pièce que vous rabotez soient bien droites, pressez un peu sur la tête du rabot en partant et appuyez plus fortement sur la poignée en finissant. Évitez de donner vos coups de rabot comme l'indiquent les pointillés.

Pour éviter d'émousser les coins d'une pièce de bois, servez-vous du rabot comme l'indique l'illustration ci-dessus: ne planez qu'une moitié de chaque côté.

Au départ, placez-vous solidement vers l'arrière de la pièce à raboter. Tenez le rabot a-plomb et d'équerre avec la surface à raboter. Lorsque le coup de rabot s'achève, il faut que le poids de votre corps repose plutôt sur la jambe gauche.

OUTILS À PERCER

Les outils à percer travaillent le bois perpendiculairement aux fibres; ils sont généralement montés sur un vilebrequin.

Le vilebrequin est une manivelle qui se manœuvre à la main au moyen d'une poignée que l'on tient fixe à l'aide du bras ou en l'appuyant sur la poitrine; l'outil ou la mèche fixée à la manivelle opère par un mouvement de rotation. (Fig. 63).

Fig. 63. — a) Vilebrequin ordinaire, b) Vilebrequin qui permet de percer des trous en des endroits rapprochés des murs et plafonds; c) drille.

La mèche est une tige terminée par une vrille dont le bout supérieur est disposé de façon à pouvoir s'attacher à un vilebrequin. Il y a trois sortes de mèches: la mèche à vrille, la mèche à trois points et la mèche extensible. (Fig. 64).

Fig. 64.—Différentes sortes de mèches: 1) et 2) mèches à vrille; 3) mèche à trois points; 4) mèche extensible.

La vrille est un outil en fer avec poignée en croix, terminée par une vis acérée qui sert à percer de petits trous dans le bois.

La tarière est une sorte de grosse vrille à manche transversal et que l'on manie à deux mains. On s'en sert pour percer des trous de larges dimensions dans le gros bois.

La tarière extensible. C'est un outil qu'on utilise pour percer des trous d'un à deux pouces de diamètre au moyen d'une mèche extensible.

Celle-ci ressemble beaucoup à la mèche à trois points, dont l'un des traçoirs serait remplacé par un ciseau très aigu; celui-ci dégage les fibres coupées par le traçoir. Le traçoir et le ciseau sont fixés au moyen d'une vis, ce qui permet d'élargir le diamètre du trou jusqu'à 2". (Fig. 64).

Le ciseau est un instrument tranchant servant à travailler le bois et dont l'extrémité coupante est taillée en biseau. Il est muni d'un manche en bois très dur que l'on peut frapper au maillet. On s'en sert pour faire les mortaises. (Fig. 65).

Fig. 65.— Trousse de ciseaux employés en menuiserie.

La gouge est un ciseau dont la section est demi-circulaire; elle sert à faite des trous de peu de profondeur ou à dégager le bois dans les mortaises.

 L'équerre est un instrument en bois ou en métal qui sert à tracer un trait perpendiculaire sur une pièce de bois, afin de pouvoir le couper ou l'assembler à un angle droit. (Fig. 66).

Fig. 66.— Équerres de menuisiers.

Elle est généralement graduée en fractions de pouces, en pouces et en pieds, de sorte qu'elle sert aussi à prendre la mesure. Différentes sortes d'équerres : servent à des fins plus ou moins spécialisées. (Fig. 69).

Parmi les autres outils et instruments dont a besoin le charpentier-menuisier citons d'abord l'établi (Fig. 48) qui doit avoir environ 27" de largeur par une hauteur de 34" au-dessus du plancher, en moyenne.

Toutefois, l'établi doit être construit ou ajusté selon la taille de l'ouvrier afin qu'il puisse y travailler confortablement. Cet établi est pourvu d'un étau et d'un butoir pour retenir les pièces de bois qui doivent y être travaillées.

Viennent ensuite les marteaux. Cet outil doit être de bonne qualité, c'est-à-dire en excellent acier et pourvu d'un manche solide. Puis il faut le pied-de-roi (Fig. 49) dont on trouve dans le commerce certaines variétés pourvues d'un calibre qui permet de mesurer les surfaces circulaires.

Le galon en tissu imprégné ou en métal (Fig. 67) facilite la mesure des courtes distances parallèles, et les fausses-équerres, à branches mobiles, (Fig. 69) sont utilisées pour tracer des angles.

Fig. 67.— Galon métallique à mesurer.

Fig 68.—Trusquin.

Fig. 69.— Deux types de fausse-équerre.

Différentes formes de tournevis existent également. Outre le tournevis rigide, (Fig. 70), on peut ajouter à sa trousse d'outils les tournevis Phillips dont on se sert pour poser les vis du, même nom à fente en forme de croix. Nous parlerons plus loin des niveaux.

Fig. 70.— Tournevis.

Fig. 71.— Tournevis pour vis Phillips.

Disons maintenant un mot des clous et pointes. Sauf pour le clouage des très grosses pièces, pour lesquelles on utilise les «carvelles» et «fiches», (Fig. 72a et b) dont la longueur peut atteindre 24", la charpenterie utilise les clous «coupés» ou «forgés» (Fig. 73a), mais de moins en moins.

Fig. 72.—a) Carvelles; b) fiches; c) vis à bois.

Fig. 73.—a) Clous forgés et coupés; b) clous de broches; c) clous à finition et à planchers

Les clous les plus généralement employés sont les clous dits «de broche», ronds et à tête plate, dont la longueur et le diamètre varient pour ainsi dire à l'infini (Fig. 73b, c et 74). On peut en effet obtenir de ces clous dans les longueurs de 6, 5, 4, 3, 2, 1" et fractions.

On en fabrique pour la finition, pour les toitures et les planchers; il y a le clou à boîtes et à tuiles, (Fig. 74) les clous à tête plate, à tête perdue et même les pointes qui n'offrent aucune saillie au sommet (Fig. 73c) ; d'aucuns sont pourvus d'une tige en spirale pour faciliter l'adhérence aux fibres du bois. (Fig. 72c).

Fig. 74.— Clous à boîtes, à tuiles et à toitures.

Pour les vis, une variété presque aussi étendue s'offre à l'usager. Les vis ordinaires à tête plate ou ronde, mais pourvues d'une fente unique, (Fig. 75) sont les plus connues.

Fig. 75.— Diverses sortes de vis.

Mais le marché nous offre aujourd'hui, pour la finition des menuiseries d'intérieur et les meubles, des vis Phillips à fente en forme de croix et les vis à «fente» carrée. Leur principal avantage réside dans le fait que les pointes formées par les rebords de la fente, étant supprimées, ces vis ne peuvent endommager les vêtements des personnes qui s'appuient ou se frôlent contre les meubles.

Enfin mentionnons les gros boulons à bois qui servent à fixer les machines aux parquets ou, plus rarement, à relier entre elles diverses pièces (Fig. 76).

Fig. 76.— Boulons à bois.

RÉCAPITULATION

1 — A quoi sert la boîte à onglet ?

2 — A quels usages utilise-t-on: a) la galère; b) la varlope; c) le bouvet?

3 — Qu'est-ce qui distingue une mèche à trois points d'une mèche extensible ?

4 — Quelle est la meilleure façon d'affûter un fer de rabot ?

5 — Pour raboter les pièces de bois d'une certaine longueur, lequel, de la varlope ou du rabot, est le meilleur outil ?

 

 

 

 

 

 

 

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