Le Grand-duc d'Amérique
Le Grand-duc d'Amérique Bubo virginianus, de la famille des hiboux, est l'un des gros oiseaux de proie les plus répandus au Canada et, à ce titre, il est souvent présent dans les jardins zoologiques et les musées. Rares sont les habitants de nos régions rurales, les chasseurs ou les citadins en vacances qui n'ont jamais observé, au cours de leurs promenades dans les bois, ces magnifiques oiseaux, ou encore qui n'ont jamais entendu par un soir tranquille son ululement légendaire, une suite de doux et profonds hou-hou-hou-hou. L'aire de répartitionOn trouve le Grand-duc d'Amérique dans presque toutes les régions boisées et semi-boisées de l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, à l'exception des Antilles. Un proche parent, le Grand-duc d'Europe, réside en Europe, en Afrique du Nord et en Asie centrale. N'ayant pas comme d'autres espèces à entreprendre des migrations saisonnières qui les amènent de l'océan Arctique au détroit de Magellan, les Grands-ducs d'Amérique habitent probablement en permanence une petite zone de chasse d'environ 8 à 10 km² sur leur vaste territoire. Une telle faculté d'adaptation est peu commune en ornithologie. Les caractéristiques physiquesLe trait physique le plus remarquable du Grand-duc d'Amérique est sans aucun doute sa grande taille et ses larges aigrettes saillantes au-dessus des oreilles. Chasseur nocturne, le Grand-duc d'Amérique a de grands yeux ronds et jaunes, le bec et les serres crochus, ainsi qu'un plumage long et duveteux. Le coloris du Grand-duc d'Amérique tire principalement sur le brun ou brun-grisâtre strié de rayures voyantes. On trouve des sous-espèces au coloris très foncé en Colombie-Britannique et au Labrador, tandis que l'espèce qui réside dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le nord des provinces des Prairies, est extrêmement pâle. Comme c'est généralement le cas chez la buse et le hibou, la taille de la femelle est nettement supérieure à celle du mâle; elle pèse en moyenne 2kg et ses ailes atteignent environ 1,2m, tandis que le poids moyen du mâle varie entre 1 et 1,5kg. Seul le Harfang des neiges a une taille supérieure à celle du Grand-duc d'Amérique; le poids maximal de cet oiseaux, qui émigre au sud du Canada en hiver, peut atteindre près de 3kg. La nidification et les petitsLe Grand-duc d'Amérique fait peu d'efforts, voire aucun, pour se construire un nid ou encore pour réparer ceux qui existent déjà et qui deviendraient convenables. Il préfère généralement s'emparer du nid abandonné l'année précédente par quelque autre oiseau de proie, notamment celui d'une Buse à queue rousse ou encore celui d' une Corneille d'Amérique ou d'une pie. Il garde rarement le même nid plus d'une année, car les ébats des petits ont tôt fait de le transformer en un amas informe de brindilles. Il niche parfois dans le creux des arbres et, en terrain montagneux ou accidenté, surtout lorsque les arbres se font rares, il choisit les corniches des falaises et les promontoires. Sa répartition lors de la reproduction est habituellement d'un couple par 7,5 à 10km², mais on a déjà rapporté la présence d'un à trois couples d'oiseaux par 2,5km². En général, les nids occupés par les Grands-ducs d'Amérique sont disperses à intervalles réguliers dans des habitats choisis à cause du comportement fortement territorial de l'espèce tout au cours de l'année. Les couples semblent s'unir pour la vie; ils défendent aussi leur territoire contre les autres Grands-ducs d'Amérique et occupent essentiellement le même territoire pendant plusieurs années. La plupart se reproduisent pour la première fois à l'âge de deux ans, mais certains oiseaux d' un an seulement tentent parfois de nicher, tout particulièrement lorsque la nourriture est très abondante. Les bagueurs ont souvent eu à subir l'assaut des Grands-ducs d'Amérique bien déterminés à défendre leur nid. Bon nombre d'entre eux ont vu leurs vêtements déchirés ou ont souffert de profondes lacérations au cours d'attaques répétées. Le danger auquel s'exposent les biologistes qui travaillent auprès de ces oiseaux les oblige à se protéger en portant d'épaisses vestes et des casques protecteurs. L'espèce nidifie très tôt en saison, même dans les régions boréales, et ses oeufs sont pondus et couvés bien avant la fonte des neiges. Il s'écoule environ un mois entre la ponte et l'éclosion. Dans les régions centrales de l'Alberta (54° de latitude), les dates d'éclosion des oeufs se situent en moyenne entre la mi-avril et le début de mai. La nidification se fait très tôt lorsque les populations de lièvres d'Amérique atteignent un sommet, ce qui indique que la quantité de nourriture a une importance déterminante sur la nidification hâtive ou tardive, d'une année à l'autre. Le nombre d'oeufs par nid varie de un à cinq, et la couvée (ou nichée) moyenne diffère selon les régions et les années. Les variations annuelles semblent avant tout liées à la quantité de nourriture disponible. Lorsque la région foisonne de campagnols des champs et de lièvres d'Amérique et que le Grand-duc d'Amérique y trouve de la nourriture en abondance, la couvée s'accroît. Vers l'âge de huit semaines, les jeunes ducs ont à peu près tout leur plumage et peuvent voler sur de courtes distances. Toutefois, ils dépendent largement de leurs parents pour se nourrir pendant la plus grande partie de l'été et ne semblent pas s'éloigner avant l'automne du territoire où ils sont nés. La période qui précède leur départ du nid est sans aucun doute un moment critique pour tous les jeunes oiseaux de proie, car c'est alors qu'ils doivent apprendre à chasser de façon à pouvoir assurer leur propre subsistance. En général, les petits s'éloignent peu de l'endroit où ils sont nés; en effet, plus de 90% des oisillons qui ont été bagués et retracés par la suite ne s'étaient pas éloignés de plus de 80 km. Le régime alimentaireEn raison de sa grosseur et de sa force, le Grand-duc d'Amérique peut s'attaquer à une grande variété de proies dont la taille va de celle des musaraignes et des oiseaux chanteurs à celle des mouffettes et des oies. Cependant, règle générale, il se nourrit principalement d'oiseaux et de mammifères de taille moyenne, du moins aux États-Unis et au Canada où l'on connaît assez bien ses habitudes alimentaires. Dans nombre de régions, les lapins et les lièvres constituent un élément important de son alimentation, avec les gélinottes et les canards. Pendant les périodes où les souris et les campagnols sont abondants, comme c'est le cas tous les trois ou quatre ans, une grande quantité de ces animaux tombent sous ses griffes. Le Grand-duc d'Amérique chasse surtout du crépuscule jusqu'à l'aube et sa vision nocturne de même que son ouïe sont très aiguisées. Comme c'est le cas pour les autres hiboux, son plumage duveteux lui permet d'approcher sa proie sans faire de bruit. Ce chasseur silencieux est rapide, et ses serres longues et effilées sont ses armes les plus efficaces. Les petites proies sont avalées d'une bouchée tandis que les plus grosses sont d'abord déchiquetées. La fourrure, les plumes, les dents et les os qu'il ne peut digérer sont ramassés dans son estomac et régurgités par la suite sous forme de "boulettes". Il peut en cracher plus d'une chaque jour, selon la quantité et le type de nourriture ingurgitée. C'est par l'identification des proies qui composent ces boulettes que les scientifiques obtiennent des renseignements sur les habitudes alimentaires des hiboux. Les limites à la croissance de la populationLes Grands-ducs d'Amérique sont de redoutables prédateurs et ils ont très peu d'ennemis naturels, quoique certains soient tués ou gravement blessés lorsqu'ils s'attaquent à de grosses proies. Ainsi, il est fréquent de voir des ducs le corps criblé de piquants de porc-épic ou qui empestent l'odeur de mouffette. On rapporte également que certains se sont attaqués à des serpents, en ressortant vaincus. Il arrive souvent que les Corneilles d'Amérique et les pies harcèlent ou " encerclent " le Grand-duc d'Amérique qui somnole le jour, mais ceci n'a jamais de conséquence grave. Les oisillons sont quelquefois capturés par les Buses à queue rousse et par d'autres prédateurs. Les petits tombent souvent de leur nid; d'autres encore sont tués et dévorés par les gros oisillons. Il arrive également que la mort soit provoquée par un hiver rigoureux et par la famine. Près de 50% des petits qui quittent le nid meurent au cours de leur première année pour diverses raisons. On a décelé chez les Grands-ducs d'Amérique diverses maladies infectieuses ainsi que des parasites, mais personne ne sait vraiment combien en meurent. Les activités humaines peuvent causer la mort des grands-ducs adultes; en effet, certains sont victimes d'un fermier en colère, d'un chasseur étourdi, de fils électriques ou d'un véhicule. Mais heureusement, il existe dans chaque province des lois qui protègent les Grands-ducs d'Amérique contre le harcèlement. Ceux qui meurent de causes naturelles atteignent un âge assez avancé. Les perspectives d'avenirLe Grand-duc d'Amérique occupe un territoire tellement vaste et résiste d'une façon si remarquable aux changements considérables que l'homme apporte à son habitat que son avenir ne semble pas menacé. En outre, sa faculté de consommer une grande variété de proies et d'opérer surtout la nuit a procuré des avantages incontestables à l'espèce. Cependant, tout comme les autres animaux sauvages, il est continuellement menacé par de nouveaux pesticides, par les nouvelles utilisations des terres ou par des agents polluants qui peuvent produire des changements inattendus dans l'environnement et finalement provoquer une baisse de la population. Il serait dommage que cela se produise, car cet oiseau est une belle espèce, intéressante, qui tient une place importante dans l'écosystème naturel. On ne peut donc jamais se montrer trop optimiste quant à la survie apparemment assurée de toute espèce animale, y compris ce redoutable prédateur. Ouvrages à consulter
Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement |