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Les machines hydrostatiques

Machine Simple

Tout le monde sait que les liquides exercent une pression. Pour qu'un navire puisse rester à flot, l'eau doit exercer contre sa coque une pression de bas en haut. Mais l'eau exerce aussi sa pression contre les flancs du navire. Dans un sous-marin, on se rend plus facilement compte de ce phénomène des pressions qui s'exercent de tous côtés. Les scaphandriers doivent se munir de vêtements à l'intérieur desquels l'air est pompé en vue de neutraliser les énormes pressions qu'exerce l'eau à une certaine profondeur. Toute pression résultant des liquides au repos s'appelle pression hydrostatique (hydrostatic pressure).

Nous avons vu au chapitre précèdent que tout fluide exerce une pression qui se fait sentir dans toutes les directions. Mais quelle force a cette pression ? Vérifions au moyen d'une simple expérience. Placez un empilement de blocs de bois en face de vous sur une table. Si vous introduisez l'extrémité de votre index sous le premier bloc, au sommet de la pile, vous ne sentirez guère le poids de ce bloc. Placez successivement votre doigt sous le deuxième, puis sous le troisième et enfin sous le dernier bloc de la pile; vous constaterez que la pression augmente à mesure que vous descendez. La même chose s'applique aux liquides. Plus vous allez en profondeur, plus forte devient la pression. Mais la profondeur n'est pas tout.

La pression dépend de la nature des liquides

Supposons maintenant que les blocs dont il est question ci-dessus soient de plomb au lieu de bois, vous constaterez qu'à chaque niveau de la pile la pression est considérablement plus forte. Par contre, si vos blocs sont de liège — ou de balsa — la pression sera plus faible. Par conséquent, on peut se rendre compte par ce qui vient d'être dit que la pression ne dépend pas seulement de la profondeur, mais aussi du poids du matériel. Et du fait que nous en sommes au chapitre des pressions — c'est-à-dire de la force par unité de surface — il va aussi falloir tenir compte du poids par unité de volume, c'est-à-dire de la densité.

Lorsqu'on parle de la densité d'une substance on veut signifier par là ce que pèse cette substance par pied cube ou par pouce cube. Ainsi, on sait que la densité de l'eau est de 62.5 livres au pied cube. L'eau sert de base de comparaison pour établir la densité de tous les autres matériaux. Affirmer que le plomb pèse plus que l'eau est un énoncé boiteux — il y manque certains éléments de précision absolument essentiels. Une balle de calibre 22 ne pèse pas autant qu'un seau d'eau. Par contre, il est très vrai qu'un pied cube de plomb pèse énormément plus qu'un pied cube d'eau. Le plomb possède une densité plus grande que l'eau; en fait, le plomb pèse exactement 710 livres au pied cube, comparé à 62.5 livres pour l'eau.

La pression dépend donc de deux facteurs: la profondeur et la densité, de sorte qu'il est facile de concevoir une formule qui vous aidera à trouver la pression, à n'importe quelle profondeur, de n'importe quel liquide. La voici:

dans laquelle:

P = la pression, en livres, par pouce carré ou par pied carré.

H = la profondeur, mesurée en pieds ou en pouces.

et:

D = la densité en livres par pouces cube ou en livres par pied cube.

(On notera que si des pouces sont employés à un point quelconque des calculs, il faudra les employer pour toute la suite des opérations; si l'on se sert des pieds, il faudra les employer partout).

Pour vérifier la valeur de notre formule, appliquons-là à un problème spécifique. Essayons de trouver quelle pression s'exerce contre un pied carré des parois d'un sous-marin à 200 pieds sous la surface. La formule:

 

se transforme en :

On se rend compte que chaque pied carré de la surface d'un sous-marin subit, à 200 pieds sous la surface de l'eau, une pression supérieure à 6 tonnes! Si la coque du sous-marin a 20 pieds de hauteur et que la surface en question se trouve juste au centre, on peut calculer qu'à la partie supérieure du submersible la pression sera de (200—10) x62.5 = 11,875 livres, et qu'à sa partie inférieure elle atteindra (200+10) X 62.5 |= 13,125 livres par pied carré. Il va de soi que cette coque doit être d'une construction extrêmement robuste afin de pouvoir résister à de telles pressions.

Puisque nous en sommes au domaine de l'hydrostatique, voici quelques usages auxquels on s'en servait pendant la guerre dans la lutte contre les sous-marins. Vous avez sans doute entendu parler des charges de profondeur. Bien que soumis à de très fortes pressions un sous-marin possède un grand avantage sur les vaisseaux de surface: il est beaucoup plus difficile à atteindre. Pour lui causer quelque dommage, il faut qu'une charge de profondeur puisse exploser à 30 ou 50 pieds de sa coque. Ceci revient à dire qu'une charge de profondeur ne doit pas exploser tant qu'elle n'est pas rendue à peu près au niveau du submersible; pour cela, on a recours à un mécanisme qui en provoque la détonation à cette profondeur après avoir été préalablement réglé à cette fin.

La fig. 83 nous permet de juger de la manière dont ce détonateur fonctionne. Une charge de profondeur est une sorte de baril en métal rempli de TNT. Un tube traverse ce baril d'une extrémité à l'autre. A l'une des extrémités de ce tube est placée l'amorce (booster), constituée de TNT en granules, qui sert à faire détoner la charge du baril. En lançant le projectile à l'eau, le crochet de sûreté est dégagé, ce qui permet au couvercle de la soupape d'admission de s'ouvrir pour donner passage à l'eau.

Une fois que la charge atteint une profondeur de 12 à 15 pieds, la pression de l'eau suffit à faire détendre le soufflet de l'amorce et à déclencher immédiatement un mécanisme à ressort qui pousse l'amorce contre une bride de centrage. Le détonateur est pourvu d'une tige qui vient se placer dans l'orifice de l'amorce; rien ne peut se produire tant que cette tige n'est pas rendue à sa place.

Comme on peut s'en rendre compte par la gravure, le chien étant placé en position, il ne suffit plus que la pression de l'eau exerce son action sur un second soufflet et en fasse déclencher le ressort. Ce dernier se règle d'après le cadran que fait voir la fig. 84.

 

La pression qui s'exerce sur le soufflet dépendant principalement de la profondeur, il suffit que J'artilleur préposé aux charges de profondeur place l'aiguille vis-à-vis le nombre de pieds auquel l'explosion devra se produire. Et lorsque la pression de l'eau contre le soufflet correspond à la profondeur indiquée, son mécanisme déclenche le ressort et le chien percute l'amorce qui, en explosant, fait sauter la charge entière du baril de TNT.

Les deux soufflets dont il vient d'être question servent à deux fins: ils permettent de faire exploser la charge à la profondeur désirée et ils permettent à l'équipage de manœuvrer ces projectiles sans danger tant que le dispositif du cadran n'a pas été dérangé. On se rend compte, par ce qui précède, de l'usage qu'ont fait les ingénieurs du principe des pressions afin d'atteindre un ennemi par ailleurs très difficile d'accès.

Le même principe, avec quelques modifications appropriées, est mis à profit dans le mécanisme de direction des torpilles. Ce genre de projectiles est propulsé par son propre moteur et il doit non seulement se diriger vers l'objectif en suivant la course qui lui a été prédéterminée, mais encore ne pas passer en dessous en plongeant à une trop grande profondeur, ou sortir de l'eau en chemin. Pour résoudre ces divers problèmes, les ingénieurs ont encore mis à contribution de la plus judicieuse façon, leurs connaissances de l'hydrostatique.

On se rend compte par la fig. 85 qu'une torpille est pourvue d'une chambre à air scellée dont l'une des extrémités est formée d'un mince diaphragme relié à un ressort à boudin. La tension de ce ressort est déterminée par le bouton de réglage en profondeur du projectile.

En admettant que la torpille ait tendance à plonger en-dessous de l'objectif, immédiatement l'eau qui enveloppe la chambre à air se met à exercer une pression de plus en plus grande contre ses parois, dont le diaphragme qu'elle déprime. Ce mouvement a pour conséquence de faire avancer le pendule et, par le jeu des articulations qui relient ce dernier à la soupape du moteur à air, celui-ci déplace le gouvernail de plongée de manière à faire remonter la torpille au niveau voulu. Si elle remonte trop, le diaphragme se détend et provoque l'inverse de ce que nous venons de décrire. Par ailleurs, aussi longtemps que la torpille se maintient à la profondeur prédéterminée par le bouton de réglage, la pression qui s'exerce sur le diaphragme de la chambre à air demeure constante et le gouvernail conserve sa position strictement horizontale.

Mathématiques des scaphandriers

Les scaphandriers sont à même d'obtenir sur l'hydrostatique des aperçus essentiellement personnels. Songez seulement à ce qui arrive à celui qui plonge à une profondeur de 100 pieds en vue d'y effectuer certains travaux de sauvetage, par exemple. La pression qui s'exerce à cette profondeur sur chaque pied carré de la surface de son corps est de 6,250 livres! Naturellement, un homme ne peut supporter impunément une telle pression. Voici de quelle manière on arrive à en contrebalancer la force.

Tout d'abord, le scaphandrier est revêtu d'un uniforme caoutchouté dans lequel on pompe de l'air sous pression grâce à un compresseur installé sur le pont du navire. Cet air offre comme premier avantage celui de gonfler l'uniforme, mais il baigne aussi le corps tout entier de l'homme, pénètre dans ses poumons et même dans les canaux sanguins. Il s'ensuit que la pression interne du scaphandrier peut être maintenue à un niveau correspondant à la pression hydrostatique qui l'entoure.

A mesure que le scaphandrier descend sous l'eau, la pression de l'air doit être accrue à l'intérieur de son vêtement protecteur de façon à neutraliser celle du liquide. De même, lorsqu'il s'agit de le remonter en surface, il faut que la pression soit graduellement réduite, autrement, si le scaphandrier est remonté en vitesse et si la pression de l'air est trop brusquement diminuée, il peut en résulter des accidents graves. En effet, si la décompression a lieu trop rapidement l'air qui a été dissout dans le sang, sous pression, tend à reprendre son volume normal et forme alors une solution qui peut produire dans les veines une certaine proportion d'écume, toute détente brusque de la pression qui s'exerce sur un fluide a pour résultat de libérer quelques-uns des gaz qui y existent. C'est ce qui se produit, par exemple, lorsqu'on enlève le bouchon d'une bouteille d'eau gazeuse. Pour éviter les accidents de cette nature dont aurait à souffrir le scaphandrier, il importe que la pression hydrostatique dont il peut ressentir les effets soit équilibrée — quelque soit le niveau où il se trouve — par une pression d'air équivalente.

Tachomètre marin ou loch

Voici un autre dispositif qui tire avantage des principes de l'hydrostatique.

Sans doute vous êtes-vous déjà demandé comment font les capitaines de navires pour connaître à quelle vitesse ils avancent. Plusieurs instruments peuvent servir à procurer ce renseignement, dont le loch rotatif et le loch à pression. Ce dernier fonctionne en partie sous l'effet de la pression hydrostatique. En réalité, cet instrument ne fait qu'indiquer la différence entre la pression hydrostatique et la pression de l'eau qui glisse le long du navire, mais on peut utiliser cette différence pour déterminer la vitesse à laquelle avance le navire.

 

La fig. 86 nous montre, sous la forme d'une vue schématique, le fonctionnement de cet appareil. Un tuyau à double paroi émerge de la proue du navire, au dessous du niveau de l'eau.

L'ouverture "A" permet à l'eau de pénétrer dans le tube. Lorsque le navire est en marche, deux forces ou pressions se font sentir contre cette ouverture: la pression hydrostatique résultant de l'épaisseur de l'eau qui se trouve au-dessus de l'ouverture, puis la pression causée par le mouvement du navire dans l'eau. La force combinée de ces deux pressions se transmet à travers le tube ouvert — dont le parcours est indiqué en blanc sur le croquis — jusqu'au bras gauche du manomètre.

Sur le côté du tube à double paroi se trouve une deuxième ouverture "B" qui n'est pas dirigée vers l'avant du navire. Cette ouverture "B" ne donne pas accès au tube intérieur, de sorte que l'unique pression qui l'atteint est la pression hydrostatique. Cette pression se transmet, par le tube externe — teinté en gris sur le croquis — au bras droit du manomètre.

Lorsque le navire est stationnaire, les pressions s'exerçant sur l'ouverture "A" et sur l'ouverture "B" s'équilibrent et le mercure que contient la section en "U" du manomètre reste au même niveau dans les deux bras. Cependant, dès que le navire commence à se déplacer, une pression de plus en plus forte, proportionnellement à sa vitesse, est créée contre l'ouverture "A" et le mercure est refoulé dans le bras gauche du manomètre vers le bras droit. Plus vite va le navire, plus grande est la pression et le déplacement correspondant de la colonne de mercure de la gauche vers la droite. La vitesse du navire en nœuds peut alors être connue en consultant l'échelle graduée dont est muni le manomètre.

L'air étant également un fluide, un dispositif analogue à celui qui vient d'être décrit sert à déterminer la vitesse des avions.

Pour résumer

Nombre d'appareils reposant sur le principe de l'hydrostatique sont en usage dans la marine et dans l'aviation. Voici quels sont les principaux points à retenir concernant le fonctionnement de ces appareils:

•—La pression s'exerce dans un liquide dans toutes les directions.

•—On appelle pression hydrostatique celle qui se fait sentir dans un liquide au repos à n'importe quelle profondeur.

•—La pression est influencée à la fois par la profondeur et la densité du liquide. La formule servant à trouver quelle est la pression est:

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