La Gélinotte huppée

Photo d'une Gélinotte huppée

Put-put-put-put-purrrrr! Avez-vous déjà entendu ce son dans le bois, au printemps? Semblable au vrombissement d'un canot automobile voguant au large, c'est le tambourinage d'appel du mâle de la Gélinotte huppée, à la saison de l'accouplement. Si l'on s'en approche doucement, on peut souvent le voir installé sur une grosse bille couverte de mousse, au bord d'une clairière. Si l'on frappe du poing sur le sol, il se mettra peut-être à tambouriner.

Les Indiens l'appelaient "l'oiseau charpentier" parce qu'il croyaient qu'il tambourinait en frappant ses ailes contre une bûche. En fait, le son provient de la friction de l'air et des ailes qui battent rapidement. Le mâle se livre à ce manège en se tenant debout sur une éminence, qui est habituellement un tronc d'arbre abattu. Pour autant que l'on sache, ce bruit sert à avertir les autres mâles de se tenir éloignés et attire les femelles lorsqu'elles sont prêtes à s'accoupler.

La Gélinotte huppée se rencontre dans presque toute l'étendue du Canada. C'est un oiseau qui n'émigre pas. Une fois établi à un endroit, il y passe toute sa vie, dans un territoire de quelques hectares. On peut facilement le reconnaître à sa taille, à son riche coloris et à son envol bruyant. Hôte attrayant de nos forêts et gibier à plumes des plus recherchés, il contribue pour beaucoup au charme de la vie agreste.

On appelle communément la Gélinotte "perdrix", ce qui entraîne quelque confusion avec la Perdrix grise (appelée également Perdrix européenne ou Perdrix de Hongrie), qui a été introduite au Canada. La Gélinotte n'est qu'une lointaine parente de cette vraie perdrix, qui fréquente les lieux découverts plutôt que les terrains boisés.

Traits distinctifs

Le nom scientifique de la Gélinotte huppée est Bonasa umbellus. Les deux termes de ce nom sont en latin. Bonasa signifie "bon lorsque rôti" (qui dirait le contraire?), et umbellus veut dire "ombrelle". Ce dernier terme rappelle le collier de plumes de couleur foncée que ces oiseaux ont au cou et qui sont particulièrement voyantes chez le mâle. Lorsqu'il fait la cour à la femelle, le mâle relève ces plumes autour et au-dessus de sa tête pour former une sorte de parapluie. En agitant sa tête et ses plumes, en déployant sa queue et en se pavanant, le mâle révèle sa présence à la femelle et en favorise l'approche.

La Gélinotte huppée mâle a à peu près la taille d'un petit poulet et pèse environ 500 g. La taille des femelles est plus petite. À la différence du poulet, l'oiseau a une queue large et plate, qu'il tient habituellement baissée, mais qu'il peut relever et déployer en éventail.

La couleur de son plumage tacheté et rayé varie du gris pâle à une riche teinte acajou, en passant par un roux sombre. Dans l'Est, la plupart des Gélinottes huppées sont de couleur grise, les autres étant rousses. Les formes grises se trouvent surtout dans le centre du continent, tandis que les Gélinottes de la côte ouest sont presque toutes rousses.

Les couleurs de la Gélinotte huppée dépendent de son habitat: les teintes foncées dans les forêts sombres ainsi que sur la côte, les gris dans les buissons plus clairsemés. Ce mimétisme l'aide à se protéger contre ses ennemis.

À distance, le mâle est difficile à différencier de la femelle. Il est cependant plus gros, sa collerette est plus imposante et sa queue plus longue; en outre, la large bande foncée de sa queue est habituellement continue. Au printemps, le comportement de chaque sexe peut être très différent.

Aire de répartition

Habitat et répartition géographique

La Gélinotte huppée est bien adaptée à la vie dans les forêts et les massifs de feuillus. La conformation de son bec, de ses pattes, de ses ailes et de son appareil digestif lui permet de se nourrir comme un animal broutant, c'est-à-dire en mangeant des bourgeons, des feuilles et des brindilles. La Gélinotte huppée s'agrippe aisément é de menues branches et à des brindilles flexibles. Comme cet oiseau excelle dans les vols brefs, rapides et sinueux, il peut planer et pivoter en plein air, ce qui lui facilite grandement la pénétration des brousailles denses. C'est tout de même essentiellement un oiseau sédentaire.

On trouve cet oiseau partout où il existe quelques massifs de feuillus, surtout de peupliers faux-tremble, de bouleaux, d'ostryers de Virginie et de saules, dont les chatons et les bourgeons constituent, en hiver, sa principale nourriture. Comme il existe des forêts feuillues dans tout le Canada, de l'est à l'ouest, et de l'Alaska jusqu'au nord de la Géorgie, on comprend que la Gélinotte huppée ait une aire de répartition particulièrement vaste.

Les arbres feuillus, qui fournissent nourriture et abri à la Gélinotte huppée, sont souvent des semis des premiers stades de la régénération forestière après une coupe ou un incendie. Il est probable que notre continent compte, a l'heure actuelle, un plus grand nombre de Gélinottes huppées qu'à l'époque antérieure à la découverte de l'Amérique, car bon nombre de nos forêts de conifères, coupées ou incendiées, ont fait place à des forêts de trembles et à d'autres arbres préférés des Gélinottes. Dans de nombreuses régions, cet accroissement du nombre de Gélinottes huppées s'est fait au détriment des populations de Tétras du Canada, un oiseau qui préfère les conifères.

Vie et moeurs

Le printemps est l'époque de la pariade. Le mâle établit son autorité auprès de ses congénères mâles par son tambourinage et les combats qu'il livre. Il demeure pendant toute sa vie dans le même territoire, dont il tient à l'écart tous les autres mâles, et il fait la cour aux femelles qui s'y trouvent. À proximité de leurs postes de séduction, les mâles trouvent toutes les autres nécessités de leur vie, notamment des aires de repos, un abri contre les intempéries et les animaux prédateurs, de la nourriture et des endroits où s'ébrouer dans la poussière.

Au printemps, la femelle doit trouver toute la nourriture dont elle a besoin pour produire des oeufs sains qui donneront des petits en santé. Dispersées dans toute l'étendue des forêts, les femelles vivent solitaires, comme les mâles, mais elles ne paradent pas; par ailleurs, elles de déplacent dans un territoire plus vaste. En fixant des émetteurs radiophoniques au dos de certaines femelles, des biologistes de la faune ont découvert que celles-ci empruntent des voies qui s'entrecroisent, de sorte qu'elles traversent les territoires de plusieurs mâles. Au temps de la pariade, la femelle est attirée par le tambourinage du mâle, qui s'accouple avec la première femelle qui se présente, ou vice-versa.

Après l'accouplement, la femelle choisit l'emplacement de son nid, à quelque distance du territoire de son compagnon et parfois même dans le territoire d'un autre mâle. Elle fait toujours son nid au sol, habituellement à la base d'un arbre, d'une souche ou d'un rocher, à proximité d'une clairière, dans une forêt qui lui assure un abri.

La confection du nid est très simple. Celui-ci ressemble à un bol peu profond installé au sol et fait de matériaux les plus divers, ainsi que de plumes provenant de la femelle. Cette dernière pond de 7 à 12 oeufs, sa période de couvaison étant de 23 à 24 jours. La plupart des oeufs éclosent dans les premiers jours de juin. Chaque femelle ne donne qu'une portée par année, sauf lorsque celle-ci est détruite dès le début de la période de couvaison.

Une fois découverts, les oeufs de ces oiseaux constituent une proie facile pour un certain nombre d'autres oiseaux et de mammifères, qui les dévorent ou s'en servent comme jouets. À l'approche d'un ennemi, la femelle couveuse reste immobile dans son nid presque jusqu'au tout dernier moment. Habituellement, elle va chercher sa nourriture à l'aube et à la tombée de la nuit, alors que ses oeufs mal dissimulés sont difficiles à découvrir. Un tel comportement et le camouflage de son plumage sont des moyens de protection des plus efficaces, si bien que très peu de nids sont détruits.

La femelle délaisse le nid avec ses petits, moins d'un jour après l'éclosion des oeufs. La famille parcourt parfois une longue distance avant de s'installer dans une aire assez petite qui puisse fournir à tous gîte et nourriture.

En vue de la protection des petits, (particulièrement avant qu'ils ne puissent voler), la mère a recours avec leur complicité à divers subterfuges. Par exemple, la femelle détourne l'attention de l'intrus en sifflant, gloussant et en traînant une aile comme si elle était brisée. Elle semble alors très faible et facile à attraper, mais si l'on essaie, elle s'envole en trombe. Pendant ce temps, les petits, complices de la manoeuvre, restent immobiles sur le couvert végétal. Pendant tout l'été, la taille et le poids des oisillons croissent rapidement, de même que leur plumage. Au début, ils consomment une grande quantité d'insectes, tout en mangeant constamment des plantes succulentes. À compter du mois d'août, ils bénéficient d'un régime alimentaire composé de diverses fleurs, de feuilles tendres, de baies et de quelques graines. Les petits de la Gélinotte aiment particulièrement le trèfle, plante qu'ils trouvent le long d'anciens chemins forestiers. C'est alors qu'un bon nombre d'entre eux sont dévorés par des éperviers, des buses ou des busards ou tués par des chasseurs.

Dès le mois de juin, les oiseaux adultes perdent progressivement leurs plumes, celles-ci étant toutes remplacées avec le temps; toutefois, il n'est pas rare de voir des Gélinottes qui, vers la fin du mois de juin, n'ont pas de queue du tout. Le duvet originel de l'oisillon fait place au plumage juvénal, à la fois ébouriffé et maigre, puis ce dernier est remplacé à son tour, vers l'âge de 16 à 17 semaines, par le plumage des oiseaux d'un an ou plumage juvénile. De façon générale, ce dernier plumage est semblable à celui des oiseaux adultes.

Il se peut que la mortalité en bas âge soit très élevée chez les petits de la Gélinotte. Une semaine ou deux après l'éclosion, parfois la moitié des femelles perdent tous leurs petits, tandis que les autres nichées peuvent être réduites de moitié. D'après des études, la mortalité en bas âge tiendrait en grande partie à la qualité des oeufs produits par la femelle. Par ailleurs, la qualité de ces oeufs est liée au régime alimentaire des femelles, en hiver et au début du printemps, alors qu'elles se font des réserves nutritives pour leurs futurs petits.

Parmi les autres causes de mortalité chez les jeunes Gélinottes, mentionnons les accidents, les animaux prédateurs comme le renard, l'Autour des palombes et le Grand-duc d'Amérique, ainsi que les maladies, notamment celle qui est transmise par le Dispharynx, un ascaride nuisible qui s'attaque à la Gélinotte par l'intermédiaire des cloportes qu'elle ingurgite. Il est très rare qu'une de ces maladies se rencontre chez l'être humain.

En automne, lorsque les petits de la Gélinotte ont presque atteint l'âge adulte, leur vie connaît une période d'activité assez marquée. Les mâles recommencent à tambouriner, et les petits se dispersent dans toute la forêt, à la recherche d'un endroit où vivre leur propre vie. D'autres oiseaux s'installent sur le territoire d'oiseaux qui viennent de mourir.

Quant aux oiseaux établis, ils sont en sécurité, car ils disposent d'un lieu qui leur assure la nourriture ainsi qu'un refuge contre les intempéries et les animaux prédateurs. Les Gélinottes non fixées, qui sont habituellement de jeunes oiseaux, sont obligées de s'établir dans des endroits où la nourriture et l'abri sont insuffisants, et leur taux de mortalité est donc plus élevé. L'hiver, les plantes à feuilles caduques sont à peu près toute dénudées, ce qui rend les oiseaux plus vulnérables aux prédateurs et les astreint à un régime alimentaire composé surtout de bourgeons et de brindilles.

La Gélinotte huppée est constituée pour résister aux rigueurs de l'hiver. Lorsque la neige est épaisse, molle et persistante, la Gélinotte en parcourt la surface grâce à ses "raquettes", sorte de prolongements latéraux des écailles de ses doigts. Elle s'enfouit aussi dans la neige, ce qui la protège du froid et des prédateurs.

Pour l'oiseau, un bon hiver, c'est précisément une abondance de neige molle et persistante. S'il y a insuffisance de neige ou une croûte dure, en plus de longues périodes de froid et de temps venteux, la Gélinotte ne trouve plus une protection suffisante; elle doit chercher refuge dans d'épais massifs de conifères. L'oiseau perd alors du poids. De nombreuses Gélinottes deviennent alors victimes des éperviers, buses, busards et autres prédateurs. D'autres peuvent périr d'inanition ou de froid.

Observation de la Gélinotte

Il est fascinant de suivre la Gélinotte aux nombreuses traces qu'elle laisse derrière elle. Et, d'après ces indices, on peut se représenter la nature de ses activités.

Sa fiente ressemble à celle des poulets et se présente sous la forme de petits bâtonnets cylindriques. Les billes-tambours où elle passe se reconnaissent facilement à l'abondance d'excréments qui les recouvrent. Des matières fécales et des plumes marquent le chemin qu'elle a suivi, les endroits où elle s'est arrêtée pour se reposer ou se cacher. Là où l'on trouve du sable et du bois en décomposition, on voit souvent des pistes et des dépressions indiquant qu'elle est passée par là ou qu'elle a pris un bain de poussière. De plus, en hiver, sa présence se révèle par les traces et les abris de repos creusés dans la neige ainsi que par les petits morceaux arrachés aux arbres.

Mesures de conservation

Dans certaines régions, les populations de Gélinottes huppées sont clairsemées, tandis qu'en d'autres, elles sont denses. Il semble que les populations denses et relativement stables de Gélinottes se trouvent généralement dans les forêts au sol riche. Cette situation peut s'expliquer du fait de la qualité supérieure de la nourriture et de l'abri que peuvent trouver les Gélinottes dans de telles étendues.

La lutte contre les prédateurs et les maladies ne nous offre pas grand espoir d'accroître le nombre de Gélinottes. L'activité des chasseurs a peu d'influence sur le nombre de ces oiseaux. En effet, le gros de cette activité est dirigé contre de jeunes oiseaux errant en bordure des routes et dans des clairières, et qui, de toute façon, sont destinés à périr. Les Gélinottes plus âgées qui, elles, sont établies, se trouvent plus loin dans la forêt, là où les chasseurs se rendent rarement.

Il est probable que le meilleur moyen de s'assurer que ces séduisants oiseaux demeureront abondants, c'est la collaboration entre les responsables de l'aménagement des forêts et ceux de la faune.

Ouvrages à consulter

  • Beaucher, S. 1992. La déesse des bois. Dans Forêt Conservation. Magazine de l'AFQ et des Clubs 4-H du Québec, Sillery (Québec). Pp. 100 et 101.
  • Duhamel, A. et Gaudreau, L. 1983. La gélinotte huppée, cette poule des bois. Dans Forêt Conservation. Magazine de l'AFQ et des Clubs 4-H du Québec. Sillery (Québec). 50(5):24–27.
  • Godfrey, W.E. 1989. Les oiseaux du Canada. Éd. rév. Éditions Broquet, en collab. avec le Musée national des sciences naturelles. La Prairie (Québec). Pp. 178 et 179.
  • Savage, C. 1985. Ces merveilleux oiseaux du Canada. Éditions La Presse. Montréal. Pp. 74–77.

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1988, 1994
N° de catalogue CW69-4/15-1994F
ISBN: 0-662-99453-1
Révisé par Dan Desecker, en 1994
Photo: Robert McCaw

 

 

 

 

 

 

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