Le Merle d'Amérique

photo d'un Merle d'Amérique

Le Merle d'Amérique (Turdus migratorius), un des oiseaux les mieux connus en Amérique du Nord, a reçu des premiers colons le nom de rouge-gorge car, bien que de dimensions beaucoup plus imposantes (environ 25cm), il ressemble par sa coloration au rouge-gorge de l'ancien monde. On reconnaît surtout le mâle par sa poitrine qui va du brun orangé au rouge brique; la tête est noire, le tour des yeux blanc, le bec jaune, la gorge striée de noir et de blanc, le dos gris. La femelle est toutefois plus pâle et plus terne.

A leur sortie de l'oeuf, les petits ont une peau rouge et presque entièrement dénudée, qui se couvre, peu après la naissance, d'un duvet gris souris. Plus tard, avec la poussée des plumes, ils ressemblent à leur mère, sauf qu'ils ont des taches noires sur la poitrine et des rayures pâles sur tout le corps. Du début d'août à la mi-octobre, les plumes des petits, à part celles des ailes et de la queue, subissent une première mue et sont entièrement remplacées. Le premier plumage hivernal est semblable à celui des adultes, mais plus terne et plus brun sur les parties supérieures. A l'arrivée du printemps, les couleurs s'avivent: la poitrine devient plus rouge, la tête plus noire, les rayures blanches et noires de la gorge sont plus distinctes. Ceci n'est pas dû à la mue, mais à l'usure des bords ternes des plumes. Après s'être accouplés, ces jeunes subissent leur première mue postreproduction, entre la fin de juillet et le début d'octobre et, à partir de ce moment, on ne peut plus les différencier de leurs aînés.

Aire de répartition

Les Merles d'Amérique se reproduisent, au nord, jusqu'en Alaska, à travers tout le Canada et, au sud, ils vont jusque sur la côte américaine du golfe du Mexique et dans la partie méridionale du Mexique. Les populations septentrionales sont migratrices et l'hiver, on les retrouve surtout le long de la côte du Pacifique, à partir du sud-ouest de la Colombie-Britannique et jusqu'au centre des États-Unis; à l'est, on les retrouve jusqu'à Terre-Neuve, au nord, et, au sud, jusqu'au Mexique, au sud du Texas et à la pointe de la Floride. Les oiseaux d'origine méridionale, établis dans l'Est américain et au Mexique, ne sont pas migrateurs. Parfois, s'il y a abondance de baies, certains merles plus hardis passent l'hiver au Québec, en Ontario et dans les prairies.

Environnement

Le Merle d'Amérique fut, au départ, un habitant de la forêt, mais il s'est répandu dans les secteurs d'habitation où on le voit régulièrement picorer sur les pelouses et nicher dans les jardins privés et les parcs publics. Il préfère les terrains à demi découverts, mais il fréquente encore souvent des bois assez touffus. Il va aussi dans des forêts de montagne et les prairies situées au-delà de la limite de végétation des arbres. Il a envahi les prairies à mesure que les arbres y ont été plantés, si bien que, mis à part les terrains typiquement marécageux, il n'y a guère d'habitats où il ne niche. Il préfère cependant passer l'hiver dans des secteurs à découvert, mais ne dédaigne pas non plus les bois de pins et les orangeraies.

Nourriture et habitudes alimentaires

Nous avons presque tous aperçu des merles se nourrissant de vers sur nos pelouses; ceux-ci toutefois ne constituent qu'une petite partie de leur régime alimentaire qui est aussi fait d'une grande variété de denrées tendres. En effet, bien que les insectes – coléoptères, vers et chenilles – forment environ 40% de leur régime, les merles sont surtout frugivores et se délectent des fruits du cerisier à grappes, de l'épine-vinette et du sorbier. Ils sont également friands de cerises de France, de cerises acides, de raisins de vigne et de tomates. Ils complètent leur alimentation de petits reptiles; ils vont à marée basse nettoyer la plage de ses mollusques et s'aventurent même dans l'eau jusqu'à la poitrine pour pêcher des alevins. Les merles trouvent surtout leur nourriture sur le sol, au cours de leur chasse aux insectes, ou se perchent dans les arbres pour cueillir des fruits, mais ils peuvent aussi attraper des insectes au vol.

Les jeunes au nid reçoivent principalement des vers de terre et des vers gris comme nourriture. Chaque oiseau consomme environ 1,4kg d'aliments en deux semaines.

Comportement et reproduction

Les merles effectuent leurs migrations de jour; dès la fin de février, ils entreprennent leur voyage vers le nord et ce n'est qu'au début de mars qu'ils commencent à arriver en nombre au Canada. L'adoucissement de la température au printemps est un facteur important dans leur déplacement car ils comptent sur le dégel du sol pour trouver des vers et, en fait, ils ne remontent graduellement vers le nord qu'au moment où la température moyenne quotidienne atteint 3°C.

Habituellement, ce sont des volées comptant jusqu'à douze mâles qui arrivent en premier à la fonte des neiges; les femelles arrivent parfois le même jour mais, d'ordinaire, elles suivent leurs compagnons une semaine plus tard et même davantage. Les arrivées printanières commencent au début de mars dans les parties méridionales du pays, et se prolongent jusqu'au milieu de mai, dans les dans les régions du nord.

Les mâles choisissent souvent leur territoire avant l'arrivée des femelles, certains prétendent qu'ils annoncent leur arrivée par leurs chants joyeux, mais les spécialistes n'en sont pas sûrs. Les oiseaux reviennent à peu près dans la même région chaque année; toutefois, les jeunes peuvent s'en éloigner d'environ 1,5km.

L'étendue du territoire varie de 200 à 1300 m². La densité de la population est à son plus haut point dans les zones semirurales où pousse une épaisse végétation. Au début de la période de nidification, les mâles se battent souvent pour l'occupation territoriale. Parfois, les femelles sont de la partie, mais c'est plus particulièrement le nid qu'elles défendent. A l'occasion, les merles changent de partenaires et peuvent en avoir plus d'un au cours d'une même saison d'accouplement.

Les manifestations amoureuses du merle, qui ont habituellement lieu au sol, sont difficiles à définir. De nombreux combats se produisent au cours de cette période. Les oiseaux se donnent la becquée et font entendre trois types de chant: le chant joyeux, celui des droits territoriaux et celui de l'accouplement.

Le merle mâle chante du haut d'un perchoir, généralement le matin et le plus souvent au cours de la période qui précède l'accouplement. Il chante aussi lorsque les petits sont au nid, de même que le soir, mais son chant joyeux (ti-lût, ti-lulût) diminue en général après la formation du couple. Le chant territorial est semblable au premier mais plus doux, et il l'exécute à la manière d'un ventriloque. Le chant de l'accouplement est également semblable et s'accompagne d'une parade du mâle qui étale sa queue et la dresse au-dessus de sa tête. Les merles émettent une grande variété de notes, du cri d'alarme tchip bien connu et du touc-touc inquiet au pépiement grondeur accompagné de coups de queue. En groupe, ils font entendre un long ha-ha-he-hi-hi-ha-ha et en vol, particulièrement au cours des migrations, ils lancent une note brève qui ressemble à tsoup. Les mâles cessent de chanter en juillet et, mis à part durant une courte période en septembre lorqu'ils se font duper par les journées plus courtes qu'ils confondent avec la saison des amours, ils ne chantent plus jusqu'au printemps. Ils poussent cependant leurs autres cris tout au cours de l'année. Les femelles ne chantent pas, mais lancent des cris d'alarme durant la saison de la reproduction.

La saison de la reproduction commence au début d'avril et peut se prolonger jusqu'en septembre. L'un ou l'autre des oiseaux ou les deux peuvent choisir l'emplacement du nid. Quoique les merles préfèrent nicher dans les épinettes ou dans les érables, ils s'adaptent volontiers à tout type de végétation ou de constructions. Ils peuvent même nicher à même le sol. Ils se servent souvent de nids de l'année précédente, qui ont été utilisés soit par eux-mêmes soit par d'autres espèces telles la Moucherolle phébi, le Moqueur chat, le Quiscale bronzé et l'Oriole de Baltimore. Ils construisent parfois leur nid sur un vieux nid, qui est parfois lui-même construit sur un autre nid, et pondent leurs oeufs dans le plus récent sur le dessus.

La femelle façonne le nid en coupe, à l'aide de boue mêlée d'herbe ou de petites brindilles et aussi, très souvent, de ficelle, de corde, de chiffon, et petit morceau de papier. Elle dépose la boue en place avec ses pattes et son bec, la façonne avec son corps et la recouvre d'herbe fine à l'intérieur. Elle consacre de deux à six jours à la construction de son nid effectuant en moyenne 180 transports de boue et d'herbe par jour, au cours de la période de pointe. Si la température est mauvaise, elle peut le délaisser pendant jusqu'à 20 jours consécutifs. Le nid mesure entre 75 et 165mm à l'extérieur et entre 65 et 100mm à l'intérieur; il pèse environ 240g et se trouve habituellement placé à quelques 3m du sol, bien que cette hauteur varie beaucoup.

Dans le sud du Canada, la première ponte a lieu à la fin d'avril ou au début de mai. Il n'est pas rare que la première ponte soit suivie d'une deuxième et même quand les conditions sont favorables, d'une troisième. les nids peuvent encore contenir des oeufs au début d'août. Habituellement, la couvée comprend trois ou quatre oeufs, parfois deux ou cinq et rarement six. Une couvée de sept ou huit oeufs est exceptionnelle et provient vraisemblablement de deux femelles.

Les oeufs sont généralement bleus, mais il arrive que certains soient blancs et occasionnellement tachetés de brun. D'habitude, l'incubation dure 12 jours, bien que dans certains cas elle puisse prendre de 11 à 14 jours. La femelle commence d'ordinaire à couver après la ponte du dernier oeuf. Souvent le mâle monte la garde, lorsqu'il n'est pas dans l'aire d'alimentation, et il couve lui-même les oeufs à l'occasion.

Les petits restent au nid pendant 13 à 16 jours, ainsi 40 jours après la ponte des premiers oeufs, une seconde couvée peut avoir lieu. Les petits reçoivent en moyenne 100 repas par jour, en grande partie au cours de la matinée. L'alimentation peut cependant se poursuivre toute la journée et longtemps après le coucher du soleil. Les parents gardent le nid propre en mangeant les matières fécales ou en les transportant à l'extérieur.

A leur première sortie du nid, les oisillons ne s'en éloignent guère de plus de 45m. Ils peuvent demeurer dans le territoire de leurs parents durant encore trois semaines et se font parfois nourrir par le mâle pendant que sa compagne s'occupe de la couvée suivante.

Lorsque les territoires sont rapprochés, il peut y avoir, dans le voisinage, partage d'une aire d'alimentation et de repos. Il arrive aussi que les oiseaux aient à parcourir jusqu'à 400m pour se nourrir. Les jeunes se dispersent du milieu de mai à la fin de septembre. Les premières couvées suivent leurs parents dans les aires d'alimentation et se joignent aussi au groupe au repos. Les oiseaux utilisent trois types d'endroits pour se loger. Les aires d'habitation du printemps servent de la fin d'avril à la mi-juillet. Ce sont des retraites surtout pour les mâles, où l'on chante en choeur sans défendre de territoire. Les femelles peuvent s'y rendre, avant et après la saison de nidification. Les aires d'habitation d'automne sont occupés jusqu'à la chute des feuilles par les oiseaux migrateurs. Les quartiers d'hiver peuvent s'étendre sur 2.6 km². Ces endroits sont bruyants, remplis de milliers d'oiseaux, souvent en plein concert. L'aire d'alimentation peut s'étendre à 20km autour des quartiers d'hiver.

Les départs d'automne commencent début de septembre, mais le mouvement principal se fait en octobre et dans le sud du pays, c'est en novembre qu'a lieu la période de pointe. On peut parfois apercevoir des oiseaux en migration dans le sud du pays aussi tard que la deuxième semaine de décembre. Les oiseaux voyagent habituellement en petits groupes, mais parfois aussi en volées de plusieurs centaines de membres et souvent avec des Geais bleus. En hiver, les merles partagent les bords des immenses aires de repos des Carouges à épaulettes avec les Quiscales bronzés et les Étourneaux sansonnets, et ils se nourrissent avec les Jaseur d'Amérique.

Ennemis

Les merles ont de nombreux ennemis dont le principal, dans les secteurs résidentiels, est le chat domestique. Les humains représentaient autrefois une menace lorsque, à l'automne, ils chassaient les merles pour se nourrir. Il arrive encore que les cultivateurs les abattent dans leurs vergers et leurs champs de tomates ou de myrtilles, pour protéger leurs récoltes, mais ils doivent, pour ce faire, obtenir un permis spécial du gouvernement fédéral, car les merles font l'objet d'une protection en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Dans les quartiers d'hiver, ce sont les lynx, les Grands Ducs et les Chouettes rayées qui sont responsables d'un certain nombre de pertes de vie. Les ratons laveurs, les écureuils roux, les écureuils gris, les suisses et tamias, les buses et les éperviers (particulièrement les Éperviers bruns), les corneilles, les geais, les quiscales et les serpents, qui s'attaquent pour la plupart aux oeufs et aux jeunes, comptent aussi parmi leurs ennemis.

Les merles peuvent être chassés de leur abri par le Moineau domestique, qui construit une couverture au-dessus de leur nid, et par la Tourterelle triste. Les pies-grièches attaquent parfois les merles, mais on ignore si elles réussissent à les tuer. Les merles ne peuvent tolérer que les vachers viennent pondre leurs oeufs dans leur nid; par conséquent, cette situation ne se produit que très rarement. Les parasites externes sont, entre autres, les poux, les mouches, les tiques et les mites.

Problèmes de conservation

Lorsqu'ils se trouvent dans leurs quartiers d'hiver, les merles causent beaucoup de dommage aux récoltes de cerises et de raisins, ainsi qu'aux vergers d'oliviers et aux champs de tomates. Un biologiste du Service canadien de la faune a étudié certaines méthodes permettant d'éloigner les oiseaux des récoltes de fruits en les effrayant, mais aucun moyen efficace et économique n'a été découvert. Certains dispositifs acoustiques (Av-Alarm, par exemple), l'abattage des oiseaux et la protection des vignes au moyen de filets donnent de bons résultats, mais coûtent beaucoup plus cher que les récoltes menacées. Les merles contribuent aussi à répandre les graines d'herbe à la puce.

Par contre, ils jouent un rôle important dans la lutte contre les insectes, en mangeant, par exemple, au cours d'infestations, de grandes quantités de charançons postiches de la luzerne et en nourrissant leurs petits presque exclusivement de cet insecte.

Malgré certaines caractéristiques préjudiciables, le merle est toujours l'oiseau le plus aimé en Amérique du Nord. Il annonce l'arrivée du printemps dans la plupart des régions du Canada.

Ouvrages à consulter

  • David, Normand et Michel Gosselin. 1994. Observer les oiseaux au Québec. Collection Faire, Québec Science Éditeur, Sillery (Québec), 214 p.
  • Gauthier, Jean et Yves Aubry (sous la dir. de). 1995. Les oiseaux nicheurs du Québec : atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional. Association québécoise des groupes d'ornithologues, Société québécoise de la protection des oiseaux et Service canadien de la faune, Environnement Canada, région du Québec, Montréal, p. 800 – 803.
  • Godfrey, W. Earl. 1986. Les oiseaux du Canada. Édition révisée. Éditions Marcel Broquet en coll. avec le Musée national des sciences naturelles, LaPrairie (Québec), 650 p.
  • Robbins, Chandler S., Bertel Bruun et Herbert S. Zim. 1980. Guide des oiseaux d'Amérique du Nord: guide d'identification sur le terrain. Édition Marcel Broquet, LaPrairie (Québec), 351 p.
  • Sélection Reader's Digest. 1992. Guide illustré des oiseaux d'Amérique du Nord. Sélection du Reader's Digest, Montréal, 576 p.


Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1973, 1996
N° de catalogue CW 69-4/35-1996F
ISBN: 0-662-80821-5
Texte : R. Charles Long
Révisé par Barb Desrochers, en 1988
Photo : Robert McCaw

 

 

 

 

 

 

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