Papier, tracé, plans et épures

Le machiniste doit être familier avec les éléments du dessin de machines et de tout ce qui s'y rattache. On ne trouvera donc pas ici un cours avancé comme celui que doivent suivre les ingénieurs, mais plutôt l'essentiel — et ce sera suffisant, croyons-nous, pour les besoins courants de tout atelier d'usinage d'importance moyenne.

Le machiniste est rarement appelé à manipuler les dessins originaux. Du reste, leur usage comporterait de sérieux inconvénients du fait qu'il n'en existe généralement qu'un exemplaire; celui-ci serait vite détérioré ou deviendrait illisible par suite des manipulations nombreuses qu'exigent les références continuelles dont il doit être l'objet.

Conséquemment, dans les ateliers d'usinage, on a recours à des copies de cet original tirées à plusieurs exemplaires. On trace d'abord le dessin à l'encre de Chine (India ink) sur une toile (cloth) ou du papier semi-translucide appelé parchemin ou papier plat (bond), parfois sur du papier à calquer (appelé aussi végétal) (tracing paper).

Ensuite, on tire des copies de cet original en l'exposant à une source intense de lumière après l'avoir mis en contact avec un papier sensibilisé (sensitized paper). Après avoir été exposé à la lumière, ce papier est chimiquement traité au moyen d'un révélateur qui en fait apparaître l'image.

Il existe plusieurs procédés permettant de «développer» les nombreuses marques de papier qui servent à reproduire les dessins de machines. Conséquemment, les copies du dessin peuvent faire voir des lignes blanches sur un fond bleu, des lignes blanches sur un fond brun, des lignes noires sur un fond blanc ou inversement, des lignes rouges sur un fond blanc ou des lignes blanches sur un fond rouge: tout dépend de la sorte de papier employée et du procédé dont on s'est servi pour le développer.

Dans la terminologie du métier, on désigne ces divers papiers et procédés sous les noms de bleu (blue-print), Ozalid, VanDyke ou photostat. Les formats du papier employé pour la préparation des bleus et des épures ne sont pas standardisés. Dans nombre de cas, le format du papier est choisi d'après les dimensions du dessin à faire.

Pour les épures représentant de petits objets, on se sert généralement du format 8½ x 11" des en-têtes de lettres.

Pour les dessins de certaines dimensions, toutefois, on utilise des feuilles dont le format est un multiple de 8½ x 11", comme le fait voir le tableau ci-dessous.

Largeur 11 11 17 17 22
Longueur 11 17 34 22 42 34
             
Largeur 25½ 34 34 34 42 42
Longueur 42 42 66 88 66 88

Ces formats permettent de plier les plans de manière qu'ils puissent être rangés dans des classeurs à lettres ordinaires;

seuls les formats de 42 x 66" et de 42 x 88" font exception à cette règle, mais on les utilise à cause de l'économie qui en résulte.

En plus des formats et des notes qu'ils comportent, les dessins et épures doivent être préparés conformément à certaines normes. On doit toujours y trouver: un titre, un numéro d'ordre, l'échelle à laquelle le dessin est exécuté, l'indication du matériau à employer, le fini que devra avoir l'objet une fois terminé, les modifications à apporter subséquemment ; s'il y a lieu le numéro du brevet qui protège l'objet en question, etc.

Ces renseignements sont insérés dans des cadres plus ou moins grands appelés cartouches. On trouvera en figure 1 la place attribuée à chacun de ces renseignements essentiels sur une feuille à dessin normale, devant servir à l'impression de copies multiples par l'un ou l'autre des procédés indiqués plus haut pour obtenir des bleus.


Fig. 1.— Disposition typique, sur une feuille de papier à dessin, des différentes "cartouches" qui servent à fournir les renseignements essentiels à la bonne exécution du travail à l'atelier.

Le dessin industriel et les copies qu'on en tire jouent un rôle d'une portée immense dans la civilisation moderne. Depuis les gratte-ciel jusqu'aux minuscules appareils de T.S.F. — en passant par les réfrigérateurs, les autos, les avions à réaction et les transatlantiques — tout se fabrique d'après des plans minutieusement conçus et clairement présentés. Les plans servent non seulement à la construction et à la fabrication — on s'y réfère encore pour le bon fonctionnement des machines, leur entretien, leur réparation, leur mise au point.

A seule fin de vous donner une idée du travail que comporte la création d'une machine ou d'un dispositif nouveau, voici un bref historique des embarcations connues sous le nom de barges d'invasion ou LCT qui ont permis aux Alliés de gagner la dernière guerre.

Après Dunkerque et avant même que le Japon ne déclare la guerre aux États-Unis, les états-majors avaient conçu l'idée de mettre au point une embarcation d'un type spécial pouvant servir aux débarquements de troupes.

Il s'agissait de produire un bâtiment à la fois léger, à faible tirant d'eau, mais rapide et facilement manœuvrable. Plusieurs architectes et ingénieurs habitués aux problèmes marins furent mis au travail sur ce projet d'importance majeure.

Des milliers d'esquisses (sketches) furent produites, examinées, révisées, refaites.

Plusieurs furent mises de côté en cours de route. Les meilleurs points de chaque dessin furent conservés, de sorte qu'après un délai relativement court, les ingénieurs et architectes navals purent dresser des plans préliminaires.

De ces plans préliminaires on tira des épreuves qui permirent de fabriquer quelques modèles d'expérimentation. Ces modèles furent alors soumis à toute une série d'épreuves effectuées dans les pires conditions qu'ils seraient appelés à subir en pleine bataille.

Ceci permit de mettre au point une foule de détails, de prévenir les accidents les plus fâcheux et d'éliminer bon nombre de causes possibles de pannes. Une fois que les modèles d'expérimentation eurent été ainsi «revus et corrigés», ils reçurent la sanction finale des autorités militaires et on procéda à la préparation des plans définitifs.

Ceux-ci furent judicieusement vérifiés. On en tira enfin de multiples bleus qui furent alors envoyés aux chantiers maritimes. La construction des LCT fut menée sur une vaste échelle et rapidement, de sorte qu'en peu de mois, la nouvelle arme prenait partout l'adversaire par surprise.

Ce bref historique permet de juger dans quelle mesure les plans peuvent servir à concevoir, mettre au point et fabriquer non seulement des machines de guerre, mais aussi des instruments de paix — dans quelle mesure aussi ils peuvent favoriser l'invention et la fabrication en série d'articles extrêmement complexes destinés à jouer un rôle spécifique dans la vie de l'homme moderne.

Les plans ne sont donc pas de simples chiffons de papier. Ils constituent un dossier précieux auquel on peut se référer autant comme autant pour obtenir des détails précis. Il convient d'en prendre grand soin. Quelques précautions élémentaires vous permettront d'obtenir un maximum de durée et d'utilité des plans dont vous devez vous servir:

• Tenez-les éloignés de la lumière du soleil qui en altère la couleur à la longue.

• Faites en sorte qu'ils ne viennent pas en contact avec l'eau ou la graisse.

• Abstenez-vous d'y inscrire des notes au crayon ou à l'encre à moins d'une autorisation spéciale à cette fin.

• Si vous devez y faire certaines inscriptions essentielles, utilisez un crayon à mine jaune — un crayon ordinaire, à mine noire, donne une écriture qui est très difficile à lire sur le fond bleu, gris ou brun des plans.

De plus, il est souvent imprudent de prendre les mesures directement sur un plan.

Le papier se rétrécit ou s'allonge parfois sous l'effet de l'hygrométrie atmosphérique. Il se peut par ailleurs que le dessin n'ait pas été fait strictement à l'échelle. Ne prenez pas de «chances». . .

Enfin, prenez grand soin des plans qu'on vous confie. Rangez-les à leur place de manière que vous puissiez rapidement y référer lorsque le besoin s'en présentera.

 

 

 

 

 

Recherche personnalisée

Accuil