La moufette rayée

photo d'une moufette rayée
Photo: Ed Cesar

La moufette rayée Mephitis mephitis est l'un des petits mammifères les plus utiles parmi ceux qui habitent les régions où alternent prairies et fermes, ou qui évoluent dans les forêts du Canada. À la différence de beaucoup d'autres animaux, elle s'est bien adaptée à la présence de l'être humain, et son aire de répartition, bien plus étendue qu'à l'origine, va maintenant du Mexique central aux Territoires du Nord-Ouest, et des Maritimes au centre-ouest de la Colombie-Britannique.

La moufette a une prédilection pour les zones découvertes des régions où forêts et prairies voisinent et craint peu l'être humain; elle a donc profité des nouveaux habitats que lui offrait le défrichement des forêts, rendu nécessaire par les besoins de la colonisation et de l'agriculture.

Il existe en Amérique du Nord trois groupes de moufettes représentés par huit espèces, dont deux seulement vivent au Canada. Les moufettes à nez de cochon Conepatus sont cantonnées au sud-ouest des États-Unis, au Mexique et en Amérique du Sud, tandis que la moufette à capuchon Mephitis macroura se trouve dans le sud-ouest des États-Unis et au Mexique. Parmi les quatre espèces de moufettes tachetées Spilogale, la moufette tachetée orientale Spilogale putorius atteint presque la frontière canadienne entre le Minnesota et le Manitoba; toutefois, seule la moufette tachetée occidentale Spilogale gracilis se rencontre au Canada. On a parfois vu quelques spécimens de cette espèce dans le sud de la Colombie-Britannique, mais pas à plus de 120 km au nord de Vancouver. C'est la moufette rayée qui est l'espèce la mieux connue de la plupart des Canadiens.

Morphologie

La moufette rayée a à peu près la taille d'un chat, mais est assez corpulente, avec une tête plutôt petite, des pattes courtes et une queue fournie. Elle peut aisément plonger sa petite tête dans des bocaux et des pots alléchants pour ensuite rester parfois prise au piège.

Son épaisse fourrure noire et lustrée porte une garniture blanche : un mince pinceau blanc divise le front de l'animal. Une large rayure blanche commence au-dessus de la tête, se divisant au niveau des épaules et rejoignant, de chaque côté du dos, la base de la queue. Le plus souvent noire, celle-ci peut porter des raies se terminant généralement par une touffe blanche à l'extrémité.

La moufette a de longues griffes droites qui lui servent à déterrer les souris de leur trou, à déchiqueter de vieilles bûches à la recherche de vers et de larves, et à creuser le sable où sont cachés les oeufs de tortue. Elle se déplace posément, sans hâte, ne cherchant son salut ni dans la fuite ni dans la dissimulation : elle compte, pour se défendre, sur ses glandes sécrétrices.

Pistes

La moufette appartient à la famille des mustélidés, dont tous les membres possèdent des glandes sécrétrices développées qui dégagent une odeur musquée. Toutefois, cette caractéristique est particulièrement marquée chez la moufette, qui peut éjecter un liquide nauséabond pour se défendre, d'où son surnom familier de " bête puante ". En fait, son nom scientifique, le mot latin mephitis, signifie " nauséabond ".

L'odeur de la moufette provient d'un liquide épais, jaune et huileux, ou musc, sécrété par deux glandes situées de chaque côté de l'anus à la base de la queue. Ces glandes sont à peu près aussi grosses qu'un raisin et contiennent environ une cuillerée à soupe de musc, quantité suffisante pour cinq ou six projections. Les deux mamelons reliés à ces glandes sont dissimulés lorsque la queue est abaissée, et découverts lorsqu'elle se lève. Le musc est fabriqué assez lentement, au rythme d'environ un tiers d'once par semaine, et n'est lancé qu'en désespoir de cause, après des avertissements répétés.

La moufette n'est pas belliqueuse et préférera toujours battre en retraite devant l'être humain ou un autre ennemi de taille. Lorsqu'elle est irritée, elle se met à gronder ou à siffler et à taper rapidement de ses pattes de devant; elle peut même marcher quelques instants sur ses pattes de devant, la queue dressée dans les airs.

La moufette rayée ne peut lancer son liquide dans cette posture. Pour utiliser cette arme, elle fait généralement le gros dos et arque son corps en forme de U de façon à présenter à la fois la tête et la queue à l'ennemi.

Plusieurs personnes familiarisées avec les habitudes de la moufette rayée ont été déconcertées en rencontrant pour la première fois une moufette tachetée, qui, face à l'agresseur, se dresse sur ses pattes antérieures en arquant son dos et sa queue vers l'avant.

La moufette projette le liquide sécrété par ses glandes en un jet finement vaporisé, qui peut porter jusqu'à 6 m et être dirigé avec beaucoup de précision jusqu'à une distance de 3 m.

L'odeur est si forte que le vent peut la charrier jusqu'à près de 1 000 m. À courte distance, le jet de la moufette cause de graves brûlures aux yeux et mêmes des nausées; toutefois, ces symptomes disparaissent rapidement une fois que l'odeur n'imprègne plus les fosses nasales.

Différents remèdes ont la réputation de supprimer l'odeur que dégagent des vêtements ou des chiens aspergés par une moufette, mais certains sont parfois presque aussi pires que le mal. Du vinaigre, seul ou mélangé à un détersif, constitue un traitement simple et très efficace. Les vétérinaires, qui ont à traiter de nombreux chiens atteints par des moufettes, recommandent un bain au jus de tomates.

Les moufettes semblent être sensibles à la pestilence de leur propre odeur et se gardent bien de s'arroser elles-mêmes. Aussi s'efforcent-elles de ne pas en imprégner un espace clos; leur terrier et ses environs sentent peu ou pas la moufette.

Elles peuvent être portées dans un sac de grosse toile ou dans un piège recouvert, tant qu'elles ne sont pas secouées ou effrayées.

Habitudes

Les moufettes occupent généralement des terriers abandonnés par des marmottes, des renards ou d'autres mammifères de leur taille ou plus gros et creusent rarement leur propre terrier. Elles utilisent également des souches, des tas de pierres ou des monceaux de détritus; elles pourront même élire domicile sous une maison, sous une véranda ou dans une cave. Cette dernière habitude est particulièrement courante dans les régions agricoles. Les moufettes qui gîtent sous un bâtiment ne doivent jamais être abattues à cet endroit. Elles doivent être piégées à l'extérieur. Ne cherchez jamais à les abattre sous un bâtiment. Pour se débarrasser des individus indésirables ou nuisibles sans leur faire de mal, on peut utiliser des pièges humanitaires du type " boîte ou cage piège ". Ces pièges permettent de manier aisément l'animal et de le transporter à un endroit où l'on pourra le relâcher. Une fois que la moufette est capturée, on peut envelopper le piège de plusieurs sacs de toile pour transporter l'animal et le libérer à quelques kilomètres de distance. Pour savoir comment obtenir ces pièges, on peut communiquer avec la Société protectrice des animaux.

Lorsque la moufette creuse elle-même son terrier, il est généralement rudimentaire, mais lorsqu'elle hérite de celui d'un autre animal, il peut être très perfectionné. Il peut y avoir de une à cinq ouvertures bien dissimulées qui conduisent à tout un système de tunnels et de chambres. L'une de celles-ci, garnie de feuilles, sert de nid. Les feuilles peuvent également être utilisées pour obturer les ouvertures du terrier par temps froid. Pour rassembler ces feuilles, la bête les place sous son corps et les tient entre ses pattes, se traînant jusqu'à son terrier.

La moufette peut quitter son terrier en quête de nourriture à n'importe quelle heure de la journée, mais elle s'absente généralement la nuit, à partir de la fin de l'après-midi. Elle s'approvisionne dans un rayon d'environ 800 m, et peut s'aventurer jusqu'à 2 km en une nuit. Les mâles sont encore plus actifs durant le rut; ils peuvent alors parcourir 8 km en une seule nuit.

La moufette est indéniablement omnivore. Elle mange insectes, souris, musaraignes, spermophiles, lapereaux, oeufs d'oiseaux et diverses plantes. L'automne et l'hiver, son alimentation est, en proportions à peu près égales, carnée et végétarienne; l'été, elle se compose surtout d'insectes. Les moufettes sont particulièrement friandes de sauterelles, de grillons et de larves d'insectes, telles que les larves de vers blancs, de légionnaires et de vers gris. Elles mangent même des guêpes et des abeilles, qu'elles tuent avec leurs pattes de devant. Bien qu'elles importunent les fermiers par leurs intrusions dans les poulaillers et les ruches, on estime que près de 70 % de leur régime est constitué d'organismes nuisibles aux humains et que seulement 5 % de leur nourriture est prélevée sur des denrées utiles à ceux-ci.

Munie dès l'automne d'une épaisse couche de graisse, la moufette choisit, en novembre ou en décembre, un terrier profond où elle passera l'hiver. On a déjà trouvé jusqu'à 20 moufettes dans un seul abri; mais elles y sont généralement beaucoup moins nombreuses. La mère et les petits gîtent habituellement ensemble, se terrant lorsque la température atteint environ 0°C.

Le mâle reste actif jusqu'à ce que la température atteigne environ -10°C; il peut alors rejoindre sa propre famille ou d'autres mâles, ou même se terrer tout seul. Il peut sortir brièvement de son gîte à n'importe quel moment de l'hiver. Une même tanière peut abriter des mâles et des femelles, des jeunes et des vieux.

À la fin de février, dans certaines régions du Canada, l'animal commence à sortir de sa torpeur hivernale et reprend toute son activité vers la fin de mars. Dans les prairies et les régions les plus septentrionales de son aire de répartition, il ne réapparaît qu'un peu plus tard.

Reproduction

Les moufettes s'accouplent à la fin de février ou en mars, lorsqu'elles sortent de leur terrier; les petits naissent habituellement au début de mai. La portée est généralement de 4 à 6 petits, bien qu'elle puisse varier de 2 à 16.

À la naissance, une moufette pèse environ 15 g et, bien qu'elle n'ait presque pas de poil, elle ressemble déjà à l'adulte avec sa fourrure caractéristique blanc et noir, qui n'est complète qu'après 13 jours. Les yeux ne s'ouvrent pas avant 17 à 21 jours.

Lorsque les petits ont à peu près sept semaines, la mère les emmène à la recherche de nourriture; ils sont sevrés au bout d'environ deux mois. Ils restent avec elle jusqu'à l'automne et peuvent la rejoindre dans son terrier prévu pour la saison hivernale.

Ennemis

L'odeur de la moufette est une arme efficace contre la plupart de ses ennemis naturels. Pourtant, le lynx roux et les oiseaux de proie la chassent. La plupart des oiseaux, notamment les buses, busards et éperviers et les hiboux et chouettes, ont développé leur acuité visuelle aux dépens de leur odorat; le Grand-duc d'Amérique surtout semble être relativement insensible à l'odeur et a fait de la moufette sa proie préférée.

Les trappeurs, au Canada, prennent de 6 000 à 7 000 de ces bêtes par an; ce nombre ne représente toutefois qu'une fraction de la population totale et n'a pas de conséquences graves pour celle-ci.

Les automobiles constituent un danger bien plus grand. Les moufettes, comme les porcs-épics, accordent une confiance exagérée à leur mécanisme de défense et paient souvent cher l'insouciance avec laquelle elles traversent les routes.

Les moufettes, agents de la rage

La moufette joue un rôle important dans la transmission du virus de la rage, qui s'attaque à tous les animaux à sang chaud, y compris l'être humain. Les cas de rage représentent un problème constant dans maintes régions du Canada. La bête peut transmettre cette maladie à d'autres animaux, tant sauvages que domestiques ainsi qu'aux humains, tout comme elle peut la répandre parmi ses semblables. Naturellement porté à fuir les humains, l'animal, une fois atteint de la rage, ne montrera plus aucune frayeur devant eux. Les enfants, en particulier, devraient être prévenus du danger qu'il y a à approcher des moufettes trop " amicales ".

Une victime de morsure doit nettoyer la plaie sur le champ et consulter un médecin : tout retard peut être fatal. La rage est une maladie à déclaration obligatoire. Aussi doit-on alerter immédiatement les autorités vétérinaires fédérales les plus proches (habituellement un vétérinaire de district de la Division de la santé animale, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire). En outre, il faut, si possible, essayer d'abattre l'animal, afin de le faire examiner à l'un des laboratoires de pathologie animale du gouvernement fédéral.

Importance économique

Bien que la moufette nuise parfois aux éleveurs de volailles et aux apiculteurs, ses déprédations sont sans importance du point de vue économique. Elle est même utile à l'agriculture. En fait, ce petit mammifère s'est montré un ennemi si efficace du ver du houblon, dans l'État de New York, qu'une loi le protège. En de nombreux endroits, il est le plus important destructeur d'insectes nuisibles.

La fourrure de la moufette est sans grand intérêt. Épaisse et luisante, elle peut être utilisée dans la confection de manteaux et de vestes, mais sert surtout à faire des garnitures. La plupart des peaux qui sont commercialisées au Canada proviennent de l'est du pays.

Dans les années vingt, le prix des fourrures était élevé, et les moufettes entièrement noires étaient très recherchées; aussi procéda-t-on à divers essais pour en élever dans des fermes. Si les prix s'étaient maintenus, cette tentative aurait pu réussir. Mais aujourd'hui, l'élevage d'une de ces bêtes coûte beaucoup plus cher que le prix obtenu de sa fourrure. Cependant la valeur de la moufette est d'un autre ordre. C'est un animal intéressant à observer, qui joue un rôle important dans la nature, particulièrement comme destructeur de souris et mulots et d'insectes.

Moufette s'écrit avec un f ou deux f selon les dictionnaires (voir Larousse, Petit Robert, Lexis).

Ouvrages à consulter

  • Banfield, A.W.F. 1977. Les mammifères du Canada. 2 éd. Presses de l'université Laval et University of Toronto Press. Pp. 315– 318.
  • Beaudin, L.; Quintin, M. 1983. Guide des mammifères terrestres du Québec, de l'Ontario et des Maritimes. Éd. du Nomade. Waterloo (Qc).
  • Bird, D.M. 1987. Les petits animaux sauvages autour de la maison. Comment s'en accommoder. Centre de conservation de la faune ailée de Montréal. Montréal (Qc). Pp. 43– 51.
  • Moutou, F.; Vial-Andru, M.; Lhoste, J. 1986. La moufette. Vie Sauvage. Encyclopédie Larousse des animaux. N° 63. Paris.
  • Wooding, F.H. 1984. Les mammifères sauvages du Canada. Éd. Broquet inc. La Prairie (Qc). Pp. 117-119.

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1973, 1979, 1988
N° de catalogue CW69-4/36-1994F
ISBN 0-662-98935-X
Texte: R.S. Miller
Réimprimé avec corrections, en 1994
Photo: Ed Cesar

 

 

 

 

 

 

Recherche personnalisée

Accuil