La perspective orthographique
On utilise rarement les représentations en perspective (pictorial drawings) dans le dessin industriel si ce n'est pour compléter, à titre d'illustrations, les détails d'une projection orthographique qui ne pourraient être facilement compris autrement.
Le dessin en perspective d'un objet offre l'avantage d'exiger un effort moindre de l'imagination pour en saisir tous les détails — surtout lorsqu'il s'agit d'un objet compliqué — et, en certains cas, exige moins de temps qu'une projection orthographique.
C'est pourquoi les dessinateurs industriels et plusieurs machinistes trouvent avantageux de présenter leurs conceptions soit sous forme d'esquisses en perspectives, soit d'après l'une des méthodes de dessin en perspective reconnues et acceptées en dessin industriel.
Ces méthodes offrent toutefois le désavantage de ne pas toujours représenter les objets selon leur forme et leurs dimensions ou proportions exactes — et de ne pas montrer non plus leurs lignes invisibles. Certaines méthodes de dessin industriel en perspective déforment les objets. On se rendra compte de ces inconvénients en comparant les diverses méthodes, telles qu'appliquées à un même objet, et que fait voir notre fig. 80.
Fig. 80.— Comparaison des différentes perspectives utilisées en dessin
industriel.
La perspective normale
Un dessin en perspective conventionnelle, dite perspective linéaire, représente les objets sur une surface plane tels qu'ils apparaissent à l'œil. Un tel dessin constitue encore une meilleure représentation graphique que les formes généralement usitées dans le dessin industriel.
Fig. 81.— Objet rectangulaire dessiné d'après la perspective linéaire à
un seul point de fuite.
On appelle dessins en perspective linéaire Exacte ceux dont les lignes sont disposées de telle façon que la vue de face donne des lignes horizontales parallèles, tandis que toutes les autres lignes perpendiculaires à celles-ci et qui représentent les autres plans convergent vers un point quelconque de l'horizon appelé point de fuite (vanishing point). Pour cette raison, on l'appelle la perspective à un seul point de fuite (fig. 81).
Par ailleurs, la perspective angulaire ou à deux points de fuite (fig. 82) permet de dessiner un objet vu d'un certain angle.
Fig. 82.— Objet rectangulaire dessiné d'après la perspective angulaire à
deux points de fuite.
Les deux groupes de lignes horizontales, dans ce genre de dessin, se rejoignent à des points de fuite différents sur la ligne d'horizon.
Dessins isométriques
Si l'on incline un cube de manière à ce que, de face, il présente l'aspect que fait voir notre fig. 83, et où ses arêtes AB, AC et AD se trouvent raccourcies uniformément, on obtient une projection isométrique.
Fig. 83.- Projection isométrique, dite à deux échelles.
Par ailleurs, si l'on représente le même cube en donnant aux arêtes Que nous venons d'indiquer leur longueur exacte, au lieu de les raccourcir pour les fins de la perspective, on obtient un dessin isométrique (fig. 84). On appelle axes isométriques (fig. 85) les trois lignes représentant l'angle de façade du cube et qui forment des angles de 120° entre eux.
Fig. 84.— Dessin isométrique, dit à une seule échelle.
Fig. 85.— Axes isométriques.
Fig. 86.— a) Début d'un dessin par le tracé des axes
isométriques; b) Dessin exécuté en traçant des lignes parallèlement aux axes
isométriques.
Pour apprendre à tracer des dessins isométriques, il est préférable de débuter avec des objets simples, par exemple des blocs rectangulaires. Tracez d'abord trois lignes légères de longueurs indéfinies qui formeront vos axes isométriques (fig. 86).
Inscrivez sur ces lignes la longueur, la largeur et l'épaisseur du bloc. Complétez ensuite votre dessin isométrique en traçant, à partir des points ainsi marqués, des lignes parallèles à vos axes isométriques.
On ne donne jamais les lignes invisibles sur un dessin isométrique à moins qu'elles ne soient absolument essentielles à l'interprétation du dessin.
Fig. 87.— Objet devant compter des lignes non isométriques.
Les lignes qui ne sont parallèles à aucun des axes isométriques sont appelées non-isométriques; ces lignes n'indiquent pas les dimensions vraies. Pour dessiner selon la méthode isométrique un objet qui comporte des lignes non-isométriques, comme, par exemple, le biseau AC de la fig. 87, abaissez d'abord une perpendiculaire pointillée de C, sur la vue de face de l'objet, à F.
Fig. 88.— Axes isométriques servant à repérer la position des lignes non
isométriques.
Fig. 89.— Objet représenté en fig. 87 maintenant terminé par le tracé de
lignes parallèles aux axes préalablement dessinés.
Tracez vos axes isométriques AE et AB (fig. 88) de la même longueur que sur les vues de face et de dessus. Mesurez sur l'axe AB la distance AF équivalant à celle de la vue de face. De F élevez la verticale FC d'une longueur égale à FC sur la vue de face.
Reliez les points A et C par un trait qui vous donnera la ligne non-isométrique AC. Terminez le reste du dessin en traçant des parallèles qui vous donneront une perspective isométrique du bloc avec lignes non-isométriques (fig. 89).
Fig. 90.— Formes elliptiques que prennent les cercles dessinés selon la
méthode isométrique.
Dans un dessin isométrique, les angles ne se trouvent pas dessinés à leur valeur exacte et ne peuvent, de ce fait, être mesurés en degrés.
De même, les cercles doivent épouser la forme d'ellipses. La fig. 90 nous montre un cube sur chacune des faces duquel on a tracé un cercle isométrique. La première opération à faire pour décrire un cercle selon la formule isométrique consiste à tracer le carré isométrique ABCD que montre la fig. 91, dont chacun des côtés est égal au diamètre du cercle désiré.
Fig. 91.— Différentes étapes à suivre pour décrire un cercle selon la méthode
isométrique
Des perpendiculaires (en pointillé) sont élevées . En E, F, G et H, soit à partir du milieu des quatre côtés du carré isométrique. Ces perpendiculaires se coupent en J et K. Prenant alors A et C comme centres, et avec une ouverture du compas égale à AH ou CF, décrivez les arcs HG et FE respectivement. Prenant ensuite comme centres J et K, et avec une ouverture du compas égale à JH ou KF. Décrivez les arcs EH et GF respectivement, ce qui complétera le cercle isométrique. Cette méthode de construire une ellipse est connue sous le nom de méthode à quatre centres par approximation.
Les arcs isométriques sont tracés comme suit:
Fig. 92.— Comment trouver le rayon qui permet de tracer les arcs
isométriques.
Le vrai rayon est mesuré à partir de l'intersection des deux lignes formant le carré isométrique et des perpendiculaires sont abaissées des points ainsi repérés — l'intersection de ces perpendiculaires donne le centre de l'arc isométrique requis (fig. 92). Le rayon d'un arc isométrique est la longueur de la perpendiculaire jusqu'au point d'intersection.
Pour dessiner les courbes isométriques autres que des cercles on commence par repérer plusieurs points équidistants sur la projection orthographique (fig. 93).
Fig. 93.— Repérage des points équidistants sur la projection isométrique
d'une courbe
Ces points sont ensuite reportés sur le dessin isométrique (fig. 94), et la courbe est tracée en passant par chacun.
Fig. 94.— Report des points sur le dessin afin d'obtenir le tracé
isométrique de la courbe projetée en fig. 93.
Projection cavalière
Lorsqu'un objet se trouve placé de manière qu'une de ses faces soit parallèle au plan de projection, tandis que les deux autres sont exposées suivant une projection oblique, on obtient une perspective cavalière ou bâtarde.
Ce procédé de dessin industriel diffère des projections orthographiques et isométriques, dont les lignes de projection sont perpendiculaires au plan de projection.
La perspective cavalière (oblique drawing) s'effectue à 45° du plan de projection en général — mais n'importe quel angle inférieur à 90° peut servir.
Fig. 95a.— Principes de la projection cavalière ou bâtarde d'un objet
rectangulaire: vue de dessus et vue de face de l'objet à dessiner.
Dans un dessin exécuté selon la perspective cavalière, l'une des faces ou plans de l'objet se trouve dessiné sans déformation. C'est pourquoi il doit être placé de manière que ses contours irréguliers occupent la face ou le plan de projection. En général, c'est le côté le plus long de l'objet qui occupe ce plan.
Fig. 95b.— Projection cavalière effectuée à 45 ° repérage des axes et
achèvement du dessin.
Cette perspective est basée sur trois axes comme celle des dessins isométriques, sauf que l'un de ces axes est horizontal, l'autre vertical et le troisième soit à 45° soit à tout autre angle approprié (fig. 95). Le long de ces axes, on prend la longueur, la largeur et la hauteur de l'objet, puis on termine le dessin comme le montre le croquis du bas de notre fig. 95b.
Fig. 96.— Comment apparaissent les cercles d'un dessin tracé selon la
perspective cavalière.
Selon cette méthode, les cercles sont ronds sur le plan avant et correspondent à des ellipses approximatives sur les autres. Ces ellipses sont tracées en repérant, à l'aide de perpendiculaires, les points de rayon, et en procédant comme le montre notre fig. 96.
Projection d'ébéniste
Comme on a pu s'en rendre compte en examinant, par exemple, la fig. 94, un dessin en perspective cavalière déforme considérablement les objets, du fait que toutes les lignes s'y trouvent données en vraies grandeurs ou à une seule échelle.
Pour corriger quelque peu cette déformation, on a imaginé une perspective à deux échelles, la première pour la vue de face, qui reste à l'échelle des vraies grandeurs, la seconde pour les plans obliques ou lignes de fuite, dont les grandeurs sont réduites de moitié. Les fig. 83 et 84 montrent bien la comparaison de ces deux méthodes en relation avec un cube.
N'importe quel angle peut servir pour les axes obliques d'une perspective à deux échelles, bien qu'en général on préfère employer 45° et 30°.
Du fait que ce genre de projection est employée avec avantage dans l'industrie du meuble (cabinet making), les Américains l'ont baptisée du nom de "cabinet drawing", ce qui pourrait se rendre littéralement par projection d'ébéniste.