L'orignal

Photo d'un orignal

La forêt canadienne s'étend des frontières de l'Alaska jusqu'à la pointe est de Terre-Neuve. Toutes les parties de ce vaste territoire hétérogène ont un point commun : l'orignal.

L'orignal fréquente les pentes boisées et rocheuses des chaînes de montagnes de l'Ouest, les parages d'un demi-million de lacs, muskegs et cours d'eau de la grande forêt boréale, et même la toundra du nord du pays ainsi que la tremblaie-parc des provinces des Prairies.

carte du répartition d'un orignal

Au Canada, les effectifs de l'espèce atteindraient entre 500 000 et un million d'individus. L'orignal est très prisé par les chasseurs sportifs amateurs de gros gibier, mais pour les peuples du Nord, il est avant tout une source de nourriture de premier plan. Il constitue également un maillon important de la chaîne alimentaire, contribuant à la subsistance de prédateurs comme l'ours et le loup et à celle d'animaux nécrophages comme le corbeau.

L'orignal est le plus grand des cervidés, famille également représentée en Amérique du Nord par le wapiti, le cerf de Virginie, le cerf mulet et le caribou. Il n'est pas unique à ce continent puisqu'on le trouve aussi dans le nord de l'Europe et en Asie.

Caractéristiques physiques

L'orignal mâle adulte, doté de son panache complet, est l'animal le plus imposant de l'Amérique du Nord. Sa taille, mesurée au garrot, dépasse celle des plus grands chevaux de selle. Les gros mâles pèsent autant que le cheval, soit jusqu'à 600 kg dans la majeure partie du Canada et jusqu'à 800 kg pour la sous-espèce géante de l'Alaska et du Yukon.

L'orignal a les pattes longues et fines, qui se terminent par des sabots fourchus mesurant souvent plus de 18 cm de longueur. Ses épaules sont voutées et les muscles massifs qui s'y attachent le font paraître bossu. Il a les flancs plats, la croupe basse et plutôt mince et la queue courte et fournie. Sa tête est massive et compacte, avec un museau long et arqué se terminant par une lèvre supérieure saillante et flexible, qui lui confère un air de tristesse. Ses oreilles ressemblent à celles de la mule, bien que moins longues. Sous la gorge de la plupart des orignaux pend un fanon de peau velue qui peut atteindre jusqu'à 30 cm de longueur.

La robe de l'orignal va du brun foncé, presque noir, au brun rougeâtre ou grisâtre; les pattes sont guêtrées de gris ou de blanc.

À la fin de l'été et à l'automne, le mâle adulte porte un immense panache, parfois presque blanc, dont l'envergure atteint le plus souvent 120­150 cm d'une extrémité à l'autre mais qui peut parfois dépasser 180 cm. Les lourdes perches centrales, appelées merrains, s'élargissent pour former des palettes qui sont couronnées d'un certain nombre de pointes mesurant normalement moins de 30 cm.

Cycle biologique

À sa naissance, le petit n'est qu'une menue copie peu gracieuse de sa mère. S'il s'agit d'un jumeau, il peut peser 6 kg, sinon son poids varie entre 11 et 16 kg.

Le petit naît sans défense. Sa mère le cache de ses nombreux ennemis dans un fourré ou sur une île pendant quelques jours. Son cri n'est qu'un faible grognement qui ne tarde cependant pas à se transformer en un meuglement strident à résonnance presque humaine. Quelques jours à peine après sa naissance, le jeune court déjà plus vite qu'un humain et nage avec facilité.

Chez les espèces faisant partie du gros gibier de l'Amérique du Nord, le petit de l'orignal est celui dont la croissance est la plus rapide. Au cours du premier mois, il peut prendre plus de 500 g par jour et, plus tard dans l'été, plus de 2 kg par jour pendant un certain temps.

Les jeunes restent avec leur mère jusqu'à ce que celle-ci mette bas à nouveau le printemps suivant; elle les chasse alors, ce qui est sûrement une dure expérience pour eux.

Des protubérances peuvent se former sur le front du jeune mâle dès sa première année d'existence. Les nouveaux bois qui poussent ensuite chaque été tombent à l'automne. Les plus jeunes orignaux conservent parfois leurs bois jusqu'en avril, mais les plus âgés les perdent généralement en novembre. Chez les jeunes d'un an, les bois sont habituellement de simples dagues. L'année suivante, ils deviennent plus gros et ramifiés, ordinairement en s'aplatissant aux extrémités.

Les bois commencent à pousser au milieu de l'été. Au cours de leur croissance, ils sont tendres et spongieux, irrigués de vaisseaux sanguins et couverts d'une peau veloutée. Ils atteignent leur pleine envergure fin août ou début septembre et deviennent alors durs et osseux. Le velours s'assèche et les mâles le frottent contre des troncs d'arbre pour s'en débarrasser.

L'orignal a une vue très faible, mais cette lacune est compensée par ses sens de l'odorat et de l'ouïe. Avant de s'étendre pour se reposer, il va ordinairement avancer contre le vent pendant un certain temps, puis revenir en arrière en traçant un cercle partiel. De cette façon, les prédateurs qui suivent sa piste doivent s'approcher dans le sens du vent. Les chasseurs habiles savent quand ils doivent arrêter de suivre la piste d'un orignal pour se diriger plutôt contre le vent et tenter de le surprendre là où il s'est caché.

L'orignal se chasse à l'affût ou, pendant la saison des amours, à l'appel. En imitant le cri de la femelle, habituellement à l'aide d'un cornet fait d'écorce de bouleau, un chasseur expérimenté peut attirer un mâle à portée de fusil.

Comportement alimentaire

Durant l'hiver, l'orignal se nourrit presque exclusivement de rameaux et d'arbrisseaux. Quand vient l'été, il agrémente son menu de feuilles, de quelques plantes des hautes terres et de grandes quantités de plantes aquatiques là où il en trouve. Un adulte de bonne taille mange quotidiennement 15­20 kg (poids frais) de rameaux en hiver et 25­30 kg de matières végétales diverses (rameaux, feuilles, arbrisseaux, plantes des hautes terres et plantes aquatiques) durant la belle saison.

Le régime d'hiver se compose surtout de rameaux de sapin baumier, de peuplier, de cornouiller stolonifère, de bouleau, de saule, d'érable rouge et d'érable de Pennsylvanie, mais aussi de petites quantités de nombreux autres arbres et arbustes. Quand la nourriture se fait rare, comme c'est souvent le cas à l'approche du printemps, les orignaux s'attaquent à l'écorce des arbres, en particulier celle des peupliers. En juin et juillet, les orignaux se réunissent autour d'affleurements salins, habituellement situés dans de petites dépressions où il y a de l'eau stagnante riche en minéraux. À cette saison, ils se nourrissent abondamment de feuilles et semblent avoir besoin de plus de minéraux.

Reproduction

Polygame à l'occasion, l'orignal est plutôt enclin à rester avec la même femelle pour la plus grande partie de la saison des amours, ou période du rut, qui commence à la mi-septembre. Il est alors possible, si l'on se trouve sur le territoire de l'orignal, d'entendre le bramement nasillard d'une femelle invitant un mâle à la rejoindre et le mugissement éraillé du mâle qui lui répond.

L'abondance de la nourriture accroît le succès de la reproduction. Dans un habitat propice, plus de 90 % des femelles deviennent gravides et jusqu'à 30 % de ces dernières portent des jumeaux; les triplets sont très rares. En période de disette, toutefois, le pourcentage des femelles gravides peut tomber à 50 % et la naissance de jumeaux devient exceptionnelle.

Adaptation au milieu

Grâce à ses longues pattes, l'orignal peut circuler aisément parmi les arbres tombés et dans la neige, là où le cerf et le loup n'oseraient pas s'aventurer. Ses sabots fourchus et ses ergots, en s'écartant, lui procurent une plus grande surface d'appui lorsqu'il circule sur le sol mou des muskegs et dans la neige. Sa formidable force physique et sa grande énergie lui permettent de se déplacer sur presque tous les types de terrain. Lorsque l'orignal est effrayé, il lui arrive de s'enfoncer avec fracas dans le sous-bois. Pourtant, malgré sa taille imposante, même un mâle adulte panaché peut se déplacer dans la forêt dense presque aussi silencieusement qu'un chat.

L'orignal supporte très bien le froid, mais il souffre de la chaleur. Durant l'été, surtout en pleine saison des moustiques, il peut passer plusieurs heures par jour dans l'eau. Il en profite pour manger des nénuphars et d'autres plantes aquatiques.

L'orignal est très à l'aise dans l'eau. Il plonge parfois à 5,5 m ou plus pour extirper des plantes au fond d'un lac ou d'un étang, et il peut nager sur 19 km. De tous les cervidés nord-américains, seul le caribou est un nageur plus puissant. Très tôt, le petit est capable de suivre sa mère à la nage sur une grande distance, posant à l'occasion son museau sur le dos maternel pour y prendre appui.

Ennemis et dangers

On sait que l'ours noir et le grizzli s'attaquent souvent aux petits de l'orignal au cours des premières semaines suivant la mise bas. En outre, il est facile pour un grizzli de tuer un adulte.

Le loup tue aussi de nombreux jeunes et s'attaque aux adultes pendant toute l'année, l'orignal étant sa proie principale sur la majeure partie de son aire de répartition au Canada. En hiver, les loups chassent habituellement en meutes. Capturer un orignal mâle en santé n'est cependant pas chose facile; c'est même souvent une entreprise périlleuse. Seulement une confrontation sur douze environ se termine par la capture de l'orignal. À cause des coups de sabots qu'ils reçoivent, il n'est pas rare que les loups ressortent de ces confrontations avec des fractures et même qu'ils y trouvent la mort. Un orignal en santé et agressif est ordinairement capable de tenir tête aux loups. Par contre, dans la neige épaisse et croûtée ou sur la glace vive, une meute de loups peut facilement venir à bout d'un orignal. Les loups courent habituellement aux côtés de leur proie et déchirent la chair tendre de ses flancs jusqu'à ce que la perte de sang l'affaiblisse. Par ailleurs, les loups finissent par capturer presque tous les orignaux, qui meurent rarement de vieillesse.

Le carcajou s'attaque aussi parfois aux petits. En outre, là où l'orignal et le couguar coexistent, ce dernier capture un nombre important de petits et de jeunes d'un an.

Les cerfs, les wapitis, les lièvres et mêmes les castors livrent concurrence à l'orignal pour ce qui est de la nourriture.

L'orignal est souvent porteur de tiques, particulièrement à la fin de l'hiver, ce qui peut l'affaiblir gravement, non seulement à cause de la perte de sang mais aussi en raison de la déperdition de chaleur du fait que, en se frottant, il arrache une bonne partie de ses poils. Il est également l'hôte de parasites internes comme l'hydatide -- un petit ver plat --, spécialement lorsque le manque de nourriture et l'infestation de tiques diminuent sa résistance.

Une maladie parasitique grave de l'orignal est causée par le nématode des méninges, qui attaque les méninges ou membranes entourant le cerveau et la moelle épinière. Parasite du cerf de Virginie, qui s'est adapté à lui, ce ver tue beaucoup d'orignaux dans les régions où les deux cervidés coexistent.

Les orignaux migrent vers les vallées où les saules abondent ou vers d'autres terrains où ils peuvent se nourrir à proximité de la forêt. L'hiver est, pour eux, une saison de famine. Ils réduisent leur consommation de nourriture et limitent leurs activités pour économiser l'énergie. Là où les prédateurs et les chasseurs sont rares, les orignaux peuvent devenir trop nombreux et ne plus trouver suffisamment de nourriture. Beaucoup, alors, meurent de faim. Tous sont affaiblis par le manque de nourriture et deviennent plus vulnérables aux prédateurs et aux maladies. Des densités de 135 bêtes sur 10 km2 ont été observées dans le parc provincial Wells Grey, en Colombie-Britannique.

Changements attribuables aux humains

L'aire de répartition de l'orignal au Canada a beaucoup changé depuis l'arrivée des colons européens. On trouve actuellement cette espèce à de nombreux endroits où elle était absente avant la colonisation, notamment dans le centre-nord de l'Ontario et le sud de la Colombie-Britannique, où les populations sont maintenant nombreuses. Au Québec, ce n'est que récemment que l'orignal s'est répandu sur la côte Nord du golfe du Saint-Laurent. Sur l'île de Terre-Neuve, les quelques couples qui y ont été introduits au début des années 1900 sont à l'origine des importantes populations que l'on y trouve à l'heure actuelle. De plus en plus, l'orignal se déplace vers le nord, dans la forêt clairsemée de transition qui précède les grands espaces dénudés de la toundra.

Avant la colonisation, la jeune repousse forestière dans les brûlis fournissait aux orignaux les grandes quantités de rameaux dont ils avaient besoin pour se nourrir. La colonisation a amené avec elle la lutte contre les feux de friche, et même si ceux-ci n'ont pas été complètement éliminés, c'est maintenant la coupe à blanc qui, en majeure partie, assure le renouvellement de la forêt et constitue pour les orignaux une source de nourriture.

Gestion de l'orignal

Pour prévenir la sous-alimentation, la maladie et la destruction de la végétation, les populations d'orignaux doivent être maintenues sous un certain niveau correspondant à la nourriture disponible. Dans les régions surpeuplées d'orignaux, les forestiers constatent que la régénération de la forêt est sérieusement entravée, ce qui peut réduire considérablement les récoltes de bois ainsi que l'habitat de nidification des oiseaux chanteurs, qui construisent leur nid dans les arbrisseaux feuillus. Les prédateurs et la chasse limitent plus ou moins l'augmentation des effectifs.

Au Canada, l'orignal constitue une ressource économique importante. Sa chasse a des retombées économiques évaluées à plus de 500 millions de dollars par année, en plus de fournir de grandes quantités de nourriture aux autochtones et à d'autres populations rurales. L'orignal représente, en outre, un attrait majeur pour les visiteurs qui se rendent dans des parcs et d'autres espaces sauvages pour observer la nature. Ces activités occasionnent aussi des dépenses considérables.

L'orignal réagit bien aux modifications apportées à son habitat par l'abattage des arbres ou le brûlage dirigé, pourvu que l'on conserve une variété de zones dégagées et de massifs de gros arbres où il peut trouver abri. De nos jours, la gestion de l'orignal au Canada s'appuie sur des méthodes solidement établies, comme les dénombrements aériens, les inventaires des habitats et les études scientifiques sur les taux de reproduction et la survie des petits. L'orignal s'accommode bien de la présence humaine et il continuera de faire partie du paysage canadien grâce à une gestion appropriée.

Lectures suggérées

  • Banfield, A.W.F. 1977. Les mammifères du Canada. 2e éd. Musées nationaux du Canada, Ottawa (Ontario).
  • Beaudin, L.; Quintin, M. 1983. Guide des mammifères terrestres du Québec, de l'Ontario et des Maritimes. Éd. du Nomade. Waterloo (Québec).


Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1995
N° de catalogue CW69-4/18/-1995F
ISBN 0-662-99694-1
Texte: E.S. Telfer
Photo: Parcs Canada

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